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Ali Aarrass et binationalité : « Quand on veut manger à tous les râteliers » sermonne De Donnea (MR).
Le Ministre Reynders persiste à refuser
l’assistance consulaire, invoquant une fois de plus la Convention de La
Haye que le Maroc n’a pas signé ! « La Belgique comptant des centaines
de milliers de ressortissants ayant une double nationalité ne souhaite
pas créer de précédent. » Binationaux vous voilà prévenus…
05 Question de
Mme Zoé Genot au vice-premier ministre et ministre des Affaires
étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes sur "la
protection diplomatique d’un citoyen belgo-marocain" (n° 17710)
05.01 Zoé Genot (Ecolo-Groen) : Monsieur le président, monsieur le ministre, nous avons déjà évoqué cette situation plusieurs fois. Ma question date de mai 2013 mais elle est malheureusement toujours d’actualité.
Permettez-moi de vous interroger à nouveau sur la situation de ce citoyen belgo-marocain extradé en décembre 2010 d’Espagne vers le Maroc, contre l’avis du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU.
Ce ressortissant belge aurait été victime de torture, n’aurait pas eu droit à un procès équitable et a été condamné à douze ans de prison ferme, sur base d’aveux qui auraient été obtenus sous la torture et rédigés dans une langue qu’il ne maîtrise pas.
Les tortures subies au Maroc ont été attestées par le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans un rapport daté du 14 décembre 2012. La situation de ce jeune a empiré. Depuis la visite du groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, il a été harcelé et isolé. Ses proches n’ont plus eu de nouvelles pendant certaines périodes.
De plus, la plainte pour torture déposée par ce prisonnier belge n’a fait l’objet d’aucune enquête approfondie, indépendante et impartiale. Après avoir été classée sans suite, l’enquête menée par le procureur du Roi a été mystérieusement réactivée et a duré seulement deux jours. Ceci afin, semble-t-il, de permettre au Maroc de dire au Comité contre la torture des Nations unies qu’une enquête avait bien été menée.
Toutefois, des médecins anglais et marocains, experts en matière d’évaluation des séquelles de la torture, ont affirmé que l’expertise déposée par le Maroc était totalement bâclée et non conforme aux standards internationaux les plus élémentaires. Quant à la plainte avec constitution de partie civile introduite par notre ressortissant, elle a été déclarée irrecevable parce que les auteurs de torture n’ont pas été directement nommés. Ce qui est bien évidemment impossible pour ce ressortissant belge, victime de coups par des agents de l’État marocains qui ne se sont pas identifiés préalablement.
La situation de ce citoyen belgo-marocain demeure, en outre, préoccupante car il ne reçoit pas les soins médicaux dont il a besoin, il continue à faire l’objet de menaces directes et de traitements inhumains et dégradants (intervention de personnes cagoulées dans sa cellule, mise à nu, menaces d’extraction vers un lieu inconnu, etc.). Tout cela est totalement contraire à la Convention contre la torture des Nations unies, pourtant ratifiée par le Maroc.
Dans votre réponse à ma question orale posée le 7 mars 2012 en commission, ainsi que dans votre réponse à mon courrier daté du 12 avril 2013, vous invoquez la Convention de La Haye du 12 avril 1930, signée par la Belgique, pour ne pas octroyer d’assistance consulaire à ce ressortissant belgo-marocain.
Monsieur le ministre, comme le Maroc n’est pas signataire de cette Convention, pourriez-vous indiquer en vertu de quelle norme juridique la Belgique serait liée à l’égard de l’État marocain quant à sa non-intervention consulaire à l’égard d’un de ses ressortissants, victime de traitements contraires à des règles de jus cogens, comme l’est l’interdiction absolue de la torture ?
Tout en admettant que le Maroc pourrait refuser de donner suite à une demande de la Belgique, pourriez-vous demander à notre ambassade au Maroc d’effectuer une visite à ce ressortissant en prison et de lui apporter l’assistance consulaire nécessaire ?
05.02 Didier Reynders, ministre : Monsieur le président, chère collègue, la réponse reste la même sur l’assistance consulaire : non. Mais, comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, nous avons pris, j’ai pris personnellement contact avec mon collègue marocain pour des démarches humanitaires en fonction des éléments qui étaient invoqués. Ces démarches ont eu lieu.
Je rappelle qu’en signant la Convention de La Haye du 12 avril 1930, la Belgique a comme beaucoup d’autres pays marqué sa volonté de ne pas accepter d’intervention consulaire étrangère sur le sol belge pour des ressortissants belges possédant une double nationalité. En effet, la coutume internationale veut que la souveraineté nationale soit respectée en cette matière.
C’est la réponse qui est fournie à chaque ambassade étrangère qui tente d’intervenir auprès de mes services pour un ressortissant belge sur le territoire belge. En général, ces tentatives d’intervention n’ont lieu que lorsque l’ambassade étrangère n’est pas au courant de l’acquisition de la nationalité belge par son ressortissant.
