Près d’un millier de personnes
ont manifesté samedi dans les rues de Paris, Marseille, Lyon et Toulouse
pour rendre hommage à l’opposant tunisien assassiné mercredi devant son
domicile à Tunis, Chokri Belaïd, ont constaté des journalistes de
l’AFP.
Les 400 manifestant parisiens ont défilé au rythme de slogans tels que
"Liberté, démocratie, à bas la terreur, à bas la barbarie", ou encore
"Ghannouchi assassin", à l’intention du chef d’Ennahda, le parti
islamiste au pouvoir à Tunis, Rached Ghannouchi.
Une grande banderole blanche, sur laquelle on pouvait lire en français
et en arabe "nous sommes tous Chokri Belaïd, non aux assassinats
politiques", ouvrait le cortège qui s’est rendu de Barbès à la place de
Clichy (18e).
A Marseille, Toulouse et Lyon, des cortèges de 150 à 200 personnes ont
défilé, brandissant drapeaux tunisiens, photos et pancartes sur
lesquelles on pouvait lire "vive la Tunisie laïque" ou encore "en deuil
pour ma Tunisie".
Scandant "Non à l’intégrisme" et "Tunisiens debout, jamais à genoux",
les quelque 200 manifestants marseillais se sont regroupés derrière deux
banderoles clamant "tous unis pour une Tunisie libre démocratique" et
"le peuple tunisien n’abdiquera pas".
Des tracts invitant à une veillée funèbre "en solidarité avec le peuple
tunisien" samedi en fin d’après-midi ont circulé dans le cortège.
A Lyon, les manifestants étaient regroupés autour d’un grand panneau
proclamant, à côté de sa photo, "vous avez assassiné Chokri, nous sommes
tous des Chokri".
"Nous sommes un peuple de Musulmans tolérants qui n’a rien à voir avec
les traditions djihadistes", a déclaré dans une prise de parole Ridha
Smaoui du Front Populaire tunisien (Rhône-Alpes), applaudi par les
manifestants.
"C’est un acte de gens aux abois qui n’ont rien à proposer pour sortir
le pays de la crise, mais nous ferons tout pour démasquer les assassins
et nous jurons de rester mobilisés", a-t-il ajouté, aussitôt repris en
arabe par des manifestants scandant "Chokri soit tranquille on
continuera la lutte".
A Toulouse, environ 150 personnes se sont rassemblées place du Capitole,
en plein coeur de la ville rose, avant de se rendre devant le consulat
de Tunisie.
De nombreuses photos de l’opposant assassiné étaient visibles dans le
cortège. "Il n’est pas mort sous la dictature de Ben Ali, il est mort
assassiné sous la démocratie de la troïka", pouvait-on lire sur une
affichette portée par une manifestante.
Des dizaines de milliers de personnes ont assisté vendredi après-midi
aux funérailles de l’opposant tunisien dans le sud de Tunis, en criant
leur colère contre le parti islamiste au pouvoir Ennahda, accusé de cet
assassinat sans précédent dans les annales contemporaines tunisiennes.
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Jebali confirme que les islamistes doivent quitter les ministères-clés du gouvernement
"Tous les ministres seront des indépendants, y compris à l’Intérieur, la
Justice et aux Affaires étrangères", a déclaré Hamadi Jebali à la
chaîne d’information France 24 qui l’interrogeait sur l’avenir de ces
ministères-clés auxquels le parti Ennahda refuse de renoncer. Interrogé
sur sa déclaration mercredi soir durant laquelle il a annoncé son
intention de dissoudre son gouvernement, le Premier ministre a assumé sa
décision : "J’ai dû la prendre sans consulter les partis politiques le
jour de l’assassinat (de l’opposant Chokri Belaïd) de crainte que le
pays ne bascule dans le chaos et l’irrationnel, a-t-il déclaré. Ce
n’était pas une initiative de Jebali, c’était une initiative pour sauver
le pays."
"Si l’initiative échoue, qu’avez-vous à proposer aux Tunisiens, quelle
alternative ? La loi de la jungle ?" a-t-il lancé à l’adresse de la
classe politique. Il a répété être prêt à démissionner s’il ne parvenait
pas à avoir un soutien large de la classe politique à son futur
gouvernement.
Le chef du gouvernement est entré en conflit ouvert avec la direction de
son mouvement en annonçant mercredi vouloir former un gouvernement
apolitique, alors que les violences en Tunisie se multipliaient après
l’assassinat. S’il est en conflit avec ses troupes, sa proposition a, en
revanche, été bien accueillie par l’opposition et la société civile.
