Par Jalal Ibrahimi, 23/11/2012
Certains mots ou expressions caractérisent le Maroc d’aujourd’hui. En voici un florilège décalé, à enrichir bien entendu.
Ânes du Rif marocain, par Délirante bestiole. Licence CC by Flickr
A comme Art
propre
Amazighe- Peuple berbère autochtone dont l’histoire millénaire
a été escamotée par le nationalisme panarabe. Homme libre du Maroc qui attend
encore la pleine reconnaissance de la Nation. Groupe de langues à la tradition
orale nouvellement inscrit dans la Constitution marocaine mais dont l’alphabet
– le Tifinagh- a été comparé à du chinois mandarin par Abdelilah Benkirane le
Premier ministre islamiste.
Arabe- Premier colon du Maroc ou première langue étrangère
enseignée à l’école.
Art propre- Doctrine culturelle du gouvernement islamiste.
A’roubi- Campagnard rustre et brutal. Opposé au citadin et
surtout au Fassi qui se veut raffiné et urbain. Grand seigneur féodal quand il
possède de vastes terres agricoles.
Abdelkrim (1882-1963) – Grande figure du nationalisme rifain. Héros mythique des révolutionnaires en mal de Grand soir. La monarchie
instrumentalise son souvenir mais se refuse à rapatrier son corps du Caire où
il est mort en exil.
Aouita - Ancienne gloire de l’athlétisme marocain dont le nom est devenu synonyme du RER qui fait la navette entre Casablanca et
Rabat en moins de 55 mn quand il ne croise pas un cheptel de moutons qui broutent
entre les rails.
B comme Bricole
au noir
Botola - Championnat de Ligue 1 de football. Deuxième religion
du Maroc.
Bar – Rare lieu de loisir souvent reservé aux hommes. Les
plus courus sont tenus par des «barmetas»
(barmaids) qui bichonnent leurs clients comme des mères nourricières.
Bricole - Travail au noir. Source principale de revenu pour le
Marocain qui exerce une profession libérale.
Bipage - Bref appel
sur téléphone portable pour signaler une demande de communication en PCV.
Ben Barka – Principal opposant politique de Hassan II enlevé et assassiné à Paris en 1965 aujourd’hui introuvable et oublié des
jeunes générations. Les politiques de gauche s’en souviennent parfois pour se
donner bonne conscience.
Barlamane – Vague erzats de Parlement. Hémicycle de
politicards monarchistes et rentiers qui ont acheté leurs voix à coups de méchouis.
Bay’a - Cérémonial de soumission au Trône aux allures de Ku-Klux-Klan.
Bouzebal – Beauf Marocain. Anti-héros populaire, inculte
et roublard. Regarde les soap-opéras mexicains à la télévision (mais ne l’avoue
pas), roule en scooter décaréné, joue au billard et fume la chicha dans les
cafés populeux. S’habille à Korea, les puces locales, et arrache les Iphone aux
passants quand il est en manque de qarqoubi (gélules hallucinogènes).
Biliki - Synonyme obscur de gratuité. Sport national des
resquilleurs en tout genre. Motif de fierté pour certains.
Beznass - Trafiquant à la petite semaine. Par extension dealer
de shit qui a pignon sur rue dans les quartiers chauds des villes. Se paie une
VW Golf d’occase qu’il illumine de lampions LED quand il fait fortune. Traîne
dans les boîtes mal famées.
Baltaji - Homme de main ultra-monarchiste (mais rarement
convaincu) de l’appareil sécuritaire, habillé d’un T-shirt rouge frappé de
l’étoile verte à cinq branches et porteur d’un portrait de Sa Majesté et d’une
machette. Casseur de manifs du Mouvement du 20 Février. Se recrute contre un bakchich
variant de 20 à 100 Dh.
Bolissi - Gardien de la paix en embuscade à chaque rond-point.
Prélève un impôt personnel aux automobilistes pour arrondir ses fins de mois. Cousin
du «gendarmi» (gendarme), payage
humain qui jalonne les autoroutes et les routes de campagne.
Bariz - Paris en dialecte marocain. La métropole dont la medina
est Barbès.
C comme Cyber
pour films X
Casa - Casablanca en version longue. Mégalopole grouillante loin
du cliché du film-culte éponyme. La plus grande agglomération du Maghreb. Son centre-ville
Art Déco en désuétude est mité par des spéculateurs peu scrupuleux du
patrimoine. Cité de tous les espoirs et de toutes les perditions.
