Khalid Jamaï |
Avec leurs divers services de renseignements qui se targuent d’être les plus performants du monde, avec leurs innombrables think tanks, leurs bureaux d’études et de recherches, leur panoplie de diplomates, l’Europe, les USA, Israël, ont été pris au dépourvu par le tsunami populaire qui a emporté les régimes dictatoriaux tunisien et égyptien et dont l’onde de choc n’épargnera surement pas le reste du monde arabo-islamique.
Rappelons que les services « barbouzes » américains, pour reprendre le qualificatif utilisé par le journal satirique français « Le Canard enchainé », sont au nombre de 16, regroupant quelques 100 000 fonctionnaires et consommant près de 100 milliards de dollars dont 80 fournis par le seul Pentagone. C’est tout dire !!!
Comment avec de tels moyens, expliquer un tel aveuglement politique ?
Toute réponse à cette question ne peut être que plurielle.
Tout d’abord, ils semble que l’Occident a péché par arrogance et par son mépris total des peuples arabes, un mépris aux relents racistes.
Que l’on se rappelle le discours de Sarkozy à Dakar où il avait affirmé que « l’homme africain ne serait pas assez entré dans l’histoire ».
Ainsi, cet homme africain, y compris sa composante arabe, serait un sous homme, non seulement a-historique, mais atteint d’une déficience génétique qui le rendrait inapte, ou du moins réfractaire à la démocratie.
De tels propos véhiculent, en outre, une posture et une pensée colonialistes dont, principalement, les dirigeants français, hollandais, belges et anglais n’arrivent pas à se défaire, tellement elles sont intégrées dans leur subconscient.
A ce mépris, il y a lieu d’ajouter une islamophobie latente.
D’où leur certitude qu’une déferlante islamiste est à leurs portes.
Ce qui les a poussés à mettre dans le même sac El Qaïda, islamistes tunisiens du parti « Ennahdha » et Frères Musulmans égyptiens.
Obnubilés de la sorte, ils se sont alliés aux régimes arabes dictatoriaux, tels ceux de Ben Ali et de Moubarak et de bien d’autres, en qui ils ont vu un rempart contre cette déferlante imaginaire. Une attitude où on est tenté de voir quelques résidus inconscients des croisades.
De surcroit, ces dictatures, non seulement, n’ont nullement sécularisé leurs sociétés, mais ont fait bon ménage avec une islamisation de type néo-fondamentaliste comme le fait remarquer pertinemment le chercheur français Olivier Roy.
Exit les droits de l’homme et l’instauration de la démocratie.
Scotomisés et occultés la répression, le recours à la torture, le pillage des richesses par ces dictateurs prédateurs « amis » à qui certains dirigeants européens, français notamment, ne répugnent pas à solliciter, à l’occasion, certains « menus » services.
Les dirigeants occidentaux furent, par ailleurs, traumatisés par la révolution iranienne. Ce qui explique cette islamophobie latente, cause aussi de leur aveuglement politique.
Analysant les soulèvements tunisien et égyptien à travers cette révolution iranienne, par ailleurs vieille de plusieurs décades, ils sont passés à coté du fait qu’ils avaient affaire à de nouvelles générations qui n’avaient nullement pour modèle ladite révolution.
A titre indicatif, en Égypte, ces nouvelles générations constituent 50% de la population, sont instruites, ouvertes sur le monde, maitrisent les nouveaux moyens de communication.
Et, si nombre de ces jeunes sont des musulmans pratiquants, ils sont persuadés que l’islam n’est pas une panacée à même de résoudre leurs problèmes.
Le voile et la barbe deviennent ainsi une affirmation individuelle et non l’expression d’un quelconque obscurantisme ou fanatisme.
Yassin Alkhalil |
Toutes les revendications s’inscrivaient dans les droits universels: droit à la liberté d’expression et d’opinion, droit à la dignité, à la démocratie.
L’Occident qui s’attendait à voir déferler des hordes sauvages, détruisant, saccageant, pillant tout sur son passage, resta pantois devant la discipline, le sens de responsabilité, le refus de tout recours à la violence par ces peuples qui ne voulaient ni se venger, ni se livrer à un règlement de compte quelconque.
Comportement et attitude des plus civilisés.
Leçon de civisme.
Attitudes et postures qui ont pris à contre pieds un Occident abasourdi.
Démentis cinglants aux scenarii catastrophes d’une déferlante verte.
Démentis cinglants aussi pour ceux qui clamaient que les chrétiens étaient en danger en terre d’islam.
Ainsi, l’on vit sur la place « Attahrir » au Caire, les musulmans faire leurs prières sous la protection des coptes !!!
Ainsi, l’on vit, aussi, sur cette même place des pancartes et drapeaux où le croissant et la croix formaient un seul et unique signe religieux.
Nous sommes loin de la guillotine et des piques de la révolution française, des décapitations qu’a connues la révolution anglaise menée par Cromwell, des milliers de morts de la guerre civile américaine.
Par contre, l’occident a eu droit à une première, celle de voir un raz le bol, une exaspération se transformer en un soulèvement, puis en révolte, puis en révolution, et ce en quelques jours sans que ces mutations ne soient initiées ou orchestrées par quelque direction ou chef charismatique.
Point de discipline mais une même et stricte autodiscipline.
Du jamais vu.
Ce qui ne fut pas le cas lors des « révolutions oranges » qu’a connues l’Europe de l’est. Révolutions financées par la CIA et autres Soros et boostées par les média occidentaux au contraire des révolutions tunisienne et égyptienne vis-à-vis desquelles l’Occident opta, dans un premier temps, pour le wait and see, puis pour une certaine neutralité.
Et lorsque furent chassés Ben Ali et Moubarak, deux hantises pour cet occident : le danger islamiste et le devenir d’Israël.
Puis, devant l’irréversible, on cloua au pilori les dictateurs hier encore encensés et courtisés.
On invita, bien entendu, les nouveaux régimes à instaurer, au plus tôt, la démocratie tout en espérant que celle-ci ne remettra pas en question les intérêts économiques et stratégiques de l’occident ou le devenir de l’état hébreux.
Avec les révolutions tunisienne et égyptienne et les dynamiques qu’elles vont engendrer, à l’échelle du monde arabo-musulman, on assiste un « turning point ».
Un nouveau Proche-Orient est en train de voir le jour, et ce n’est pas celui qu’espérait l’Occident. Un Occident appelé à plus de modestie.
Ironie de l’Histoire : Ben Ali, l’éradicateur des islamistes trouva refuge dans le pays le plus obscurantiste de la planète : l’Arabie Saoudite.
Et, il a suffit de vingt-trois jours pour balayer une dictature tunisienne qui a duré vingt-trois années et trente secondes (1) pour enterrer une tyrannie égyptienne qui a duré trente années !!!!!!
(1) Durée de l’allocution annonçant le départ de Moubarak prononcée par Omar Souleymane.
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