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dimanche 25 novembre 2012

SAHARA OCCIDENTAL: MAINTENIR LA PRESSION SUR LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS POUR UN CHANGEMENT DE POLITIQUE



Par JP Le Marec,  novembre 2012

         Après  la mise en place du nouveau gouvernement français, des associations de solidarité avec le peuple sahraoui (Association des Amis de la RASD, AFASPA, CORELSO...) ont adressé des courriers sur la question sahraouie au président de la République, au premier ministre, au ministre des Affaires étrangères mais aussi aux ministres de l'Agriculture et du Développement qui avaient exprimé leur intérêt pour la cause sahraouie avant d'être ministres.
         L'objectif de ces interventions était d'obtenir un changement de cap de la politique du gouvernement français qui soutenait, jusqu'à présent, les thèses marocaines concernant le Sahara occidental, que ce soit sur les droits de l'Homme ou le droit international. Ces courriers s'appuyaient sur le discours du président de la République: "La France respectera tous les peuples, elle sera partout fidèle à la vocation qui est la sienne, défendre la liberté des peuples, l'honneur des opprimés" et faisaient référence au soutien au droit à l'autodétermination du peuple sahraoui apporté par l'Internationale socialiste et Jean-Marc Ayrault, quand il était président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale.
         Ces courriers ont reçu des réponses écrites et ont débouché sur des rencontres avec les services concernés:

Premier ministre
         Le conseiller diplomatique de Jean-Marc Ayrault, Laurent Pic, ancien collaborateur du ministère des Affaires étrangères, a reçu le  5 octobre une délégation composée de Jean-Paul Le Marec, Claude Mangin et Aline Pailler. L'échange, qui a duré plus d'une heure, a été assez vif. Pour le conseiller, le gouvernement a tiré les enseignements des révoltes des peuples arabes en voulant aujourd'hui "accompagner la transition dans les pays du Maghreb". La situation serait "différente" au Maroc qui a tenu des élections démocratiques, modifié sa Constitution et aide la société civile à se structurer. Par contre, il juge que la société est bloquée en Algérie qui est en retard sur le plan des réformes. Tout au long de la discussion, il a précisé que la France faisait preuve de "prudence" et refusait d'être "instrumentalisée" mais avec une tendance lourde à renvoyer la question sahraouie à un conflit entre l'Algérie et le Maroc. Il n'a pas réfuté les témoignages apportés sur les violations des droits de l'Homme, la répression des manifestations, les emprisonnements arbitraires...et a précisé que la France envoyait régulièrement des messages au Maroc sur les droits de l'Homme "dans le respect de sa souveraineté".
         A la lecture de la réponse du 8 juin 2010  à l'AARASD de Jean-Marc Ayrault, qui demandait "le respect du droit international et du droit à l'autodétermination des peuples colonisés", il s'est contenté de faire remarquer que M. Ayrault était alors président du groupe socialiste à l'AN. Interpellé sur la réponse de Laurent Fabius au CORELSO, qui soutient le plan d'autonomie marocain, il a précisé que cette position du ministère des Affaires étrangères était celle du gouvernement français...c'est-à- dire la même que celle du gouvernement Sarkozy-Fillon-Juppé!

Ministère des Affaires étrangères
         La réponse du MAE (signée par Laurent Fabius) au CORELSO précise: " La France considère que le plan marocain d'autonomie de 2007 est la seule proposition réaliste aujourd'hui sur la table et constitue la base la plus crédible et sérieuse d'une solution juste et durable". Comme il l'avait proposé dans cette lettre, une rencontre a été organisée au ministère. Le 22 octobre, une délégation composée de Michèle Decaster, Jean-Paul le Marec, Bachir Moutik, Pierre Toutain a été reçue par Yannick Samson (Sous-direction Afrique du Nord, Maroc - Sahara occidental), Philippe Voiry et Marie-Laure Charrier (Direction des Nations unies et des organisations internationales).
         L'échange a porté essentiellement sur les droits de l'Home et le droit international.  Yannick Samson et Philippe Voiry sont allés dans les territoires occupés où ils ont rencontré des responsables d'associations sahraouies des droits de l'Homme "après avoir demandé aux autorités marocaines la possibilité de rencontrer des organisations non autorisées", laissant entendre que leurs visites n'étaient pas totalement indépendantes du pouvoir marocain. Ils ont fait état des "énormes efforts" faits par le Maroc en matière de droits de l'Homme; le rôle de la France est d'accompagner ces efforts "dans le respect de la souveraineté du Maroc". Ils ont rendu hommage au Conseil National des Droits de l'Homme (CNDH) et à son indépendance en faisant référence à la "respectabilité" de son président. Bien que les associations marocaines des droits de l'Homme (AMDH, ASDHOM...) ne fassent pas confiance au CNDH, qu'elles considèrent comme un instrument non indépendant aux mains du roi, la délégation du MAE s'est  contentée de souligner:" L'indépendance, cela se construit (...) Il faut lui laisser le temps".
         A la question: "La France va-t-elle enfin accepter au Conseil de sécurité l'extension du mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l'Homme", la délégation du MAE a répondu que le gouvernement français n'y était pas favorable, notamment "pour ne pas indisposer le Maroc" et préférait l'envoi de rapporteurs spéciaux des Nations unies (comme la récente mission de Juan Mendes, rapporteur spécial sur la torture) qui est plus efficace  pour un suivi international dans le domaine des droits de l'Homme. Tout en précisant que l'Ambassade de France au Maroc suivait le procès de Salé et envoyait des missions au Sahara occidental, la délégation du MAE n'a rien trouvé à redire à la poursuite des 24 de Salé devant un tribunal militaire, contribuant ainsi à justifier les graves accusations portées contre les militants sahraouis bien qu'ils soient tous des civils et, pour la plupart, défenseurs des droits de l'Homme.
         Concernant l'application du droit international, la délégation du MAE a précisé que la France voulait œuvrer "dans un esprit non partisan" à la résolution du conflit dans le cadre de l'ONU mais qu'il fallait "rechercher le consentement des deux parties". Effectivement, comme l'a précisé le ministre des Affaires étrangères dans sa réponse au CORELSO, le gouvernement soutient le plan d'autonomie marocain parce qu'il est "la base la plus crédible" pour une solution au conflit. Cette position unilatérale ne prend pas en compte la position du Front Polisario qui a accepté d'inclure l'autonomie dans les questions qui seraient soumises au référendum qui reste le seul moyen de respecter la légalité internationale fondée sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
         Une prochaine rencontre devrait se tenir au MAE avant le vote de la résolution à l'ONU en avril 2013 mais en recherchant un contact avec les conseillers politiques du ministre.

