Le discours prononcé à l’occasion du 37e anniversaire de la «marche verte» par le roi Mohammed VI a irrité au plus haut point les responsables algériens.
Il a notamment appelé la communauté internationale à «mettre un terme
au drame enduré par les séquestrés à Tindouf, à l’intérieur du
territoire algérien, où sévissent, dans toute leur cruauté, la
répression, la coercition, le désespoir et les privations, en violation
flagrante des droits humains les plus élémentaires». Il a aussi réitéré
la «détermination du Maroc à ne permettre en aucune manière et sous
aucun prétexte que le sort du Sahara soit tributaire des calculs et des
basses manœuvres des autres parties».
Pour Alger, le souverain alaouite
«a été trop loin cette fois». Mohammed VI, qui a cru bon d’accabler
l’Algérie sur la processus de normalisation au pas de charge des
relations bilatérales et sur le dossier sahraoui, vient ainsi d’essuyer
une volée de bois vert en guise de «cadeau» d’anniversaire à sa marche
«verte». Dans une déclaration à El Watan, un haut responsable algérien a
démonté point par point les reproches du roi et lui a imputé la
responsabilité de l’impasse. «Nous le disons calmement, sans virulence
et loin du ton réquisitorial auquel on nous a habitués, c’est bien le
Maroc qui a torpillé le processus de normalisation des relations entre
nos deux pays alors que nous étions engagés dans une dynamique
constructive visant à assainir nos relations bilatérales.» Alger ne
digère pas les propos du jeune roi, d’autant plus qu’ils interviennent
dans un contexte marqué par un début de remise à flot des relations via
un échange de visites ministérielles. Mieux encore, et pour une fois, ce
haut responsable révèle que l’Algérie était prête à aller jusqu’à la
réouverture des frontières comme point d’orgue d’une normalisation
totale des relations avec le Maroc.
«Le roi est allé trop loin cette fois»
«Depuis le début, nous n’avions de cesse d’insister auprès de nos
voisins sur la nécessité de fonder cette dynamique prometteuse sur la
sincérité et la bonne foi afin de créer un mouvement irréversible devant
aboutir à la normalisation totale de nos rapports, y compris la
réouverture de la frontière», souligne notre source. Une déclaration qui
sonne comme une mise au point à Mohammed VI qui a affirmé que le Maroc
«ne cesse d’appeler à la normalisation, y compris l’ouverture de la
frontière, conformément aux vœux d’un certain nombre de pays et
d’organisations internationales». Or, Alger constate que
«malheureusement, au cours des derniers mois et au moment même où
l’échange de visites ministérielles avait atteint sa vitesse de
croisière, nous nous sommes aperçus que nos voisins marocains ont
multiplié les reniements en s’engageant dans des actions incompatibles
avec l’esprit de rapprochement publiquement revendiqué». Les autorités
algériennes fondent leurs désillusions à propos de la sincérité du
makhzen sur au moins trois éléments. A commencer par «l’infiltration
massive» de la drogue sur notre territoire, qui «n’a jamais connu une
telle ampleur». Pour ce haut responsable, «les quantités saisies
dépassent le fait de trafiquants individuels et nous fondent à nous
interroger sur ceux qui sont derrière cette agression à large échelle
menée contre notre pays et notre jeunesse». Une manière à peine voilée
de suggérer que l’infiltration de la drogue en quantités industrielles
sur le territoire national est pour le moins encouragée par les
autorités marocaines. Alger reproche également à Rabat d’avoir mobilisé
ses médias pour casser de l’Algérie malgré la promesse et l’engagement
antérieurs. «La trêve de la campagne de presse contre l’Algérie ne
s’est jamais arrêtée malgré les promesses réitérées des officiels
marocains et elle a même connu une rare virulence que rien ne justifie»,
souligne notre source.
Alger n’a plus foi en Mohammed VI
Enfin, et au sujet du dossier du Sahara occidental, les autorités
algériennes soulignent la «volte-face inattendue de nos voisins qui ont
décidé de désavouer le représentant personnel du secrétaire général de
l’ONU dans une vaine tentative de changer les règles du jeu».
Or, précise le haut responsable, «nous étions convenus de laisser à
l’ONU le soin d’assumer ses responsabilités selon sa doctrine et
conformément à la légalité internationale». La source autorisée estime
que ces «trois exemples concrets et édifiants» poussent l’Algérie à
croire que la «sincérité n’était pas à la confluence de la volonté
proclamée de normalisation de nos relations et des appels réitérés au
renforcement des relations entre le Maroc et l’Algérie». Elle rappelle
au passage que «nos voisins» ont déjà pris la «responsabilité de
détruire un processus de normalisation» en 2005 quand le déplacement du
chef de gouvernement algérien (Ahmed Ouyahia, ndlr) au Maroc fut déclaré
«inopportun» par les autorités marocaines. Un «triste épisode», selon
les mots de notre responsable, qui aura plombé le «rapprochement entre
nos deux peuples et la relance effective de l’UMA.»
Une pierre dans le jardin du monarque
Au roi Mohammed VI, qui impute la responsabilité de la glaciation des
relations à l’Algérie, la source autorisée jette la pierre dans son
jardin. «Aujourd’hui, on est en droit de nous interroger si, finalement,
ce n’est pas le statu quo qui est l’objectif véritablement recherché
pour continuer à faire pression sur notre pays en appelant «aux vœux
d’un certain nombre de pays et d’organisations nationales» (texte du
discours royal ndlr), est-il souligné. Le souverain marocain a en effet
inscrit, maladroitement, l’objectif d’une normalisation avec l’Algérie
dans le sillage des «vœux d’un certain nombre de pays et d’organisations
nationales». En décodé, le roi et ses sujets ne seraient pas
personnellement acquis à l’idée qu’il faille faire la paix avec les
Algériens. Son souhait serait juste motivé par le souci de relayer un
vœu exprimé par un responsable français ou américain de passage dans la
région. C’est ce que suggère en tous cas ce haut responsable algérien
dont la conclusion s’apparente à un solde de tout compte : «En vous
disant tout cela, vous comprendrez que les appels à un nouvel ordre
maghrébin, fait de solidarité, de complémentarité d’intégration,
relèvent du discours car, malheureusement, dénués de la sincérité de
l’engagement et la bonne foi de l’action.»
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