Par Driss Benali
« Tous
les arts ont produit des merveilles , excepté l’art de gouverner qui
n’a engendré que des monstres »… Cette expression de Saint-Just est
encore d’une criante actualité, surtout si elle venait à être appliquée à
la réalité politique marocaine. Ainsi donc est, malheureusement, la
conclusion de l’examen de plusieurs décades de cette politique.
Nous constatons également que le vocabulaire populaire employé pour décrire la scène politique du pays confirme cette conclusion, un vocabulaire comportant une forte charge négative, comme « smasria » (véreux), « cheffara » (brigands), « chlahbia » (fripons), etc… Serait-il donc ainsi, notre destin, que de voir nos politiques indiqués par ces termes, et de nous résigner à ne jamais avoir l’espoir de voir émerger de véritables femmes et hommes politiques ? Assurément non, car il existe des personnes nobles qui ont le sens du devoir, qui aiment réellement ce pays… Mais elles sont rares, exceptionnelles, de ces exceptions qui confirment la règle.
Ce qui est sûr, c’est que le contexte politique marocain et la manière de travailler des personnels politiques engendrent des gens dépourvus de conscience et disposés à employer toutes les formes de félonie, ou au moins d’indélicatesses, pour parvenir à leurs fins réelles. Or, à force de mensonges et de manquements aux valeurs requises, cette catégorie de personnes a réussi à créer une société pessimiste dont les membres baignent dans une ambiance de non-confiance, de méfiance… Quelle autre preuve apporter à cela que les 30% seulement d’électeurs qui ont exprimé leurs votes lors des dernières législatives, et que le parti vainqueur ne l’ait été qu’avec 600.000 voix. Chiffres très faibles pour une population de 34 millions d’âmes.
Convaincre les gens à aller voter massivement demeure encore l’obsession du système actuel, en quête permanente de crédibilité. Pour ce faire, on a recours, encore une fois, chaque fois, aux cohortes de gouverneurs, caïds et cheikhs… non pour truquer les résultats des consultations électorales, mais pour décider les gens à se déplacer aux bureaux de vote. Il s’agit certes d’une grande avancée que de ne pas tripatouiller les urnes, ou du moins à ne plus le faire, comme cela était le cas avant, mais cette mobilisation des agents d’autorité consacre la persistance d’un système ancien, qui est l’implication dans le jeu politique et son contrôle.
Comment prétendre, dans de telles conditions, à asseoir une quelconque forme de démocratie ? Et puis, force est de constater un fait bien réel, à savoir que le concept même de démocratie, en nos contrées, a perdu tout son sens. Qu’est-ce que la démocratie, sous nos cieux ? Nous n’avons en effet jamais cessé de parler de cette démocratie, depuis la première constitution de ce pays, en 1963, et certains étaient même allés jusqu’à célébrer cette notion nouvelle de « démocratie hassanienne » ; ce qui n’empêche aucunement aujourd’hui de qualifier la période où cette « démocratie » régnait d’ « années de braises et de plomb ». Mais d’un point de vue populaire, cette « démocratie » revenait en somme à une autre version de la formule « ferme-la ou on te casse la g… » ; quand à la politique réellement menée pour instaurer ladite « démocratie », elle avait été désignée par l’expression de « politique de la magouille ».
On se congratule, on se félicite de l’instauration chez nous d’un système libéral, du multipartisme et de l’organisation régulière de consultations électorales, mais on oublie facilement que tous ces nobles concepts ont été de tout temps entachés de fraudes, de truquages et du regrettable système des « quotas », qui a donné naissance à des partis entièrement inféodés à l’Etat. Tout et tous étaient soumis à l’autorité de l’ancien et défunt ministre de l’Intérieur, qui était devenu un expert dans toutes les formes de manipulations et de truquages.
A l’avènement de la nouvelle ère, certaines personnes s’étaient prises à espérer que tout ce qui était passé relèverait désormais de ce même passé et que le pays allait repartir sur un bon pied. Et force est de reconnaître que ces débuts-ci étaient prometteurs, du fait de la réalisation de réformes avant-gardistes : la Moudawana (Code de la Famille), l’Instance Équité et Réconciliation (IER), l’élargissement des libertés publiques et individuelles… Las, avec le temps, nous avons constaté que la culture makhzénienne avait la peau dure et une résilience fort intéressante : fabrication de partis politiques, mise en place d’une commission constitutionnelle, formation d’un gouvernement hybride avec des ministres parachutés et d’un autre gouvernement, de l’ombre, qui détient le pouvoir véritable… Avec tout cela, où voyez-vous une démocratie ? Le gouvernement actuel a-t-il véritablement le pouvoir de mener sa politique ? Possède-t-il les moyens d’appliquer son programme ? Comme seules réponses à ces questions, nous avons la publication des listes des bénéficiaires des agréments de transport interurbain et celles des carrières de sable. Très bien, mais quid après la publication de ces listes ? Il appartient au gouvernement de préciser les prochaines étapes… Nous attendons toujours.
