5/8/2014 2014 |
Par Thomas Cantaloube
Est-ce la fin de l’opération « Bordure de protection », et par
conséquent des quatre semaines de guerre à Gaza entre l’armée
israélienne et le Hamas ? C’est bien possible. Mardi 5 août, en fin de
journée, le cessez-le-feu de 72 heures décidé entre les belligérants
sous l’égide d’une médiation égyptienne tenait toujours après être entré
en vigueur le matin même.
À l’issue de 28 jours de combats, on décompte
1 867 morts palestiniens et 67 israéliens, 260 000 Gazaouis déplacés
(sur 1,8 million) et des destructions considérables côté palestinien,
notamment en matière d’infrastructures puisque l’approvisionnement en
eau et en électricité du territoire côtier est sérieusement endommagé.
Après un accord passé lundi 4 août au Caire, l’armée israélienne
s’est retirée de la bande de Gaza et s’est repositionnée défensivement
de l’autre côté du mur de séparation, tout en annonçant avoir accompli
sa mission. Dans un tweet, le porte-parole de Tsahal a proclamé : « Mission
accomplie : nous avons démantelé le réseau souterrain de terreur
construit par le Hamas pour infiltrer et attaquer Israël. »
Plus tard, il a ajouté que 32 tunnels avaient été détruits, de même que
3 000 roquettes, en plus de 3 300 lancées sur Israël durant la
confrontation. Le premier ministre Benjamin Netanyahu a toutefois
précisé que la destruction des tunnels ne garantissait pas la fin de la
campagne militaire : « Cette opération s’arrêtera seulement quand le
calme et la sécurité des citoyens d’Israël sera restaurée pour une
longue période. »
À Gaza, les habitants semblaient vouloir croire à ce cessez-le-feu
puisque, selon les récits des journalistes sur place, ils sont sortis de
leurs abris pour s’approvisionner ou aller constater les destructions. « Après
le début du cessez-le-feu, les résidents se sont répandus dans les rues
de Chujaya, un quartier proche de Gaza City qui a été le témoin des
plus grandes violences du conflit », écrit le Wall Street Journal.
« Ils ont découvert des cratères et des ruines là où se dressaient
auparavant des maisons et des commerces. Les gens grimpent sur les
blocs de béton effondrés et à l’intérieur des structures de métal pour
fouiller dans les décombres à la recherche de leurs possessions. » L’envoyé spécial du New York Times décrit de son côté « les
rues (qui) se remplissent petit à petit de voitures, de camions, et de
charrettes tirées par des ânes, la plupart chargés de biens des familles
déplacées, alors qu’elles vont d’un refuge à l’autre en transportant
des matelas, des ustensiles de cuisine et de sacs de vêtements. Il n’y
avait aucune célébration, mais la plupart des gens interrogés pensent
que ce cessez-le-feu a plus de chances de durer que les précédents ».
Pourquoi cette interruption des combats est-elle davantage
susceptible de perdurer que les tentatives précédentes ? Tout d’abord
parce que l’armée israélienne assure avoir détruit tous les tunnels
qu’elle avait identifiés. Sachant que ce réseau souterrain était le
principal argument justifiant les bombardements de Tsahal et l’envoi de
troupes au sol, il paraît difficile de poursuivre les opérations une
fois qu’on a annoncé avoir atteint son but.
Surtout, Israël commençait à souffrir sérieusement d’une réprobation
internationale qui s’est intensifiée ces derniers jours : le secrétaire
général de l’ONU Ban Ki Moon a dénoncé le bombardement d’une école des
Nations unies en parlant d’« acte criminel et de scandale du point de vue moral », le ministre des affaires étrangères français Laurent Fabius a pointé du doigt « le carnage de Gaza », et les États-Unis ont fait connaître leur réprobation face au nombre de civils tués.
Sur les 1 867 Palestiniens tués par Israël, plus des deux tiers sont
des civils, selon les estimations de l’ONU (Israël n’en reconnaît que
50 %), dont 429 enfants, 243 femmes et 79 vieillards. Sans oublier 9 563
blessés, dont 2 877 enfants. À l’inverse, sur les 67 Israéliens tués
par le Hamas, 3 seulement sont des civils, auxquels il faut ajouter 450
blessés environ (dont 23 civils).
