Rapport Observateurs des 24 prisonniers d´opinion Sahraouis devant tribunal militaire du Maroc
RABAT, du 30 janvier au 1er févrie
* * *
Mercredi 30 janvier 2013
Dès notre arrivée nous rencontrons les représentants de l’Association
Sahraouie des Victimes des Violations Graves des Droits Humains
Commises par l’Etat Marocain (ASDVH), Brahim DAHAN, son Président et
Hassana DUIHI avec lesquels nous faisons le point du déroulement de la
journée du lendemain et de l’état annoncé de la présence des
observateurs, de la situation des accusés, et de leurs sentiments quant
au déroulement et à l’issue de ce procès.
Jeudi 31 janvier 2013
Rendez-vous au siège de l’Association Marocaine des Droits de l’Homme
(AMDH) qui accueille la tenue d’une Conférence de Presse initiée par le
Comité des Familles des Prisonniers Politiques Sahraouis de Geim Izik.
L’objectif de cette conférence est de faire le point sur le processus
en cours concernant le procès des 24 de Salé, les violations des Droits
de l’Homme, le Tribunal Militaire, la détention arbitraire et en
exposant les conditions de détentions des prisonniers et les difficultés
des familles qui accompagnent leurs parents détenus depuis 27 mois, si
loin de chez eux.
La salle est pleine de représentants des familles des prisonniers, de
représentants de la presse et dereprésentants d’Associations Marocaines
des Droits de l’Homme, d’Associations Sahraouies des Droits de l’Homme,
des Ambassades de Suisse et du Canada et du représentant de Human Right
Watch.
Prennent la parole Khadija Ryadi, Présidente de l’AMDH qui présente
la Conférence, France Weyl sur les questions de droit, Claude
Mangin-Asfari sur ses démarches et actions depuis l’arrestation de Naama
Asfari et les difficultés qu’elle rencontre, Fatimetou Dahwar, tante
du détenu Hassan Dah et ex disparue du bagne Kelaat M’gouna pour
témoigner de la continuité des méthodes à l’encontre du peuple
sahraoui , Mustafa El Machdoufi dit Mansour, Président du CFPPS, sur la
situation et les actions des familles des détenus depuis près de 27
mois et sur la situation des détenus eux-mêmes et Abdel Hay frère du
détenu Toubali.
Une seule question sera posée par un journaliste. Les
journalistes espagnoles et algériens intervieweront par la suite Claude
Mangin, Khadija Riadi et France Weyl. Mustapha Abdeddaim, ancien
prisonnier de 2008 à 2011 dont 4 mois à Salé 2, témoignera des méthodes
de tortures et d’humiliations pratiquées actuellement à Salé2 sur les
détenus, qu’il a subies comme les 24 prisonniers, qui sont identiques
qu’au du règne de Hassan II.
Cette conférence de presse était nécessaire compte tenu du
déchaînement de la presse marocaine à l’encontre des prisonniers et plus
généralement à l’égard des revendications des Sahraouis à exiger
l’application du droit international et des résolutions de l’ONU. Un
journal titre sur l’allégation que le Front Polisario aurait fourni 300
hommes aux groupes djihadistes qui ont attaqué une ville au Mali, dont
des participants au camp de Gdeim Izik.
A l’issue de la conférence nous avons une rencontre avec Brahim El Ansari représentant de Human Right Watch.
Puis, nous rencontrons les représentants du CODESA- Collectif des
Défenseurs Sahraouis des Droits de l’Homme – Larbi Messaoud, Lakhal
Mohamed Salem, Ali Salem Tamek et Haiba Elmah, qui nous remettent une
brochure détaillant la situation de chacun des 24. Ils nous font
également état de leur travail sur la situation plus générale des
disparus, des prisonniers Sahraouis, de la torture et de l’état des
procédures actuelles (leur rapport est en cours de finalisation et de
traduction).
