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mardi 3 septembre 2013

Ahmed Kathrada : « Il faut nous mobiliser pour la libération de notre camarade Marwan Barghouti »

  le 3 Septembre 2013

Fête de l'Humanité 2013. Ahmed Kathrada, compagnon de bagne à Robben Island pendant vingt-six ans de Nelson Mandela, est engagé dans la campagne internationale 
qui sera relayée 
à la Fête. Il s’est rendu récemment dans les territoires palestiniens.

Quel est votre sentiment après cette visite dans les territoires palestiniens occupés ?
Ahmed Kathrada. Nous avions beaucoup d’informations sur l’occupation des territoires palestiniens, sur les luttes existantes et sur la façon de se comporter des Israéliens. Mais en venant ici, en constatant par nous-mêmes ce qui se passe, nous voyons que c’est encore plus grave que ce que nous pensions. Nous avons constaté de quelle manière Israël viole toutes les lois internationales.

Certains parlent d’apartheid. Est-ce votre avis ?
Ahmed Kathrada. Dans beaucoup de domaines, on peut dire que c’est pire que l’apartheid que nous subissions en Afrique du Sud. Par exemple, sous l’apartheid, il n’y avait pas un mur qui nous séparait des Blancs comme c’est le cas ici entre Israéliens et Palestiniens. Il n’y avait pas de check-points, il n’y avait pas de routes séparées. Il y avait, c’est vrai, des expulsions de populations de certains endroits mais ça n’avait rien à voir avec ce qui se passe dans les territoires palestiniens. J’ai vu de quelle manière l’armée israélienne détruit des hameaux, comme à Susiya, au sud d’Hébron. Les habitants rebâtissent et les soldats redétruisent. C’est inimaginable ! Ils tentent de faire disparaître la moindre trace de la présence de ces Bédouins et de ces Palestiniens. Ce n’est rien d’autre qu’une violation des droits de l’homme. Donc, encore une fois, c’est similaire à l’apartheid, la façon dont ils traitent les gens qui ne sont pas israéliens : comme moins que des êtres humains. Mais quand on s’occupe des détails, dans la vie quotidienne, c’est pire que l’apartheid. Vous vous rappelez sans doute que les dirigeants du Parti national (NP) qui ont mis en place l’apartheid en Afrique du Sud en 1948 avaient soutenu Hitler durant la Seconde Guerre mondiale. Eh bien, cela n’a pas empêché Israël de les inviter et de les recevoir à l’occasion d’une visite d’État !

Que pensez-vous 
de l’attitude de ce qu’on appelle la communauté internationale vis-à-vis d’Israël ?
Ahmed Kathrada. Alors que des résolutions internationales ont été votées, Israël continue son défi à la communauté internationale. Malheureusement, certaines des grandes puissances sont pro-israéliennes ou n’utilisent pas leur pouvoir pour faire fléchir Israël.

Les sanctions contre Israël sont-elles nécessaires ?
Ahmed Kathrada. Nous devons faire ce qui est en notre pouvoir. Ce que je peux dire, c’est que dans notre cas, les sanctions n’étaient pas le seul outil qui a été utilisé. Le principal paramètre qui nous a permis de gagner est la lutte. Les sanctions, la lutte armée… ont joué leur rôle, bien sûr. Mais la lutte a été primordiale. Ce qui a été important avec les sanctions, c’est que l’Afrique du Sud a été isolée dans les domaines sportif, culturel et plus tard financier… En ce sens, les sanctions ont joué un rôle important.

Comment renforcer 
la lutte pour la libération 
des prisonniers palestiniens ?
Ahmed Kathrada. Nelson Mandela a toujours dit que notre liberté en Afrique du Sud serait incomplète sans la liberté du peuple palestinien. Il faut que notre soutien soit plus fort et plus efficace. Et, bien sûr, il faut nous mobiliser pour la libération de notre ami, notre camarade Marwan Barghouti, et de tous les prisonniers palestiniens. Je comprends Marwan Barghouti. Il a été condamné cinq fois à la prison à vie. Nous, une seule fois. J’ai été vingt-six ans en prison. Je sais ce que c’est que d’être seul dans une cellule, isolé. Je sais ce que c’est que d’être arrêté, de ne pas avoir de journaux, de ne pas pouvoir voir sa famille, de n’avoir pour seules visites que celles de ceux qui vont vous interroger. Après chaque interrogatoire, je ne pensais qu’à la mort. Mais en même temps, j’ai appris à gérer ma peur. Je me suis souvenu que je n’étais pas seul en prison. Ça a été une bataille. J’ai réalisé que j’avais des responsabilités vis-à-vis de mes camarades de l’ANC et de la lutte. Je pensais à mes camarades détenus. Certains étaient torturés à mort. Malgré cela, nous avons gagné. De la même manière, les Palestiniens luttent. Un jour, avec la solidarité du monde entier, ils gagneront.

Le leader palestinien au cœur de la fête de l’Humanité. Marwan Barghouti est le chef pour la Cisjordanie du Fatah, le parti de Yasser Arafat, et il est détenu depuis avril 2002 dans les geôles israéliennes. Il est l’invité d’honneur de cette édition de la Fête de l’Humanité qui sera un point d’orgue du lancement de la campagne internationale pour sa libération et celle des milliers d’autres prisonniers palestiniens. Sa femme, avocate, Fatwa Barghouti, portera sa voix lors de la Fête.

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