Chikhates - Cantatrices populaires reléguées au folklore tribal.
Ultime symbole de l’érotisme féminin marocain. S’accompagnent d’hectolitres de
vin pour des soirées de libations.
Californie - Banthoustan de nantis. Le Neuilly de Casablanca.
Anfa Sup’ étant le XVIème arrondissement.
Cyber - ou téléboutique. Zone d’accès au monde virtuel d’Internet
pour chatter incognito avec les filles et télécharger des films X.
Chel’h - Berbère soussi avare qui tiend l’épicerie du coin et
fait crédit sur un petit carnet à spirale. Est faussement nommé l’«Arabe d’en bas» par les Parisiens
incultes qui lui achètent un Boulaouane après 21 heures.
D comme Dialecte
non reconnu
Darija - Dialecte marocain. Agrégat d’arabe, d’amazighe, de
franglais, d’espagnol et d’italien. Certains intellos réclament sa consécration
en langue nationale.
Derb Ghellef - Marché aux puces de Casa. La Silicon Valley du
Maroc.
E comme Essaouira
la mythique
Essaouira - Spot pour touristes bobos à la recherche de la
Mogador d’antan. Rendez-vous mythique des nostalgiques du flower power.
Assurément la cité la plus libertaire du Maroc.
F comme Fès la
privilégiée
Fassi - Bourgeois originaire de Fès, capitale spirituelle du
Maroc, peu courageux et asservi à la monarchie. Bardée de privilèges, la caste
des notables fassis aux origines judéo-andalouses tient le haut du pavé de la
société que ce soit en politique ou dans les affaires.
Febrayer - Mois de février en arabe devenu hantise du Palais
depuis les révolutions arabes avec le Mouvement du 20 Février.
G comme les Gnaouas
mystiques
Gaouri - Homme occidental. Touriste ou résident étranger avide
de jeunes éphèbes qui personnifie le Croisé impie ou le néo-colonial.
Gnaouas – Membres de la confrérie des descendants
d’esclaves noirs. Musiciens mystiques et marginaux, baladins et troubadours
revenus à la mode grâce à la notoriété des Nass El Ghiwane et du Festival d’Essaouira.
Gamila - Dérivé du mot gamelle. A détrôné le tajine et le
couscous comme plat national des plus démunis.
Ghorab - Corbeau. Femme niqabée vue par les anti-voilées.
Grimates - Agréments de transport ou d’exploitation de carrières
de sable octroyés aux nervis du régime. Symboles de la corruption d’Etat et de
l’économie de rente féodale.
H comme Haschich
à l’export
Harragas - Littéralement «brûleurs»
de vie, de frontières et de passeport. Candidats à l’exil forcé qui tentent la
grande traversée du Détroit de Gibraltar en pateras, ces frèles embarcations de
fortune coursées par la Guardia Civil espagnole.
H’maroubikhir - «Je suis un âne et j’en suis fier».
Expression de la jeunesse citadine, désabusée mais croqueuse de vie.
Haschich – Cannabis. Principale richesse du pays à l’export.
I comme Israël,
ennemi et ami
Israël – Ennemi total et défouloir pour manifestants. Allié
discret pour les élites au pouvoir.
Idara- L’administation marocaine décrite avant l’heure par
Kafka.
J comme Jazaïr,
la voisine
Jazaïr - Algérie. Pays voisin mais inconnu qui a inventé le Raï
dont le «peuple frère» est soumis à
une junte de vieillards gâlonnés et corrompus grâce aux pétrodollars.
Koulouwekkal - «Mange et donne à manger». La vraie
devise du Maroc. Exprime la corruption généralisée du pays.
Kaliméro - De Caliméro, personnage de dessin animé à tête de
coquille d’oeuf. Se dit avec mépris d’un freluquet qui se sape et se comporte
comme un ado d’Occident. On dit aussi «zouizo».
L comme Lyautey, le Marocain
Lyautey - Authentique père de la Nation, inventeur de la
monarchie actuelle.
L’madame - ou L’mra- Epouse soumise généralement
confinée aux tâches domestiques et dont on ne prononce pas le prénom par pudeur
ou par condescendance.
L’walida - La mère génitrice. Sacrée et donc incomparable aux
autres femmes. L’walid se dit du père
distant, craint et respecté
M comme Marrakech,
le petit Paris
Maroc - «Le-plus-beau-pays-du-monde».
Makhzen - Littéralement «magasin».
Le cœur du réacteur du régime, là où tout se décide à l’insu du plein gré des
Marocains. Symbole suprême de la
répression politique et de la prédation économique.
