Par John V. Whitbeck, 6/9/2013
Maintenant que le Premier
ministre David Cameron a tenté d’obtenir l’approbation parlementaire
pour « l’action militaire » contre la Syrie, et que le président Barack
Obama a annoncé son intention de demander l’approbation du Congrès, le
président François Hollande - d’un point de vue politique puisque ce
n’est pas strictement constitutionnel - ne devrait-il pas faire de
même ?
François Hollande (à g. sur la photo) à défaut de l’être dans la vie politique, a de l’ambition ! De la même façon que Tony Blair était le roquet de Georges Bush, il prétend aujourd’hui au rôle de roquet d’Obama... |
Une session parlementaire consacrée à la Syrie était déjà prévue pour le 4 Septembre, mais aucun vote formel n’a été prévu .
Le parti socialiste de François Hollande dispose
d’une majorité confortable à l’Assemblée nationale et d’une majorité
très mince au Sénat. La discipline de parti en France tend à être plus
rigide et plus difficile à remettre en cause qu’aux États-Unis et au
Royaume-Uni, mais le plus récent sondage a montré que 64% des Français
sont opposés à la participation française dans toute « action
militaire » contre la Syrie.
Ce serait donc à la fois très intéressant et très
encourageant pour l’avenir de la démocratie en France si Hollande
autorisait un débat libre et ouvert et un vote sur cette question
centrale.
Cependant, il y a une autre question importante que
devrait garder Hollande à l’esprit, ou au moins un élément qui le fasse
réfléchir si jamais personne ne l’a encore mis en garde.
Lorsque le Statut de Rome instituant la Cour pénale
internationale [CPI] a été négocié, certains États occidentaux avaient
insisté sur un moratoire de sept ans avant que le « crime d’agression »
ne soit ajouté aux crimes pour lesquels la CPI serait compétente, si ce
crime a été commis par un État faisant partie de la CPI ou à partir de
son territoire. Ce moratoire avait donné effectivement aux agresseurs
habituels et potentiels une fenêtre d’opportunité pour continuer à
commettre des actes d’agression, en particulier l’ex-Premier ministre
britannique Tony Blair, dont le pays est un État ayant intégré la CPI
mais qui a donc bénéficié d’ une immunité et d’une impunité (au moins du
point de vue de la compétence de la CPI) pour son rôle dans le crime
d’agression contre l’Irak en 2003.
Toutefois, cette fenêtre d’opportunité a été fermée
le 11 juin 2010, lorsque le crime d’agression a été inséré dans le
Statut de Rome comme l’un des crimes relevant de la CPI et pour lequel
s’exerce sa compétence .
Bien que ni la Syrie ni les États-Unis ne soient
parmi les 122 États ayant intégré la CPI (de sorte que seul un renvoi
par le Conseil de sécurité des Nations Unies peut donner une compétence à
la CPI sur leurs citoyens ou les crimes commis sur leur territoire) ,
la France en tant qu’État fait partie de la CPI.
L’article 8 bis (1) du Statut de Rome , ajouté en
2010, se lit comme suit : « Aux fins du présent Statut, le ’crime
d’agression’ signifie la planification, la préparation, le lancement ou
l’exécution par une personne effectivement en mesure d’exercer un
contrôle ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un
acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur,
constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies. » Sont
inclus à l’article 8 bis (2) ( b ) et dans la liste suivante les actes
constituant une ’agression’ : « le bombardement par les forces armées
d’un État contre le territoire d’un autre État ou l’ emploi de toutes
armes par un État contre le territoire d’un autre État ».
En l’absence d’une résolution du Conseil de sécurité
de l’ONU autorisant « l’action militaire » contre la Syrie, ces
dispositions correspondent « comme un gant » à l’agression en cours de
planification par les présidents Obama et Hollande. Même l’avocat de la
défense le plus imaginatif aurait du mal à imaginer un moyen de défense .
La CPI est naturellement très gênée par le fait très
dérangeant que, après plus d’une décennie d’existence, elle n’a mis en
accusation que des Africains. Pour une question d’impératif
institutionnel et pour la propre crédibilité de la cour, il y a une
nécessité impérieuse de mettre en accusation des non-Africains dès que
le champ de compétence de la cour, la gravité et l’exemplarité d’un
crime le permettront.
Rien ne pourrait autant renforcer la crédibilité de
la cour qu’un acte d’accusation contre un chef d’État ou de gouvernement
de l’une des grandes puissances occidentales.
Dans le même temps , rien ne pourrait mieux
contribuer à renforcer le concept et la stature du droit international,
la conviction que le droit international n’est pas simplement (comme il a
tendance à l’être) un bâton avec lequel les riches et les puissants
frappent les pauvres et les faibles, mais que même les riches et les
puissants ne jouissent pas de l’immunité et de l’impunité devant les
règles du droit international.
En effet, rien ne pourrait améliorer de façon plus efficace les chances de voir un jour un monde plus pacifique.
Pour toutes sortes de bonnes raisons, il est à
espérer que, en fin de compte, François Hollande ne fasse pas le choix
de participer à la « planification , la préparation , le déclenchement
ou l’exécution » du crime d’agression contre la Syrie. Mais si jamais il
passait outre, alors son transfert devant le tribunal de La Haye
pourrait être le seul résultat positif d’une telle folie.
John V. Whitbeck
* John V. Whitbeck est un avocat international qui a
conseillé l’équipe de négociation palestinienne dans les négociations
avec Israël.
Source : Info-Palestine.eu
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