Mais la réalité est tout autre, du fait que nous sommes passés de la « politique de la magouille » suivie par Driss Basri à une « démocratie fanfaronne » en vigueur aujourd’hui. La différence entre les deux systèmes est que le premier se fondait sur des méthodes primitives, archaïques, pour truquer les élections et instaurer l’autoritarisme, le fameux « ferme-la ou on te casse la g… », alors que le second se caractérise par un semblant de souplesse et de modération, conformément à cette célèbre pensée : « il faut coller aux populations, tout leur donner pour pouvoir tout leur confisquer »… la « démocratie fanfaronne », disions-nous…
Mais il faut reconnaître que ce nouveau type de « démocratie » reçoit le total assentiment d’une classe politique et d’élites promptes à la « prosternation », qui trouvent leur bonheur dans une culture makhzénienne qui deviennent la locomotive d’un train défectueux, en panne, à l’arrêt. Il serait également juste de dire que la vitesse à laquelle ces classes se sont reconnues dans le système qui leur a été imposé est de nature à faciliter encore plus la réalisation des objectifs du pouvoir et de l’autorité. Il n’y a plus de place pour la droite, et encore moins pour la gauche ; il n’existe plus de conservateurs ou de progressistes et on ne peut plus parler de libéraux et de socialistes.
Résultat : nous vivons dans le cadre d’une « démocratie fanfaronne », portée et soutenue par des « élites soumises » au service d’une « idéologie du n’importe quoi », et ce constat affligeant a abouti à une activité politique nationale sans couleur, ni odeur ni saveur. L’absence de partis crédibles, de partis véritablement indépendants et autonomes par rapport au pouvoir, aboutira sans nul doute à priver de toute efficience une quelconque action commune et de déboucher sur une société sans citoyens.
Source : http://www.panoramaroc.ma/fr/la-politique-de-la-magouille-servie-par-une-democratie-fanfaronne-par-driss-benali/
Nous constatons également que le vocabulaire populaire employé pour décrire la scène politique du pays confirme cette conclusion, un vocabulaire comportant une forte charge négative, comme « smasria » (véreux), « cheffara » (brigands), « chlahbia » (fripons), etc… Serait-il donc ainsi, notre destin, que de voir nos politiques indiqués par ces termes, et de nous résigner à ne jamais avoir l’espoir de voir émerger de véritables femmes et hommes politiques ? Assurément non, car il existe des personnes nobles qui ont le sens du devoir, qui aiment réellement ce pays… Mais elles sont rares, exceptionnelles, de ces exceptions qui confirment la règle.
Ce qui est sûr, c’est que le contexte politique marocain et la manière de travailler des personnels politiques engendrent des gens dépourvus de conscience et disposés à employer toutes les formes de félonie, ou au moins d’indélicatesses, pour parvenir à leurs fins réelles. Or, à force de mensonges et de manquements aux valeurs requises, cette catégorie de personnes a réussi à créer une société pessimiste dont les membres baignent dans une ambiance de non-confiance, de méfiance… Quelle autre preuve apporter à cela que les 30% seulement d’électeurs qui ont exprimé leurs votes lors des dernières législatives, et que le parti vainqueur ne l’ait été qu’avec 600.000 voix. Chiffres très faibles pour une population de 34 millions d’âmes.
Convaincre les gens à aller voter massivement demeure encore l’obsession du système actuel, en quête permanente de crédibilité. Pour ce faire, on a recours, encore une fois, chaque fois, aux cohortes de gouverneurs, caïds et cheikhs… non pour truquer les résultats des consultations électorales, mais pour décider les gens à se déplacer aux bureaux de vote. Il s’agit certes d’une grande avancée que de ne pas tripatouiller les urnes, ou du moins à ne plus le faire, comme cela était le cas avant, mais cette mobilisation des agents d’autorité consacre la persistance d’un système ancien, qui est l’implication dans le jeu politique et son contrôle.
