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vendredi 6 septembre 2013

Droits des migrants. A Genève, les autorités marocaines persistent à nier toute violation



Les autorités persistent à nier toute violation de la loi vis-à-vis des migrants, dans un rapport qui sera présenté lundi prochain devant l'ONU à Genève. Un collectif d'associations de soutien aux migrants a élaboré de son côté un rapport alternatif, qui sera lui aussi présenté publiquement lundi.

Malgré les rapports publiés par les associations locales, par les ONG internationales comme Médecins sans frontières ou par le Représentant spécial de l'ONU sur la torture, Juan Mendez, les autorités marocaines persistent à nier toute violation des droits des migrants par les forces sécuritaires.
Le respect de ces droits est contrôlé au niveau international par un Comité d'experts de l'ONU, chargé de suivre l'application de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ratifiée par le Maroc en 1991 et entrée en vigueur en 2003.

Fossé entre les textes signés et la réalité
L'adhésion à cette convention internationale implique notamment l'envoi de rapports détaillés par l'Etat-partie sur les mesures législatives et réglementaires prises afin d'en appliquer les recommandations. Le premier rapport du Maroc aurait dû être soumis au Comité des experts en 2004. Il n'a été finalement été envoyé qu'en juillet 2012. Le Comité de l'ONU livrera ses observations sur ce rapport la semaine prochaine à Genève, à l'occasion de sa 19e session.
En avril dernier, suite aux informations rapportées par les associations locales de soutien aux migrants, le Comité de l'ONU avait demandé des explications supplémentaires aux autorités marocaines, notamment concernant les violences faites aux migrants :
Le Comité est informé du fait que des migrants en situation irrégulière sont victimes, de la part des autorités marocaines, de violences physiques et morales, y compris de violences sexuelles, de violences extrêmes et de violences pouvant entraîner la mort, ainsi que d'humiliations et d'autres formes de mauvais traitements. Le Comité est également informé du refoulement de migrants, y compris des migrants blessés, des femmes enceintes et des mineurs, dans des zones désertiques de l'Algérie et de la Mauritanie, des zones minées et des zones où les migrants sont susceptibles d'être victimes de violences, y compris des violences sexuelles à l'encontre des femmes. Veuillez fournir des informations sur les mesures prises et envisagées pour mettre un terme à cette situation. Veuillez également indiquer si des enquêtes ont été menées à cet égard et fournir des informations sur l'application d'éventuelles sanctions.
Les autorités marocaines, dans leur réponse envoyée au Comité en juillet dernier, ne mentionnent pas d'enquêtes menées à ce sujet et nient jusqu'à l'existence même de quelconques violations à l'encontre de migrants :
Les informations accusant les autorités marocaines de recours à la violence et mauvais traitements à l'encontre des migrants en situation irrégulière sont infondées d'autant que l'action des différentes autorités publiques intervenant en matière de lutte contre le trafic des êtres humains et la traite des personnes est strictement délimitée par les dispositions légales en vigueur.

Un rapport alternatif
Quelques jours après les réponses de Rabat, un collectif d'associations locales de soutien aux migrants* a envoyé à son tour un rapport alternatif au Comité des experts de l'ONU, qui sera présenté lundi prochain à Genève par une délégation du collectif. "Le Maroc, dans le document envoyé au Comité en juillet dernier, n'apporte malheureusement aucune réponse concrète aux questions posées, se bornant pour l'essentiel, comme dans son rapport initial, à développer des considérations générales et théoriques", explique l'association GADEM, qui a coordonné le rapport du collectif.
Ce rapport alternatif détaille - témoignages à l'appui - l'ensemble des violations exercées par les forces de l'ordre vis-à-vis des migrants (principalement subsahariens) et met en exergue la non-application, dans les faits, de la convention internationale par le Maroc.



*l'Association lumière sur l'émigration clandestine au Maghreb (ALECMA), l'Association des ressortissants sénégalais au Maroc – 28 ( ARESMA-28), Caminando Fronteras, Chabaka -réseau des associations du nord du Maroc pour le développement et la solidarité, le Collectif des communautés subsahariennes au Maroc (CCSM), le Conseil des migrants subsahariens au Maroc (CMSM), le Groupe antiraciste d'accompagnement et de défense des étrangers et migrants (GADEM), l'Organisation démocratique du travail – Travailleurs immigrés (ODT-IT) et Pateras 
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"Etre immigré est-il devenu un crime?", s'exclame Eric Williams, un résident camerounais d'un quartier populaire de Rabat, à l'évocation du récent meurtre d'un Sénégalais ayant suscité l'émoi au Maroc, en particulier au sein de la communauté subsaharienne.
Le 12 août, Ismaila Faye, 31 ans, a été tué près de la gare routière de la capitale de plusieurs coups de couteau, lors d'une altercation avec un Marocain à cause d'une place dans un autocar, selon les premiers éléments de l'enquête.