Ministère de l'agriculture
         Sur proposition du ministre, Stéphane Le Foll, le  conseiller diplomatique Jean-Christophe Roubin a reçu le 26 octobre une délégation composée de Jean-Paul Le Marec et Régine Villemont.
         L'échange, très intéressant et constructif, a porté surtout sur les accords du Maroc dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche mais il a également permis de faire un tour d'horizon sur l'application du droit international car le ministre se dit toujours intéressé par la question sahraouie. JC Roubin a confirmé que le Maroc avait très mal reçu le rejet par le Parlement européen en décembre 2011 de la prolongation de l'accord de pêche UE-Maroc; le soir même du vote, il avait obligé tous les bateaux communautaires (essentiellement espagnols) de quitter les lieux de pêche. La Commission devrait présenter de nouvelles propositions pour la reprise de cet accord (dossier à suivre). JC Roubin a conseillé de prendre contact avec un conseiller du ministre de la pêche qui suit cet accord. Il a toutefois tenu à préciser que, si l'accord n'était pas repris, les zones de pêche seraient attribuées à des pays tiers, notamment Corée du Sud, Japon, Chine.
         Il reconnait qu'il y a un problème avec les produits agricoles provenant des territoires occupés(par exemple les tomates de Dakhla) mais il a mis en avant l'intérêt de la France à importer des produits agricoles du Maroc pour pouvoir exporter et investir (construction d'un TGV...) tout en refusant que l'agriculture serve de monnaie d'échange dans les relations commerciales.
         Il s'est dit prêt à relayer auprès des groupes socialistes à l'Assemblée nationale et au Sénat la demande de la délégation de mettre en place des groupes d'études sur le Sahara occidental.
         Il  a informé la délégation que le ministre Stéphane Le Foll accompagnera François Hollande dans ses déplacements en Algérie en décembre et au Maroc en janvier.

"Le changement c'est maintenant!"Mais maintenat c'est quand?

         Quelles conclusions tirer de ces courriers et rencontres? C'est la première fois qu'une délégation des associations de soutien à la cause sahraouie est reçue au cabinet du premier ministre et que des  réponses sont adressées depuis l'Elysée.
         Dans les réponses aux courriers et les rencontres, on peut remarquer que la question sahraouie n'est pas négligée par le gouvernement. Les échanges ont été intéressants même s'il faut regretter qu'il n'y ait pas eu d'engagement concret pour un véritable changement de la position du gouvernement qui reste sensiblement la même que celle du gouvernement précédent. Elisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, l'a confirmé récemment en allant au Maroc soutenir le plan marocain d'autonomie juste après la visite de Christopher Ross, envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU.
         Il convient toutefois de noter des appréciations différentes selon les interlocuteurs. Si le MAE confirme son soutien au plan marocain d'autonomie (position officielle du gouvernement selon le conseiller diplomatique du premier ministre), le conseiller Afrique du Nord du président de la République n'y fait pas référence dans sa réponse à l'AARASD :"La France est attachée au droit international et au respect des droits de l'Homme dont tous les citoyens du monde, y compris les habitants du Sahara occidental, doivent pouvoir bénéficier. Elle continuera à soutenir les efforts de négociation et de pourparlers informels sous l'égide des Nations unies en faveur des droits des populations locales. Elle considère en effet que seul le dialogue peut permettre de parvenir à une solution politique réaliste, juste, durable et mutuellement acceptable à la question du Sahara occidental". Ce texte est également repris intégralement dans la réponse de Laurent Fabius au CORELSO mais il y rajoute le soutien au plan d'autonomie.
         Ceci semble confirmer que François Hollande souhaiterait un rééquilibrage de la position française afin qu'elle soit moins le relai des thèses marocaines comme du temps de Sarkozy. Les rencontres qu'il aura au Maroc et en Algérie prochainement devraient apporter de nouveaux éclairages -et il faut l'espérer- des inflexions!
         Quoiqu'il en soit, même si on peut noter plus d'équilibre dans les expressions et une plus grande écoute, force est de constater que la position du gouvernement n'a pas changé sur le fond. On est encore loin des engagements rappelés par Jean-Marc Ayrault quand il était président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale et réaffirmés régulièrement par l'Internationale socialiste (dont le PS est un membre important). Nous devons donc maintenir la pression sur le gouvernement et les élus, notamment socialistes,  pour obtenir un véritable changement de la position gouvernementale afin qu'elle soit pleinement respectueuse du droit international qui ne peut être appliqué que par l'organisation du référendum d'autodétermination, seul moyen de permettre au peuple sahraoui de décider librement et démocratiquement de son avenir.

                                                                 

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