Moqaddem - Agent d’autorité du quartier. Œil de Moscou du
ministère de l’Intérieur.
Mohammed VI – Hologramme de Hassan II.
Marrakech - XXIème arrondissement de Paris.
Marbella - Possession marocaine sur la Costa Del Sol.
Mirikane - L’Amérique. Le pays où l’herbe est plus verte grâce à
la Green Card.
Mountakhab - L’équipe nationale de foot qui a battu l’Algérie 4
à 0 au Grand Stade de Marrakech.
Mawazine - «Le-plus-grand-festival-de-musique-d’Afrique».
Vecteur de la culture MTV voulue par le Palais pour tuer dans l’œuf la scène
underground contestataire. Fête païenne et de débauche qui risque «d’homosexualiser» la société selon les
islamistes.
Mika Kahla - Littéralement plastique noir. Sachet opaque pour
transporter les boissons alcoolisées sans être vu de la police ou des voisins.
Principal fléau de pollution.
O comme Obama,
le noir local
Obama - Surnom sympathique donné aux Marocains noirs pour les
interpeller dans la rue.
Ould Guigoz - Fils à papa allaité au lait en poudre.
P comme la
parabole d’évasion
Polisario - Mouvement sécessioniste du Sahara Occidental. Ennemi juré de la patrie composé de brebis égarées séquestrées dans les camps
algériens de Tindouf.
Parabole - Disque de téléportation pour l’Europe ou le
Moyen-Orient.
R comme Riad à
la française
Rasta - Jeune marocain en dreadlocks, babacool, libertaire et
athée, souvent musicien et accessoirement membre du Mouvement du 20 février.
Riad - Maison traditionnelle des nouveaux colons français.
S comme salafistes
imaginaires
Salafiya Jihadiya - Groupuscule de fous de Dieu salafistes inventé
par les services de renseignement pour expliquer les attentats de Casablanca en
2003.
Sah’ra - Sahara Occidental. «Provinces
du Sud» du royaume chérifien revendiquées par des renégats pro-cubains et
crypto-Aqmi à la solde d’Alger.
Sebta - Ceuta. Ville marocaine en territoire espagnol.
Spéciale - Bière locale.
Boisson nationale qui a surpassé le thé à la menthe.
Soqour - Littéralement «les
aigles». Milice de policiers voltigeurs en blousons noirs et brassards
rouges, bastonneurs de manifestants. Ont remplacé les «Croatia» surnommés ainsi en référence à leurs casquettes à damier
rouge et blanc.
T comme Tramway
tamponneur
Taliane - L’Italie. Pays nouvellement colonisé par le Maroc. Se
dit aussi de la taule pour évoquer avec pudeur l’incarcération d’une
connaissance.
Tobiss - Autobus forcément déglingué. Principal moyen de
transport urbain. Corrolaire du «taxibied»
(taxi blanc Mercedes 240 à 6 places hors chauffeur) . Sévèrement
concurrencé par les «khettafas»
(taxis clandestins) et par le tram.
Tramway - Train urbain à la signalisation hiéroglyphique
refourgué par Sarkozy qui écrase en moyenne 3 personnes par jour à Rabat.
Tazmamart - Goulag de Hassan II soit disant rasé par Mohammed
VI. Lieu saint pour tous les rescapés des mouroirs du régime.
Twin - Tours jumelles de Casa. Symbole de la modernité en carton–pâte
du Maroc bling-bling. A perdu son statut au profit du Morocco Mall, «le-plus-grand-mall-d’Afrique».
V comme visa
pour le monde
Visa - Le Saint-Graal pour 99% des Marocains.
Vendredi - Le jour du Seigneur où la pause déjeûner pour les
fonctionnaires s’étend de 11h à 16h pour cause officielle de prière à la
mosquée.
Wozara –
Pluriel de vizir. Se dit des ministres avec une
intonation dédaigneuse pour les qualifier de mafieux et d’incompétents.
Zetla- (voir Haschich)
Zetetrassek - «Démerde-toi».
Profession de foi du Marocain qui cherche à joindre les deux bouts.
Zaki - Alcatraz de Rabat ou ex-gardien de but mythique de
Mexico ‘86 et entraîneur évincé de l’équipe nationale de foot. C’est selon.
Zmagri - Immigré marocain en Europe. Première source de devises
du Maroc. Vacancier en Peugeot surchargée qui baragouine l’arabe du 93 et roule
des mécaniques quand il débarque au bled en été.
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