Par Ali Lmrabet, 17/11/2013
Le militant indépendantiste sahraoui et suiveur du Front Polisario, Ali Salem Tamek, a été arrêté avec sa femme jeudi dernier aux petites heures de la matinée. Son épouse, El Khalifa Ragbi, était recherchée pour « vol ». Embarqués, selon ses dires, dans une fourgonnette sans « signe distinctif de la police », ils ont été relâchés après heures de détention. Immédiatement, une campagne médiatique s’est abattue sur eux. Nous l’avons contacté.
Demain : Votre épouse, El Khalifa Ragbi, a été arrêtée dans un hôtel de Rabat. Que s’est-il passé ?
Ali Salem Tamek : Merci de me poser ces questions
parce que personne ne me les a posées. Nous avons eu droit, ma femme et
moi, à un tombereau d’injures et d’accusations ignobles, sans que
personne ne daigne nous parler. La nuit du mercredi 13 novembre 2013,
j’ai pris une chambre dans un hôtel de Rabat. Le lendemain, jeudi 14
novembre 2013, vers le coup de 7h00 du matin, trois policiers en civil
se sont présentés devant ma chambre pour procéder à l’arrestation de mon
épouse qui, d’après eux, est recherchée par la police de Laâyoune pour
vol. Ensuite, ils nous ont embarqués tous les deux dans un fourgon, qui
ne portait, je tiens à le signaler, aucun signe distinctif de police. Au
commissariat de police, du quartier de la Tour Hassan, pendant que mon
épouse était en état d’arrestation, j’ai contacté Khadija Marouazi,
secrétaire générale de l’association Al Wassit pour la démocratie et
les droits de l’homme, qui a alerté le président du CNDH (NDLR : Conseil
national des droits de l’homme), Driss El Yazami, et le secrétaire général du même organisme, Mohamed Sebbar,
que je remercie infiniment. Après plusieurs heures d’arrestation et
après qu’elle ait accédé à signer un procès verbal nous avons pu quitter
les locaux de la police.
Q : Mais c’est quoi cette affaire de vol ?
R : Le secrétaire général du CNDH, Mohamed Sebbar,
m’a assuré que l’affaire est close et qu’il s’agit en fait de vol
d’électricité, ce qui n’est pas vrai.
Q : Vous avez été arrêtés tous les deux pour un simple vol d’électricité ?
R : Oui Monsieur ! La police s’est présentée à 7h00
du matin et la fourgonnette qui nous a transportés ne portait pas de
signe distinctif de la police pour un prétendu vol d’électricité. Ce
prétendu délit se serait produit durant la période de ma dernière
détention, en 2010. Il y a trois ans. Or, ma femme a réglé toutes les
factures d’électricité avant de déménager dans notre nouveau domicile.
Et puis s’il y avait eu un problème de vol d’électricité, nous aurions
dû recevoir une lettre. Mais jamais nous n’avons reçu aucun avis de
paiement ou une quelconque mise en demeure. Ni de l’ONE, ni de la
police, ni de la justice.
Q : Peut-être que ces mises en demeure ne vous sont pas parvenues ?
R : Vous plaisantez ! Moi, mon épouse et ma maison
sommes sous la surveillance étroite de tous les services de police de
Laâyoune. Nous sommes le genre de personnes qui ne passent jamais
inaperçues à Laâyoune et ailleurs. Croyez-vous que je puisse me déplacer
à Rabat sans que tout le monde, je parle des services de police, ne
soit au courant ? D’ailleurs, la preuve que cette affaire sent le coup
fourré c’est que je suis parti en premier à Rabat, et ma femme m’a
rejoint le 12 novembre par le vol AT480 de la RAM.
Je vous donne ces détails parce qu’à l’aéroport de Laâyoune et à celui
de Casablanca, ma femme a été contrôlée par la police, pour ne pas dire
interrogée, mais pas arrêtée.
Q : C’est donc, selon vous, une affaire politique ?
R : Mais absolument. Pourquoi ma femme n’a pas été
arrêtée à l’aéroport de Laâyoune, ou dans celui de Casablanca, s’il y
avait un avis de recherche ? Et c’est quoi cette rapide médiatisation de
cette prétendue affaire de vol ? Enfin, c’est quoi cette autre
accusation, ignoble qui cherche à porter atteinte à notre honorabilité
de mari et de femme.
Q : Laquelle ?
R :
Vous n’avez pas lu ce qu’ils ont écrit sur certains sites ? Ils ont
écrit que ma femme a été arrêtée pour adultère et j’en passe d’autres
accusations immondes qui montrent le désir hargneux des autorités
marocaines de se venger de moi. Mais ce genre d’intimidations n’est pas
nouveau. Tout au long de mon parcours de militant sahraoui pacifique,
j’en ai connu pire. J’ai été emprisonné six fois et pendant de longues
années. En 2002, j’ai été révoqué de mon travail. Mon ex-épouse, qui se
trouve actuellement exilée à l’étranger, a été victime d’un viol
collectif d’agents de la DST en 2003 devant ma fille
Thawra. En 2005, les autorités marocaines ont tenté de m’interner dans
un hôpital psychiatrique, et en 2007, elles m’ont interdit la poursuite
mes études universitaires. Vous n’avez qu’à taper mon nom sur Google
et vous trouverez dans la presse marocaine des échantillons de la haine
déversée sur moi. Tantôt je suis un agent des services secrets
algériens, tantôt je suis un agent des services secrets marocains, et
cela au gré des circonstances et des situations. Et avec tout cela,
certains nous parlent de respect des droits de l’homme.
Propos recueillis par Ali Lmrabet
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