Nous avons ensuite rendez vous à la Délégation de l’Union Européenne
au Maroc où nous sommes reçus par Mme Cécile Abadie, Chef de la Section
Politique, Presse, Communication et Culture, Mr Louis Dey attaché à la
coopération et de Mr Hugh Cleary, membre de l’équipe Politique et
Communication de l’Ambassade de Grande Bretagne et attaché à la question
des droits de l’homme. L’échange est courtois et aimable, mais décevant
: La délégation n’envisage pas d’envoyer de représentant au procès,
elle considère qu’il est impossible aux 27 membres de la CE de se mettre
d’accord sur une position commune ; elle déclare encourager les membres
de la CE à se positionner individuellement et soutenir les initiatives
des ONG en faveur de la défense des Droits de l’Homme au sens de la
Déclaration Universelle, via les subventions qu’elle leur accorde, n’a
pas de relation directe avec les ONG Sahraouies, mais se dit prête à les
recevoir et à prendre connaissance des documents qui pourraient lui
être communiqués, déclare ne pas avoir, pour le moment, vocation à
intervenir sur le Sahara. L’UE ne peut pas intervenir partout en même
temps, mais se mobilise pour les régions où il y a des tensions, ce qui ne semble pas être le cas au Sahara Occidental
pour nos interlocuteurs. Sur la question des accords de pêche, Mme
Cécile Abadie déclare que l’action de la DCE porte sur les bénéfices que
les populations locales doivent pouvoir en tirer. Nous lui faisons
remarquer que les pêcheurs sahraouis se voient refuser des licences et
qu’il est illégal d’inclure dans l’accord de pêche les eaux du «
territoire non autonome du Sahara occidental », que le pillage des
ressources halieutiques est déjà le fait des bateaux appartenant au roi
et à des hauts gradés de l’armée marocaine et que la capture de poulpes
en période de reproduction met en cause l’espèce dans la région. Nous
demandons de faire remonter les informations qu’elle recueille sur la
situation des droits de l’homme car l’Union Européenne conditionnait ses
rapports avec le Maroc aux progrès en matière de droits de l’Homme, et
que l’on en est loin. Une fois de plus on nous répond que progrès il y a
avec l’existence du CNDH qui a des antennes en régions.
Nous partons ensuite au CNDH – Conseil National des Droits de
l’Homme-où nous arrivons très en retard et sommes reçus par le SG,
Mohamed Sebbar, deux autres personnes dont l’une traduit ses propos,
sauf lorsqu’il s’emporte, en présence d’un photographe et d’un
caméraman. Monsieur Sebbar nous informe qu’il est intervenu pour ce qui
concerne les conditions de détention des prévenus qui depuis ont été
améliorées.
L’échange se complique ensuite : notre interlocuteur semble sur la
défensive, et affiche une position très en retrait de ce qui avait été
celle de nos interlocuteurs lors de notre rencontre en octobre sur la
question de la compétence du Tribunal Militaire (cf rapport du 2
novembre 2012 : « Enfin s’agissant de la compétence du Tribunal
Militaire, Monsieur EL YAZAMI nous indique, comme Mme RYADI l’avait fait
la veille, que cela s’explique par la nature des infractions qui leur
sont reprochées, mais que pour ce qui le concerne il considère que le
Tribunal militaire devrait être supprimé, et que les règles du droit à
un procès équitable ne sont pas respectées dans le cas des 24 de Salé,
ce que confirme Me SAYOURI. »). Sur cette question Monsieur Sebbar
répond sèchement à Me France Weyl que c’est la loi et que l’on ne peut
juger autrement. Quand elle lui demande son avis personnel sur l’aspect
équitable du procès il se fâche, déclare qu’elle est disqualifiée en
tant qu’observateur et, montrant la caméra dit « et c’est filmé !» comme
s’il avait fallu que nous fassions attention à nos propos. Cette
véhémence nous a tous choqués et interpellés, d’autant que le
photographe a pris un portrait de chacun de nous, une pratique que l’on
connaît ailleurs que dans l’enceinte d’un organisme de droits de
l’homme. Nous l’interrogeons également à propos de l’assassinat du jeune
Saïd Dambar par un policier. Il répond sur le même ton que le policier a
été condamné à 15 ans de prison. Nous lui disons que la famille, qui
n’a pas eu accès à la salle d’audience, veut connaître les circonstances
de la mort du jeune et réclame une autopsie. Il promet d’envoyer la
copie du jugement et de l’autopsie qu’il indique avoir été faite. De
même il a dit qu’il enverrait la cassette vidéo de la séance.
