L’immense pouvoir du/ bac moins 10 /
Le dernier rapport de l’UNESCO sur
l’enseignement dans le monde vient nous rappeler ce que nous savons
déjà : l’enseignement au Maroc est dans un état catastrophique. Sur 150
pays, le Maroc se trouve dans la catégorie de 21 pays ayant les pires
systèmes éducatifs. C’est le résultat d’un crime contre la Nation et son
avenir.
Cette performance s’ajoute aux autres
classements de la honte que le Maroc collectionne, dans des domaines
aussi variés que le développement humain (130ème en 2012) ou la liberté de la presse (136ème en 2012), et au dernier recul enregistré dans le domaine de la perception de la corruption (passage de la 88ème place à la 91ème place entre 2012 et 2013) ainsi que le recul de 7 places dans le classement de compétitivité élaboré par le World Economic Forum.
La mauvaise gouvernance est le point
commun de ces tristes chiffres, qui sont corroborés par les rapports
relatifs au respect des droits de l’Homme. Chacun constitue un miroir
dans lequel nous pouvons admirer le vrai visage de notre pays dans le
concert des nations, et voir à quel point le futur de nos enfants est
incertain.
Les médias officiels, parce qu’au Maroc
il n’y a pas de vrais médias publics, évitent comme d’habitude ce type
de sujet. L’agence MAP et les chaines de TV demeurent hors zone.
La qualité des responsables est parmi les
obstacles à l’amélioration du système éducatif. En novembre dernier,
Lahcen Daoudi, ministre PJD de l’enseignement supérieur, a avoué devant
le parlement, que « les rapports sécuritaires jouent un rôle décisif
dans la nomination aux hauts postes à responsabilité ». C’est ainsi
qu’un cadre particulièrement brillant mais pas assez obséquieux
vis-à-vis des autorités, ne sera ni doyen de faculté, ni président
d’université.
Compte tenu du niveau intellectuel au
sein des appareils sécuritaires qui élaborent ces fameux rapports, il
n’est pas étonnant qu’un mauvais bac moins 10 prive le pays entier des
talents d’un bon bac plus 10. Voilà l’une des sordides facettes de ce
crime contre la Nation.
Circulez, il n’y a rien à voir…
La pourriture et la corruption qui
rongent l’univers sécuritaire au Maroc ont conduit l’été dernier à
l’éclatement d’un scandale doublé d’une tragédie lorsqu’un policier de
la petite ville de Machraa Belksiri, a tué trois de ses collègues.
Vraisemblablement, un banal conflit sur fond d’affectation aux barrages
policiers les plus « juteux » a tourné au drame, la localité se trouvant
sur la route vers Ceuta et Tétouan, connues pour le commerce de la
contrebande avec l’Espagne.
Malheureusement, lors du procès, le juge a
refusé l’expertise médicale et la convocation de témoins. De son côté,
la DGSN (la direction générale de la sûreté nationale) n’a pas informé
l’opinion publique des résultats de son enquête promise. Alors que ce
drame devait être l’occasion de disséquer en toute transparence les
dysfonctionnements de la gouvernance de cet organe important, tout a été
fait pour éviter de mettre le doigt sur le vrai mal.
Pendant ce temps, le Chef du
Gouvernement, qui a oublié sa promesse de lutter contre la corruption,
s’évertue à vanter les mérites des prières rogatoires à l’onction
royale, alors que les dirigeants de l’instance centrale de lutte contre
la corruption multiplient les missions à l’étranger et comptent les
milliers de « miles » offerts par les compagnies aériennes.
En février 2013, le même ministre Daoudi a
eu une belle occasion pour donner un coup de pied dans la fourmilière
de la mal gouvernance de l’enseignement supérieur. En effet,
l’incorrigible site Lakome avait révélé, preuves à l’appui, le scandale
du plagiat dans le mémoire de Master de l’étudiant Khalid Fikri, obtenu
en avril 2012 avec mention « très bien » à la faculté des sciences
juridiques, économiques et sociales de Settat. Cet étudiant particulier,
puisqu’il est garde du corps du roi, avait été, déclaré major de sa
promotion. La cérémonie de remise des diplômes, couverte par la
télévision publique, avait mobilisé le Wali de Settat, le directeur des
ressources humaines de la DGSN et le directeur de l’Institut royal de
police.