La Belgique, comptant des centaines de milliers de ressortissants ayant une double nationalité, ne souhaite pas créer de précédent en cette matière. Les pays auxquels nos ambassades exigeraient un droit d’assistance consulaire envers des bipatrides pourraient en effet invoquer la réciprocité sur le territoire belge.
Nous nous en tenons à cette interprétation. Cela n’empêche en rien, je le répète, des interventions dans un autre cadre humanitaire, mais non dans le cadre de la protection consulaire.
05.03 Zoé Genot (Ecolo-Groen) : Monsieur le président, monsieur le ministre, je ne comprends pas : comment peut-on invoquer une convention avec un pays qui ne l’a pas signée ? Dans ce cas-ci, le Maroc n’a pas signé la Convention de La Haye ; il est donc inutile de l’invoquer.
De plus, vous répétez à plusieurs reprises ne jamais intervenir quand il s’agit de binationaux. Pourtant, j’ai dans la main une lettre signée de votre main, datée du 3 mai 2013, concernant M. Éric Kikunda, belgo-congolais. Vous y écrivez : "M. Kikunda possède la nationalité belge et bénéficie à ce titre de l’assistance consulaire. Notre équipe consulaire à Kinshasa lui a rendu visite à plusieurs reprises et veille à ce que ses conditions de détention soient les plus acceptables possible. Plusieurs démarches ont également été entreprises pour veiller à ce qu’il puisse bénéficier d’un procès équitable".
Je vous félicite donc pour votre attitude à l’égard de M. Kikunda ; c’est important que nos ressortissants, binationaux ou non, jouissent de conditions de détention convenables et de procès équitables, mais je suis très inquiète – je ne suis pas la seule – à voir les nombreux Belges d’origine marocaine qui se rendent chaque année au Maroc : ils vivent une véritable angoisse à l’idée de rencontrer un problème d’accident de roulage, de droit civil ou pénal, car la Belgique les laisserait sans aucune assistance consulaire.
C’est profondément regrettable et inquiétant, surtout qu’il s’agit d’un principe à géométrie variable pour vous.
05.04 Didier Reynders, ministre : Monsieur le président, je confirme ce que Mme Genot vient de dire. Certes, j’ai écrit une lettre parlant d’un citoyen belge, mais il n’a pas la double nationalité.
05.05 Zoé Genot (Ecolo-Groen) : (…)
05.06 Didier Reynders, ministre : Non, madame ! Si vous regardez la législation congolaise, vous verrez que ce n’est pas possible.
Le président : Quand on veut manger à tous les râteliers, on se casse parfois les dents ! Avoir trente-six nationalités n’est pas nécessairement un atout dans toutes les circonstances de la vie. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas respecter les droits humains.
[Chambre des représentants – Commission des Relations extérieures - Réunion du 29 janvier 2014 – Extrait du compte rendu intégral (CRIV 53 – COM 0913)]
05.01 Zoé Genot (Ecolo-Groen) : Monsieur le président, monsieur le ministre, nous avons déjà évoqué cette situation plusieurs fois. Ma question date de mai 2013 mais elle est malheureusement toujours d’actualité.
Permettez-moi de vous interroger à nouveau sur la situation de ce citoyen belgo-marocain extradé en décembre 2010 d’Espagne vers le Maroc, contre l’avis du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU.
Ce ressortissant belge aurait été victime de torture, n’aurait pas eu droit à un procès équitable et a été condamné à douze ans de prison ferme, sur base d’aveux qui auraient été obtenus sous la torture et rédigés dans une langue qu’il ne maîtrise pas.
Les tortures subies au Maroc ont été attestées par le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans un rapport daté du 14 décembre 2012. La situation de ce jeune a empiré. Depuis la visite du groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, il a été harcelé et isolé. Ses proches n’ont plus eu de nouvelles pendant certaines périodes.
De plus, la plainte pour torture déposée par ce prisonnier belge n’a fait l’objet d’aucune enquête approfondie, indépendante et impartiale. Après avoir été classée sans suite, l’enquête menée par le procureur du Roi a été mystérieusement réactivée et a duré seulement deux jours. Ceci afin, semble-t-il, de permettre au Maroc de dire au Comité contre la torture des Nations unies qu’une enquête avait bien été menée.
Toutefois, des médecins anglais et marocains, experts en matière d’évaluation des séquelles de la torture, ont affirmé que l’expertise déposée par le Maroc était totalement bâclée et non conforme aux standards internationaux les plus élémentaires. Quant à la plainte avec constitution de partie civile introduite par notre ressortissant, elle a été déclarée irrecevable parce que les auteurs de torture n’ont pas été directement nommés. Ce qui est bien évidemment impossible pour ce ressortissant belge, victime de coups par des agents de l’État marocains qui ne se sont pas identifiés préalablement.
La situation de ce citoyen belgo-marocain demeure, en outre, préoccupante car il ne reçoit pas les soins médicaux dont il a besoin, il continue à faire l’objet de menaces directes et de traitements inhumains et dégradants (intervention de personnes cagoulées dans sa cellule, mise à nu, menaces d’extraction vers un lieu inconnu, etc.). Tout cela est totalement contraire à la Convention contre la torture des Nations unies, pourtant ratifiée par le Maroc.