Nous allons ensuite rencontrer les familles des prisonniers dans
l’appartement qu’elles occupent à Salé. Nous regardons ensemble la TV de
la RASD dont les grands titres des informations du soir portent tous
sur le procès qui doit s’ouvrir le lendemain, sur les initiatives dans
les campements, les manifestations dans les territoires occupés, et la
Conférence de Presse du matin qui a été filmée par une équipe de presse.
Vendredi 1er février 2013
Arrivée très tôt au Tribunal Militaire. Le quartier est bouclé, nous finissons à pied.
A l’extérieur de l’enceinte, les familles et amis des inculpés
manifestent avec des banderoles. Devant le palais sont déjà installés
quelques manifestants qui apparaissent être les représentants les
familles des 11 victimes des assassinats reprochés aux accusés, avec des
banderoles et des photos, sans aucune surveillance policière, voir avec
bienveillance.
Les familles des accusés accèdent à l’enceinte plus tard, les autres
Sahraouis sont maintenus sur le coté, enserrés par d’importantes forces
de police en uniforme et en civil. La densité de photographes est
impressionnante, et les observateurs sont eux-mêmes photographiés sans
vergogne.
De nouveaux manifestants marocains arrivent, dont un groupe d’hommes
vêtus du « draa » traditionnel et se présentant comme Sahraouis, dont il
nous sera dit qu’ils ont été amenés en car, et bien encadrés. Des
mouvements se font et les forces de police permettent aux Marocains de
venir quasi au contact des Sahraouis. Une partie des Observateurs est
déjà entrée, d’autres restent pour observer ce qui se passe à
l’extérieur. Si les slogans fusent, aucun incident ne sera à déplorer.
Après avoir satisfait aux contrôles, échangé passeports contre badges
et remis appareils photos et caméras, nous entrons dans la salle
d’audience dont les bancs sont parsemés d’hommes qui ressemblent fort à
des forces de l’ordre en civil, nous en reconnaîtrons au moins un qui
était au procès de Casablanca.
Les Observateurs internationaux sont en grand nombre, de même que des
avocats en robe qui ne font pas tous partie de l’équipe de Défense ni
du groupe des Observateurs cités ci-dessus.
Entrent ensuite les familles des victimes.
À 9h44, les prisonniers font leur entrée, l’un derrière l’autre,
portant le draa, les bras levés, faisant le signe de la victoire,
scandant les slogans : « Pas d’alternative à l’Autodétermination » et «
Pas de reconnaissance des jugements des Tribunaux de l’occupant », et
ce de manière très calme.
La Cour entre et le procès est ouvert.
Ennaama Asfari est immédiatement appelé à la barre. Il se tourne vers
la salle et déclare en français qu’un Etat indépendant Sahraoui est la
seule solution du conflit du Sahara occidental et que le reste n’est que
perte de temps et d’énergie pour les deux peuples et pour le Maghreb.
Il décline son identité à la demande du Président, et retourne à sa
place.
Le débat s’engage alors et se poursuivra tout la matinée, après une
première déclaration des avocats de la Défense sur le vœu que l’on
assiste à un procès équitable et sur la volonté de tous de faire la
clarté et d’établir la vérité.
Nous assistons d’abord à une demande de report motivée par l’absence
d’une partie de la défense, qui se conclura par l’acceptation des
avocats présents de continuer, et l’indication par tous qu’ils ont une
défense commune, et non individualisée (un accusé un avocat).
