En conditionnant sa décision de procéder à des attaques à un feu vert préalable du Congrès, le président américain tire les conséquences du manque de soutiens internationaux aux frappes contre le régime Assad.
- Barack Obama dans la roseraie de la Maison Blanche, le 31 août 2013. REUTERS/Mike Theiler. -
Barack Obama a tenté un pari monumental lors du discours sur la guerre en Syrie qu'il a prononcé, ce samedi 31 août, dans la roseraie de la Maison Blanche. Mais un pari qui vaut d'être tenté.
Ces derniers jours, lui et son secrétaire d'Etat John Kerry ont affirmé de manière convaincante que le régime de Bashar el-Assad était derrière les attaques chimiques qui ont tué plus de 1.000 civils dans la banlieue de Damas. Les seize agences de renseignement américaines ont expliqué dans un rapport qu'elles avaient une «confiance élevée» dans cette position.
Obama a aussi affirmé de manière forte que la réponse appropriée était de nature militaire
–pas en vue de s'impliquer dans la guerre civile syrienne (dans
laquelle il a dit que la force seule serait impuissante) ou pour évincer
Assad du pouvoir (même si telle pourrait être une des conséquences),
mais plutôt pour confirmer l'interdiction de longue date pesant sur l'utilisation des armes chimiques.
Problème de légitimité politique
Néanmoins, ces arguments en faveur de frappes militaires (avec lesquels je suis en accord) le placent dans une situation compliquée.
Les organisations chargées du respect du droit international ne seront
pas partie prenante de l'intervention. Le Conseil de sécurité de l'Onu
est «paralysé», comme Obama l'a rappelé aujourd'hui dans son discours, en raison du veto assuré de la Russie à tout usage de la force.
Durant la crise du Kosovo en 1999, Bill Clinton, également confronté à
une Russie récalcitrante, s'était alors tourné vers l'Otan pour lancer
une campagne de frappes aériennes massives. Les conseillers d'Obama citaient cet exemple comme un modèle possible quand ils ont lancé l'idée de frappes il y a quelques jours, mais le refus du Parlement britannique d'autoriser l'utilisation de la force
interdit également le recours à l'Otan. La plupart des membres de la
Ligue arabe soutiennent l'idée d'une action américaine contre Assad,
mais il est peu probable qu'ils s'engagent formellement.
Obama a rassemblé une petite coalition d'alliés étrangers qui ont promis qu'ils se joindraient aux attaques, dont la France, l'Australie et surtout la Turquie.
Mais ce n'est pas suffisant. Et encore une fois, ce n'est pas une
question de validité juridique: c'est un problème de légitimité
politique, de celle qui sera nécessaire pour convaincre Assad de la
détermination des premières frappes –et pour avoir plus de poids au cas
où elles n'ont pas un effet suffisant.
Pour gagner en légitimité, Obama a au moins besoin de soutiens en
interne. En plus d'annoncer qu'il avait décidé de procéder à des
attaques sur des cibles syriennes, il a aussi expliqué qu'il ferait
débattre et voter le Congrès sur une résolution autorisant l'usage de la
force. La rentrée parlementaire n'est pas prévue avant le 9 septembre,
mais cela vaut le coup d'attendre (même s'il pourrait peut-être demander
au Congrès de revenir en session plus tôt?).
Plus de canardage depuis la ligne de touche
Si Obama avait simplement annoncé le lancement d'une attaque, il
aurait suscité un feu nourri du Congrès, spécialement si les premiers
jours de frappe n'avaient pas eu d'effet. Et Assad aurait contemplé le
spectacle avec délectation, concluant –à tort ou à raison– que les
attaques américaines ne dureraient pas longtemps et qu'il n'avait qu'à
tenir bon quelques jours de plus.
Un feu vert sur l'usage de la force, en partant du principe que tel
sera le résultat, associera le Congrès aux actions d'Obama. Il aura
aussi l'effet salutaire de créer un précédent concernant l'usage de la
force par les Etats-Unis.
Peut-être que le fait que le Congrès joue un rôle dans ce genre de
décision deviendra un nouveau standard. Plus de canardage paresseux, ou
de soutien factice, depuis la ligne de touche. Ceux qui ont longtemps
pressé Obama de faire quelque chose sur la Syrie, puis l'ont critiqué
ces derniers jours pour l'avoir fait (juste parce que c'est Obama) vont
être forcés de se lever et de prendre position.
Alors qu'Obama s'éloignait du pupitre après son discours, un
journaliste lui a demandé ce qu'il ferait si le Congrès rejetait la
résolution. Il n'a pas répondu, mais la réponse paraît évidente. Si le
Congrès vote non, il ne lancera pas d'attaques. Les membres du Congrès
vont se rendre compte de cela, et du fait qu'il ne s'agit pas d'un débat
de salon, et je crois qu'il voteront oui pour cette raison.
Des leçons de la guerre en Irak auront été retenues et je suppose que
le feu vert sera assorti de limites sur la durée et peut-être la portée
de l'action militaire. Certains se plaindront qu'elles bloquent le
président, mais en fait elles le libèrent. Qui sait? Peut-être que,
contrairement à ce qui s'est passé ces dernières années, nous allons
apprendre qu'une démocratie peut partir en guerre grâce à un vote ouvert
et informé et sans tromperie.
Fred KaplanTraduit par Jean-Marie Pottier
http://www.slate.fr/story/77144/syrie-obama-congres-pari
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