Dans votre réponse à ma question orale posée le 7 mars 2012 en commission, ainsi que dans votre réponse à mon courrier daté du 12 avril 2013, vous invoquez la Convention de La Haye du 12 avril 1930, signée par la Belgique, pour ne pas octroyer d’assistance consulaire à ce ressortissant belgo-marocain.
Monsieur le ministre, comme le Maroc n’est pas signataire de cette Convention, pourriez-vous indiquer en vertu de quelle norme juridique la Belgique serait liée à l’égard de l’État marocain quant à sa non-intervention consulaire à l’égard d’un de ses ressortissants, victime de traitements contraires à des règles de jus cogens, comme l’est l’interdiction absolue de la torture ?
Tout en admettant que le Maroc pourrait refuser de donner suite à une demande de la Belgique, pourriez-vous demander à notre ambassade au Maroc d’effectuer une visite à ce ressortissant en prison et de lui apporter l’assistance consulaire nécessaire ?
05.02 Didier Reynders, ministre : Monsieur le président, chère collègue, la réponse reste la même sur l’assistance consulaire : non. Mais, comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, nous avons pris, j’ai pris personnellement contact avec mon collègue marocain pour des démarches humanitaires en fonction des éléments qui étaient invoqués. Ces démarches ont eu lieu.
Je rappelle qu’en signant la Convention de La Haye du 12 avril 1930, la Belgique a comme beaucoup d’autres pays marqué sa volonté de ne pas accepter d’intervention consulaire étrangère sur le sol belge pour des ressortissants belges possédant une double nationalité. En effet, la coutume internationale veut que la souveraineté nationale soit respectée en cette matière.
C’est la réponse qui est fournie à chaque ambassade étrangère qui tente d’intervenir auprès de mes services pour un ressortissant belge sur le territoire belge. En général, ces tentatives d’intervention n’ont lieu que lorsque l’ambassade étrangère n’est pas au courant de l’acquisition de la nationalité belge par son ressortissant.
La Belgique, comptant des centaines de milliers de ressortissants ayant une double nationalité, ne souhaite pas créer de précédent en cette matière. Les pays auxquels nos ambassades exigeraient un droit d’assistance consulaire envers des bipatrides pourraient en effet invoquer la réciprocité sur le territoire belge.
Nous nous en tenons à cette interprétation. Cela n’empêche en rien, je le répète, des interventions dans un autre cadre humanitaire, mais non dans le cadre de la protection consulaire.
05.03 Zoé Genot (Ecolo-Groen) : Monsieur le président, monsieur le ministre, je ne comprends pas : comment peut-on invoquer une convention avec un pays qui ne l’a pas signée ? Dans ce cas-ci, le Maroc n’a pas signé la Convention de La Haye ; il est donc inutile de l’invoquer.
De plus, vous répétez à plusieurs reprises ne jamais intervenir quand il s’agit de binationaux. Pourtant, j’ai dans la main une lettre signée de votre main, datée du 3 mai 2013, concernant M. Éric Kikunda, belgo-congolais. Vous y écrivez : "M. Kikunda possède la nationalité belge et bénéficie à ce titre de l’assistance consulaire. Notre équipe consulaire à Kinshasa lui a rendu visite à plusieurs reprises et veille à ce que ses conditions de détention soient les plus acceptables possible. Plusieurs démarches ont également été entreprises pour veiller à ce qu’il puisse bénéficier d’un procès équitable".
Je vous félicite donc pour votre attitude à l’égard de M. Kikunda ; c’est important que nos ressortissants, binationaux ou non, jouissent de conditions de détention convenables et de procès équitables, mais je suis très inquiète – je ne suis pas la seule – à voir les nombreux Belges d’origine marocaine qui se rendent chaque année au Maroc : ils vivent une véritable angoisse à l’idée de rencontrer un problème d’accident de roulage, de droit civil ou pénal, car la Belgique les laisserait sans aucune assistance consulaire.
C’est profondément regrettable et inquiétant, surtout qu’il s’agit d’un principe à géométrie variable pour vous.
05.04 Didier Reynders, ministre : Monsieur le président, je confirme ce que Mme Genot vient de dire. Certes, j’ai écrit une lettre parlant d’un citoyen belge, mais il n’a pas la double nationalité.
05.05 Zoé Genot (Ecolo-Groen) : (…)
05.06 Didier Reynders, ministre : Non, madame ! Si vous regardez la législation congolaise, vous verrez que ce n’est pas possible.
Le président : Quand on veut manger à tous les râteliers, on se casse parfois les dents ! Avoir trente-six nationalités n’est pas nécessairement un atout dans toutes les circonstances de la vie. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas respecter les droits humains.
[Chambre des représentants – Commission des Relations extérieures - Réunion du 29 janvier 2014 – Extrait du compte rendu intégral (CRIV 53 – COM 0913)]
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