Les questions qui sont ensuite abordées au long de la matinée portent sur :
- l’interprétariat des débats
- les requêtes de la Défense tendant à l’audition de témoins
- la publicité des débats et de l’audience
- la présence d’importantes forces de police et de militaires dans la salle
1/ Sur la traduction des débats :
Il semble qu’il avait été prévu des traducteurs en français, anglais
et espagnol dont la mission aurait été de traduire au fur et à mesure,
chacun son tour dans sa langue, au micro depuis la barre. La Défense
conteste cette méthode qui, mise en œuvre alourdirait gravement des
débats ; ils ajoutent que, pour respecter la constitution marocaine il
faudrait aussi traduire en Tamazigh et enfin que s’agissant d’accusés
Sahraouis, il faudrait aussi une traduction en Hassania.
2/ Sur les requêtes de la Défense
tendant à l’audition de témoins, elles se fondent sur les dispositions
des articles 88 & 89 du code de justice militaire, des articles
286, 217, 289, 290, 291 du Code de Procédure Pénale Marocain.
La Défense rappelle et considère que :
- les procès verbaux qui fondent les poursuites ont été établis dans
des conditions non conformes, sont biaisés, ne sont pas fiables et sont
contradictoires entre ceux émanant de la police et ceux émanant de la
gendarmerie. Ils en déduisent la nécessité que soient entendus ceux qui
les ont établis pour expliquer comment ils ont procédé et pour donner
toutes les explications nécessaires sur les contradictions relevées.
- les dispositions ci-dessus rappelées permettent de débattre des
chefs d’accusation et des preuves jusque devant la Cour et d’apporter
tout élément de preuve dans les débats. Ils invoquent les notions
d’évidence, de doute raisonnable (articles 217, 289, 290). Ils
rappellent que les accusés sont innocents jusqu’à ce qu’il soit prouvé
qu’ils sont coupables. Ils indiquent que le procès ne peut pas se tenir
sans témoins (article 286).
- Ils ont remis, le 30 janvier, à la Cour et au Procureur la liste
des témoins qu’ils veulent faire entendre et qui sont de trois types :
* Le Ministre de l’intérieur, la parlementaire Gajmoula Ment Ebbi, deux walis
* Des membres de la «Commission de dialogue» qui avait été mise en place pendant Gdeim Izik
* Des témoins des dates et lieux des arrestations dès lors que pour
certains des accusés les procès verbaux sont en contradiction évidente
avec la réalité soit quant à la date de l’arrestation, soit quant au
lieu.
Un débat s’instaure, et à un moment selon l’interprète dont nous
bénéficions à coté de nous, le Président aurait dit « où est le problème
? » ce qui pouvait s’interpréter comme signifiant une acceptation de la
requête dans son ensemble. Mais il n’en sera rien.
3/Sur la publicité des débats et de l’audience :
La Défense invoque l’inégalité existant dans l’accès de la salle qui
selon elle se fait sans difficulté pour les familles des victimes, alors
que les familles des détenus ont les plus grandes difficultés, et que
les militants et représentants des Associations Sahraouies de défense
des Droits de l’Homme en sont empêchés.
Le débat est vif. Le Procureur conteste que des instructions aient pu
être données, affirme que l’accès est libre, et en veut pour preuve le
fait que la salle est pleine et qu’il y a beaucoup d’Observateurs
étrangers qu’il établit à 52 et à 20 Observateurs des Associations
Marocaines. Le Président conteste lui aussi. La Défense maintient sa
demande.
4/Sur la présence d’importantes forces de sécurité :
La Défense considère qu’elle est le signe d’un manque d’indépendance
de la Cour, et que rien ne justifie que la salle soit ainsi remplie de
militaires et d’officiers gradés alors que les détenus et leurs familles
ont toujours montré un comportement exemplaire et calme. Là encore le
débat est vif, le Procureur invoquant le fait que l’on est devant un
tribunal militaire et que de surcroît les militaires sont là pour
assurer la sécurité. Le Président conclut ce débat en indiquant qu’il
considère que l’audience est publique, qu’il refuse qu’on affirme que
les familles sont empêchées, qu’aucune décision n’a été prise pour les
empêcher d’accéder, que la présence des militaires obligatoire est
justifiée pour assurer le maintien de l’ordre.