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Crise ouverte au parti islamiste au pouvoir en Tunisie
Le parti islamiste Ennahda au pouvoir en Tunisie était en proie à une
crise ouverte avec la menace samedi du Premier ministre Hamadi Jebali de
démissionner à défaut de pouvoir former un gouvernement apolitique
après l’assassinat de l’opposant de gauche Chokri Belaïd.
Cette annonce est survenue au moment où plus de 3.000 personnes
manifestaient à Tunis à l’appel d’Ennahda pour désavouer M. Jebali,
numéro deux du parti, qui avait exprimé dès mercredi, jour du meurtre,
son souhait d’un tel cabinet refusé par la direction du parti.
La manifestation a vilipendé aussi "l’ingérence" de la France après les
propos du ministre de l’Intérieur Manuel Valls qui a dénoncé un
"fascisme islamiste" en commentant l’assassinat de l’opposant dont les
proches ont pointé du doigt Ennahda.
Ces développements risquent d’enfoncer encore plus le pays dans la
crise, Ennahda ne parvenant pas depuis des mois à s’accorder avec ses
alliés laïcs, dont le président Moncef Marzouki, sur un remaniement
gouvernemental, et l’insécurité et les conflits sociaux se multipliant.
"Je présenterai l’équipe au plus tard au milieu de la semaine prochaine.
Si elle est acceptée je continuerai à assumer mes fonctions, à défaut,
je demanderai au président de chercher un autre candidat pour former un
nouveau cabinet", a dit M. Jebali à des médias tunisiens.
Il a ensuite souligné à l’antenne de la chaîne France 24 que "tous les
ministres seront des indépendants, y compris à l’Intérieur, la Justice
et aux Affaires étrangères", alors qu’Ennahda refuse de renoncer à ces
ministères clés.
Le Premier ministre a souligné que son initiative visait à empêcher que
le pays "bascule dans le chaos et l’irrationnel", avant de lancer à ses
détracteurs : "Quelle alternative ? La loi de la jungle ?".
C’est la première fois que M. Jebali évoque sa démission. Les divisions
au sein du parti opposent les modérés dont il fait partie et une frange
radicale rangée derrière le chef Rached Ghannouchi.
Il estime aussi ne pas avoir besoin de demander la confiance de
l’Assemblée nationale constituante (ANC) où Ennahda dispose de 89 des
217 sièges.
Sa proposition a été bien accueillie par l’opposition et la société civile.
Avant les menaces de M. Jebali, Ennahda avait appelé ses partisans à
manifester contre l’initiative du Premier ministre et l’"ingérence" de
la France.
"France dégage" et "Le peuple veut protéger la légitimité des urnes",
ont crié ces militants sur l’avenue Habib Bourguiba, axe névralgique du
centre de la capitale où se trouve l’ambassade de France qui fait
l’objet de mesures de protection importantes depuis l’intervention
militaire au Mali.
La référence à la "légitimité" fait allusion à l’importance du vote de
l’ANC pour toute décision politique comme la formation d’un nouveau
gouvernement.
Au sujet des déclarations de M. Valls, M. Jebali a jugé "l’incident
clos" étant donné qu’il a exprimé son mécontentement à l’ambassadeur de
France dès jeudi.
La Tunisie est dirigée depuis l’élection de la Constituante en octobre
2011 par une coalition entre Ennahda et deux petits partis de
centre-gauche, dont celui du président.
Faute de compromis sur la nature du futur régime, l’élaboration de la nouvelle Constitution par l’ANC est paralysée.
Ces remous s’ajoutent à la multiplication des conflits sociaux en raison
du chômage et de la misère, deux facteurs clés de la révolution de 2011
qui a renversé Zine Al Abidine Ben Ali. Sans oublier l’essor des
groupuscules jihadistes responsables d’attaques sanglantes, dont celle
contre l’ambassade américaine en septembre.
La mobilisation islamiste samedi est la première depuis le meurtre
mercredi à Tunis de Chokri Belaïd, qui a été enterré la veille en
présence de plusieurs dizaines de milliers de personnes scandant des
slogans hostiles à Ennahda.
Signe que les autorités redoutent de nouveaux débordements, l’armée a
été déployée samedi, la Tunisie vivant sous le régime de l’état
d’urgence depuis 2011.
Le parti islamiste a nié toute responsabilité dans l’assassinat de
l’opposant, alors que des milices pro-pouvoir, la Ligue de protection de
la révolution, sont accusées d’attaquer opposants et militants
syndicaux.
Rached Ghannouchi lui a rendu hommage samedi en qualifiant sa mort de crime "contre-révolutionnaire".
Le meurtre a déclenché une vague de violences à travers le pays qui a coûté la vie à un policier.
(09-02-2013 - Avec les agences de presse)
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