Des médias ont évoqué un crime à caractère raciste, ravivant la polémique autour d'une éventuelle montée en puissance de ce fléau dans le royaume.
Une semaine plus tard, un rassemblement en hommage au défunt --avant le rapatriement de la dépouille-- et contre le racisme a été organisé à Rabat. Des citoyens marocains se sont aussi émus sur les réseaux sociaux du sort réservé aux migrants d'Afrique noire.
Aux portes de l'Europe en crise, le Maroc est de plus en plus considéré comme un pays d'accueil, et non uniquement de transit, et il doit gérer la présence sur son sol de nombreux clandestins: selon des ONG locales, ils seraient plus de 20.000 au total.
La cohabitation entre Marocains et subsahariens, aux mœurs parfois éloignées, fait désormais partie des défis.
"Notre situation ici est très mauvaise. Près de 15 immigrés ont été agressés en une semaine seulement", avance Eric Williams, qui préside une association de lutte contre le racisme au Maroc.
D'après lui, des habitants considèrent leur présence comme néfaste, voire comme une menace pour leur emploi, dans un pays où le chômage reste relativement élevé, notamment chez les jeunes.
"Etre immigré est-il devenu un crime? Je ne comprends pas pourquoi des Marocains nous traitent +d'Africains+ sur un ton de mépris. En venant ici, je pensais être dans un pays voisin, un pays frère", renchérit ce Camerounais d'une trentaine d'années.
Anna Bayns, une étudiante sénégalaise, estime également que les violences envers les subsahariens sont en "augmentation", même si aucune statistique officielle n'existe sur le sujet. "On est régulièrement traités de +nègres+", dit-elle.

"Comme des esclaves"
Sous la chaleur humide d'une petite chambre mal éclairée du quartier défavorisé de Takaddoum, six subsahariens vivent dans des conditions très précaires.
"On est traités comme des esclaves", affirme l'un de ces habitants, alors que dans le secteur informel les salaires sont extrêmement faibles (moins de 5 euros par jour).
Il est "difficile de trouver un logement", ajoute Eric Williams.
En juillet, des sites d'information marocains ont publié des photos d'annonces interdisant la location aux subsahariens. En l'absence de bail, les migrants sont en outre soumis au bon vouloir de propriétaires parfois peu scrupuleux.
"Cette chambre est normalement louée 500 dirhams (environ 47 euros), mais nous payons 1.500 dirhams!" (140 euros), dénonce M. Williams.
Il y a quelques mois, Médecins sans frontières (MSF) s'était de son côté alarmé d'une hausse des violences des forces de sécurité contre les clandestins.
Un rapport de Rabat sur l'application de la Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et de leur famille doit être prochainement examiné par un comité de l'ONU, à Genève, selon une ONG marocaine.
Interrogé par l'AFP, le directeur de la migration et du contrôle des frontières au ministère de l'Intérieur, Khalid Zerouali, rétorque que le Maroc est "un Etat responsable" qui doit "protéger ses frontières" et "ses citoyens". "Notre stratégie sécuritaire est dirigée contre les réseaux criminels (...). Nos frères africains sont les bienvenus, mais dans la légalité", note-t-il.
L'Union européenne, avec qui Rabat dispose d'un statut avancé, assure suivre la situation de près.
"Les rapports que nous avons concernant les mauvais traitements des migrants irréguliers, principalement d'origine subsaharienne, nous inquiètent évidemment", déclare à l'AFP Rupert Joy, chef de la délégation de l'UE au Maroc.
"A mon avis, la plus grave erreur qu'on pourrait faire serait de prétendre que le problème n'existe pas ou qu'il n'est pas sérieux", ajoute-t-il.

 http://www.lepoint.fr/societe/le-maroc-face-au-spectre-du-racisme-contre-les-migrants-africains-06-09-2013-1721696_23.php

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