La Cour se retire alors pour délibérer sur les autres points dont principalement la question de l’audition de témoins.
Pendant la suspension qui dure environ 2H30, l’ambiance dans la salle
est assez décontractée et «surréaliste» si l’on se souvient que l’on
est dans l’enceinte d’un tribunal militaire. Nous parvenons à discuter
les uns ou les autres avec les accusés, sous l’œil «complaisant» des
militaires dont le substitut. Beaucoup de discussions entre les
observateurs, les avocats, ….
A 13h45, la Cour revient rendre sa décision dont il ressort que :
- sont admis comme témoins pouvant être convoqués les seuls témoins
sahraouis sur les questions relatives aux dates d’arrestation
- les autres témoins portés par la Défense sont rejetés
- la Cour rejette aussi la demande d’audition des rédacteurs des procès verbaux
- la Cour décide de faire venir les scellés saisis sur les lieux
- la Cour annonce que le procès se poursuivra le 8 février 2013 à 8h30 pour audition des témoins et examen du dossier
- dans ce cadre sera prévu un interprétariat en Anglais, Français, Espagnol ainsi qu’en Hassania et Tamazight.
La Défense se lève alors pour demander que la date fixée au 8 février
soit reportée d’une semaine invoquant les difficultés d’organiser en
une semaine une défense coordonnée alors que pour l’essentiel les
avocats de la Défense sont de Laayoune qui se trouve à 1200 km de Rabat.
Un débat très vif s’engage entre la Défense et le Procureur qui s’oppose à sa demande en prétendant
que tout le monde peut et doit faire des sacrifices, que lui-même est
prêt à se sacrifier et à rester au tribunal le temps qu’il faudra, et
qu’il faut faire cesser la souffrance des familles des victimes comme
celle des familles de prisonniers en n’allongeant pas le délai de tenue
du procès.
La Défense lui rétorque qu’elle n’a pas de leçons à recevoir pour ce
qui concerne les sacrifices, que s’agissant de la souffrance des
familles ou de l’allongement du procès ce n’est pas de leur
responsabilité qu’il ait déjà été renvoyé deux fois, ni que cela fasse
aussi longtemps que les accusés sont détenus, et qu’un renvoi aussi
court ne constitue pas un signe de garantie de justice loyale et
équitable car cela ne respecte pas les droits de la défense.
Il faut rappeler que la Défense n’a eu communication du dossier que
tardivement, et ne l’avait pas avant les précédentes audiences. (de
janvier et octobre 2012 )
Le Président reste sur ses positions en déclarant que sa conscience
ne lui permet pas de maintenir la souffrance des familles, et que la
date du 8 février est maintenue en demandant aux avocats d’y être tous
présents.
La séance est levée à 14h.
À la sortie, le représentant du bâtonnier de Rabat accompagne
quelques avocats à une visite de courtoisie au Président dont la demande
avait été déposée la veille.
Celui-ci nous « reçoit » sur le seuil de son bureau, nous laissant en rang dans le couloir. Ses propos sont brefs: «Bienvenue au Maroc; continuerez- vous avec nous la semaine prochaine?».
Nous quittons le Tribunal Militaire pour nous retrouver dans la rue
d’où nous serons tous « poussés » fermement par des policiers vers
l’avenue la plus proche.
Après un déjeuner rapide, 4 français partent rencontrer Mr Tudor
Alexis, 2 ème Conseiller à l’Ambassade de France. Il s’agit des avocats
et élus, l’interlocuteur refusant de rencontrer des représentants des
associations.