Au moins 60% du mémoire élaboré par
Khalid Fikri a été « copié-collé », sans toujours citer les sources,
certaines phrases sont même tronquées et incomplètes. Dans un premier
temps, la faculté a promis une enquête et Daoudi avait déclaré que « cette enquête s’impose, nous devons rendre compte à la société ».
Une année après, la société attend
toujours, le parlement n’attend rien, et le ministre, incapable d’aller
au bout de sa logique, a montré qu’il a raté une occasion de se taire.
En principe, ces scandales sont autant
d’opportunités d’évaluer les maux, de mettre à plat la cartographie des
responsabilités en vue de prendre les mesures correctives, de
sanctionner les auteurs des « wrongdoing » quel que soit leur rang
hiérarchique ou leur proximité du centre du Pouvoir.
Vous avez dit engagement ?
Les classements scandaleux représentent
des symptômes visibles des maladies du pays et devraient servir d’alerte
aux gouvernants. D’ailleurs, le 13 février 2009, au Palais royal de
Fès, l’Etat s’était publiquement et solennellement engagé dans ce sens,
lors de la cérémonie de présentation du Pacte National pour l’Emergence
Industrielle 2009-2015. Ce document, signé par 9 ministres, en plus de
la CGEM (Confédération Générale des Entreprises du Maroc) et le GPBM
(Groupement Professionnel des Banques du Maroc) comporte 111 mesures
concrètes, dont la 69ème située à la page 52, stipule :
« L’Etat s’engage à créer dans les
meilleurs délais un comité Public-Privé, présidé par Monsieur le Premier
Ministre. Ce comité sera chargé de :
• L’identification des besoins et le recueil des propositions de solutions opérationnelles ;
• La coordination et l’affectation des chantiers ;
• La supervision de l’avancement des chantiers et l’évaluation des résultats ;
• La mise en cohérence des projets existants ;
• La gestion proactive des classements internationaux ;
• La communication publique sur les réformes prévues, entamées et réalisées …. »
Est-ce que ce comité s’est réuni ?
Combien de fois ? Quelles décisions et quelles mesures a-t-il prises
pour honorer l’engagement d’assurer cette gestion proactive des
classements internationaux ?
Le même document officiel met en
évidence l’importance de l’enseignement dans son tout premier
paragraphe, extrait du discours du roi le 30 juillet 2008 : « Aussi
profonde qu’elle puisse être, la réforme institutionnelle ne peut
aboutir que si elle est étayée par des réformes structurelles ou
complémentaires qui devraient nous permettre de renforcer nos atouts
économiques et sociaux, en donnant une nouvelle impulsion aux secteurs
clés, notamment ceux de l’enseignement, de l’agriculture, de l’énergie,
de l’eau, et du développement industriel »
Responsabilité
Aujourd’hui, la claque bien
méritée que nous donne le rapport de l’UNESCO concerne ce premier
secteur clé, et qui est LA clé des autres secteurs. Il a toujours été
géré directement ou indirectement par les hommes du Palais royal, qu’ils
soient ministres comme Ahmed Akhchichène ou Rachid Belmokhtar, ou
conseillers du roi qui président le Conseil Supérieur de l’Enseignement,
comme Feu Abdelaziz Meziane Belfqih ou actuellement Omar Azziman. Par
conséquent, c’est le Palais qui endosse la plus grande responsabilité
dans l’état calamiteux où se trouve notre système éducatif.
Or, aussi bien le roi que ses
conseillers et ses ministres technocrates échappent à la règle de base
de la bonne gouvernance et de la démocratie, à savoir la reddition des
comptes. L’acte qui consiste à rendre des comptes suppose que le
responsable politique se soumet périodiquement au jugement de ceux qui
lui ont conféré la légitimité du Pouvoir.
Cet exercice est plus délicat lorsque l’on tire sa légitimité d’un auguste spermatozoïde.
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