Ce bilan hautement inégal, de même que les destructions massives, ont
apparemment poussé les Américains à mettre la pression sur les
Israéliens, toujours selon le Wall Street Journal : « La
pression des États-Unis s’est accrue ces derniers jours afin qu’Israël
réduise ses opérations militaires et négocie un cessez-le-feu durable.
Des responsables américains ont décrit leur choc face au nombre de fois
au cours desquelles les bombardements israéliens ont frappé des écoles
administrées par l’ONU qui abritaient des civils réfugiés. Lors d’une
réunion récente, les responsables américains ont expliqué à leurs
homologues israéliens que ces attaques rendaient difficile la
continuation du soutien américain. »
Du côté du Hamas, comme à chaque confrontation, le seul fait d’être
parvenu à résister et d’avoir remporté la bataille de l’opinion publique
(en faisant condamner Israël) est une forme de victoire.
Toutes les têtes se tournent vers la communauté internationale
En
2009, l’opération « Plomb durci » (1 315 morts palestiniens et 13
israéliens) s’était achevée de la même manière : par un cessez-le-feu
d’une semaine, qui avait été respecté par les deux parties et qui
s’était prolongé indéfiniment. Il n’y avait eu aucune poignée de main
entre belligérants ni aucun accord de paix. Cette fois-ci, les
médiateurs internationaux aimeraient bien quelque chose de plus
tangible, comme l’a souhaité Ban Ki Moon, qui a appelé les deux parties « à commencer dès que possible des discussions au Caire sur un cessez-le-feu durable et les questions sous-jacentes ».
Malheureusement, au vu des conditions préalables posées par les uns
et les autres, il semble difficile d’envisager un terrain d’entente. La
représentation palestinienne, qui présente un front unifié (Autorité
palestinienne, Hamas et Jihad islamique), réclame un retrait israélien
total de Gaza, la fin du blocus de Gaza, la libération des prisonniers
du Hamas et une aide internationale à la reconstruction. De son côté, le
gouvernement israélien exige la démilitarisation de la bande de Gaza et
des mesures pour empêcher le Hamas de se réarmer. Les demandes des deux
parties semblent, pour le moment, peu réconciliables.
Un couple palestinien ramasse ses biens dans sa maison qui a été détruite à Beit Hanoun. © Suhaib Salem/Reuters
Du coup, toutes les têtes se tournent vers la communauté
internationale. Dans une tribune commune, l’ancien président américain
Jimmy Carter et ex-présidente irlandaise Mary Robinson, reconnaissant
que la solution du conflit est connue (« deux États souverains entre la mer et le Jourdain ») mais qu’elle est aujourd’hui inatteignable, suggèrent une première mesure : « Le
Conseil de sécurité de l’ONU devrait se concentrer sur ce qui peut être
fait afin de limiter l’usage de la force des deux côtés. Il devrait
voter une résolution reconnaissant les conditions de vie inhumaines à
Gaza et ordonner la fin du blocus. Cette résolution pourrait ensuite
reconnaître la nécessité d’envoyer des observateurs internationaux qui
rendraient compte des mouvements d’entrée et de sortie de Gaza ainsi que
des violations du cessez-le-feu. Elle devrait ensuite adopter des
mesures sérieuses pour empêcher la contrebande d’armes dans Gaza. »
Ce type de mesures est sans doute ce que Laurent Fabius avait en tête lorsque, lundi 4 août, il a évoqué « une
solution politique qui devra être imposée par la communauté
internationale, puisque les deux parties, malgré d'innombrables
tentatives, se sont malheureusement montrées incapables d'en conclure la
négociation ». Le gouvernement suisse envisage également, à la
demande des Palestiniens, la convocation d’une conférence rassemblant
les États signataires des conventions de Genève afin d’insister sur leur
respect en matière de protection des populations civiles lors des
conflits et le traitement des populations dans les territoires occupés.
Ce serait une première étape afin de faire passer « en douceur »
un message à Israël, sachant que l’ONU envisage d’ouvrir une enquête
pour crimes de guerre à la suite des nombreux bombardements d’écoles. En
2009, dans la foulée de l’opération « Plomb durci », le rapport Goldstone avait
accusé l'armée israélienne et les groupes armés palestiniens d'avoir
commis des actes pouvant constituer des crimes de guerre et peut-être
des crimes contre l'humanité. Ce rapport, très diffusé, est toujours
considéré comme une épine dans le pied d’Israël.
http://www.mediapart.fr/journal/international/050814/le-cessez-le-feu-gaza-entre-le-hamas-et-israel-semble-tenir
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