L’accueil est aimable, notre interlocuteur connaît son sujet, il en
était déjà saisi lorsqu’il exerçait ses fonctions au Ministère des
Affaires Etrangères à Paris à la Direction Maghreb. Il est à l’écoute.
Pour
autant il se revendique de la position française de soutien au plan
d’autonomie qui n’a en l’état pas changé sous la nouvelle majorité, et
d’une activité diplomatique discrète sans affichage. Ainsi et malgré
notre insistance et nos arguments, il n’est en l’état pas envisagé que
l’Ambassade délègue un Observateur au procès qui doit se poursuivre le 8
février.
En soirée à l’hôtel, nous tenons une dernière réunion avec les
représentants de l’ASDVH pour tirer les premières leçons de cette
première audience et préparer la suite; se joignent à nous Mickael
Ellman, Juan Soroeta, Candelaria Carrera et Josè Antonio Romero.
Brahim Dahane et Hassana Duihi insistent sur l’importance de la
présence des Observateurs, nous confirment que les militants des Droits
de l’Homme et les représentants des Associations Sahraouies ont été
empêchés d’entrer dans le tribunal, dont ceux qui de manière bénévole
étaient prévus pour être nos interprètes dans la salle.
Ils insistent encore une fois auprès des Français sur l’importance de
la position de la France, et sur le fait qu’il faut qu’ils mobilisent
le gouvernement français sur les questions des Droits de l’Homme .
Ils nous remercient de notre présence et espèrent que malgré les
difficultés que nous rencontrons nous puissions revenir nombreux le 8
février tant il est important que la pression soit maintenue.
Conclusion et analyse
- Les risques encourus par les accusés sont très sérieux au regard
des faits qui leurs sont imputés, des textes de répression qui sont
visés
- Une campagne commence à être orchestrée mettant en avant les victimes et leur revendication d’un procès équitable
- Les autorités marocaines ont parfaitement compris qu’elles ne peuvent pas faire n’importe quoi.
Et c’est ainsi que doit s’analyser cette première audience qui est un
succès à mettre au crédit de la mobilisation internationale, mais
montre que le Maroc se prépare à donner l’apparence d’un procès
équitable : présence d’Observateurs, interprètes en audience, auditions
de témoins, délai de renvoi rapproché dans l’intérêt des familles des
victimes et des accusés.
OR cette apparence de normalité ne peut évincer que le procès qui
est fait aux 24 accusés de Gdeim Izik ne répond à aucune des normes du
droit à un procès équitable.
En effet restent entières:
- La question de l’incompétence du Tribunal Militaire :
* au regard de la norme marocaine, le Tribunal Militaire est
compétent notamment si les victimes sont militaires. Si tel est le cas,
leur intervention à Gdeim Izik ne constitue-t-elle pas une violation
manifeste du cessez le feu?
* au regard de la norme internationale : notamment et en l’espèce
l’inégalité de droits entre l’accusation et la défense, l’absence de
double degré de juridiction, absence de motivation des décisions, sans
oublier bien évidemment l’absence d’indépendance et les modalités de
constitution du dossier.
- La violation des Droits de l’Homme dans l’établissement des éléments à charge, notamment avec l’utilisation de la torture.
- L’absence de respect des droits de la défense dans la discussion
des preuves, dont l’impossibilité qui leur est faite d’utiliser tous les
moyens pour les discuter de manière contradictoire et publique.
- La violation des droits de la défense dans une poursuite établie de
manière collective, et pour une responsabilité qui n’est pas
personnelle.
- des poursuites qui sont contraires au droit international en ce
qu’elles visent des Sahraouis qui résistent à l’occupation de leur
territoire par l’Etat Marocain, qui demandent le respect du droit
international et la mise en œuvre des résolutions de l’ONU à savoir
l’organisation d’un référendum d’autodétermination.
Ce sont là des « délits d’opinion » au regard de la revendication marocaine d’annexion du Sahara Occidental.
**************************
Voir le rapport complet ( liste des inculpés, avocats, témoins...)sur :
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