Comment prétendre, dans de telles conditions, à asseoir une quelconque forme de démocratie ? Et puis, force est de constater un fait bien réel, à savoir que le concept même de démocratie, en nos contrées, a perdu tout son sens. Qu’est-ce que la démocratie, sous nos cieux ? Nous n’avons en effet jamais cessé de parler de cette démocratie, depuis la première constitution de ce pays, en 1963, et certains étaient même allés jusqu’à célébrer cette notion nouvelle de « démocratie hassanienne » ; ce qui n’empêche aucunement aujourd’hui de qualifier la période où cette « démocratie » régnait d’ « années de braises et de plomb ». Mais d’un point de vue populaire, cette « démocratie » revenait en somme à une autre version de la formule « ferme-la ou on te casse la g… » ; quand à la politique réellement menée pour instaurer ladite « démocratie », elle avait été désignée par l’expression de « politique de la magouille ».
On se congratule, on se félicite de l’instauration chez nous d’un système libéral, du multipartisme et de l’organisation régulière de consultations électorales, mais on oublie facilement que tous ces nobles concepts ont été de tout temps entachés de fraudes, de truquages et du regrettable système des « quotas », qui a donné naissance à des partis entièrement inféodés à l’Etat. Tout et tous étaient soumis à l’autorité de l’ancien et défunt ministre de l’Intérieur, qui était devenu un expert dans toutes les formes de manipulations et de truquages.
A l’avènement de la nouvelle ère, certaines personnes s’étaient prises à espérer que tout ce qui était passé relèverait désormais de ce même passé et que le pays allait repartir sur un bon pied. Et force est de reconnaître que ces débuts-ci étaient prometteurs, du fait de la réalisation de réformes avant-gardistes : la Moudawana (Code de la Famille), l’Instance Équité et Réconciliation (IER), l’élargissement des libertés publiques et individuelles… Las, avec le temps, nous avons constaté que la culture makhzénienne avait la peau dure et une résilience fort intéressante : fabrication de partis politiques, mise en place d’une commission constitutionnelle, formation d’un gouvernement hybride avec des ministres parachutés et d’un autre gouvernement, de l’ombre, qui détient le pouvoir véritable… Avec tout cela, où voyez-vous une démocratie ? Le gouvernement actuel a-t-il véritablement le pouvoir de mener sa politique ? Possède-t-il les moyens d’appliquer son programme ? Comme seules réponses à ces questions, nous avons la publication des listes des bénéficiaires des agréments de transport interurbain et celles des carrières de sable. Très bien, mais quid après la publication de ces listes ? Il appartient au gouvernement de préciser les prochaines étapes… Nous attendons toujours.
Mais la réalité est tout autre, du fait que nous sommes passés de la « politique de la magouille » suivie par Driss Basri à une « démocratie fanfaronne » en vigueur aujourd’hui. La différence entre les deux systèmes est que le premier se fondait sur des méthodes primitives, archaïques, pour truquer les élections et instaurer l’autoritarisme, le fameux « ferme-la ou on te casse la g… », alors que le second se caractérise par un semblant de souplesse et de modération, conformément à cette célèbre pensée : « il faut coller aux populations, tout leur donner pour pouvoir tout leur confisquer »… la « démocratie fanfaronne », disions-nous…
Mais il faut reconnaître que ce nouveau type de « démocratie » reçoit le total assentiment d’une classe politique et d’élites promptes à la « prosternation », qui trouvent leur bonheur dans une culture makhzénienne qui deviennent la locomotive d’un train défectueux, en panne, à l’arrêt. Il serait également juste de dire que la vitesse à laquelle ces classes se sont reconnues dans le système qui leur a été imposé est de nature à faciliter encore plus la réalisation des objectifs du pouvoir et de l’autorité. Il n’y a plus de place pour la droite, et encore moins pour la gauche ; il n’existe plus de conservateurs ou de progressistes et on ne peut plus parler de libéraux et de socialistes.
Résultat : nous vivons dans le cadre d’une « démocratie fanfaronne », portée et soutenue par des « élites soumises » au service d’une « idéologie du n’importe quoi », et ce constat affligeant a abouti à une activité politique nationale sans couleur, ni odeur ni saveur. L’absence de partis crédibles, de partis véritablement indépendants et autonomes par rapport au pouvoir, aboutira sans nul doute à priver de toute efficience une quelconque action commune et de déboucher sur une société sans citoyens.
Source : http://www.panoramaroc.ma/fr/la-politique-de-la-magouille-servie-par-une-democratie-fanfaronne-par-driss-benali/
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