6 novembre 2012 - Al Qassam Website - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.qassam.ps/opinion-6294-I...
Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert
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Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert
Noam Chomsky s’est rendu dans la bande de Gaza, du 25 au 30 octobre de cette année.
Noam Chomsky |
Une seule nuit passée en prison suffit pour donner le
goût de ce que signifie le fait d’être sous le contrôle total d’une
force extérieure. Et il ne faut guère qu’un seul jour à Gaza pour
apprécier ce que doit être la survie dans la plus grande prison en plein
air au monde, là où un million et demi de personnes, dans la zone la
plus peuplée de la planète, sont soumis en permanence à une terreur
aléatoire souvent sauvage et à des châtiments arbitraires n’ayant
d’autre but que d’humilier et de dégrader, voire de ruiner tout espoir
palestinien d’un avenir décent et de s’assurer que le soutien mondial
dominant en faveur d’un règlement diplomatique garantissant ce droit
soit réduit à néant.
L’intensité de cet effort de la part des dirigeants
politiques israéliens vient d’être puissamment illustrée ces derniers
jours, puisqu’ils préviennent qu’ils seront « fous de rage » si l’ONU
reconnaît tant soit peu les droits palestiniens. Ce n’est pas un nouvel
écart. La menace de devenir « fou [de rage] » est profondément ancrée
depuis les cabinets travaillistes des années ’50, de même que le
« complexe de Samson » : nous allons faire s’écrouler les murailles du
Temple si on nous contrarie. C’était jadis une menace vaine ; plus
aujourd’hui.
L’humiliation volontaire elle non plus n’est pas
nouvelle, mais elle prend sans cesse de nouvelles formes. Il y a trente
ans, des dirigeants politiques, notamment certains des faucons les
plus marqués, soumettaient au premier ministre Begin un compte-rendu
choquant et détaillé de la façon dont les colons maltraitent
régulièrement les Palestiniens avec la plus grande dépravation et en
toute impunité. Le fameux analyste politico-militaire Yoram Peri écrivit
avec dégoût que la mission de l’armée n’est pas de défendre l’Etat,
mais « de démolir les droits de gens innocents simplement parce que ce
sont des Araboushim ("bougnoules", "sous-chiens") qui vivent dans les territoires que Dieu nous a promis ».
Les Gazaouis ont été élus pour un châtiment
particulièrement cruel. Il est presque miraculeux que des gens puissent
supporter pareille existence. La manière dont ils le font a été décrite
il y a 30 ans dans les éloquentes mémoires de Raja Shehadeh
(The Third Way), basées sur son expérience d’avocat engagé dans une
impossible mission - tenter de protéger les droits fondamentaux au sein
d’un système légal conçu pour garantir leur faillite - et sur son
expérience personnelle en tant que Samid(1)
« inébranlable dans ses convictions » qui voit sa maison transformée en
prison par une occupation brutale et ne peut rien faire d’autre
« qu’endurer » d’une façon ou d’une autre.
Depuis ce texte de Shehadeh, la situation a empiré.
Les accords d’Oslo célébrés en grande pompe en 1993 ont
décrété que Gaza et la Cisjordanie sont une seule entité territoriale. A
ce moment, Israël et les USA avaient déjà entamé leur programme de
séparation totale, afin de bloquer un règlement diplomatique et de punir
les Araboushim dans les deux territoires. Le
châtiment des Gazaouis s’est encore aggravé en janvier 2006, lorsqu’il
commirent un crime majeur : ils votèrent « mal » lors de la première
élection libre dans le monde arabe, élisant le Hamas.
Faisant montre de leur « désir de démocratie », les
Etats-Unis et Israël, soutenus par la timide Union Européenne,
imposèrent sans tarder un siège brutal ainsi que des attaques militaires
intenses. Les USA appliquèrent aussi immédiatement vers la procédure
traditionnelle lorsque des populations désobéissantes élisent le mauvais
gouvernement : préparer un coup d’état militaire pour rétablir l’ordre.
Un an plus tard, les Gazaouis commettaient un crime
encore plus grand en bloquant la tentative de coup d’état, déclenchant
une forte escalade du siège et des attaques militaires. Celles-ci
culminèrent à l’hiver 2008-2009 avec l’Opération Plomb Durci,
l’un des exercices les plus lâches et les plus vicieux de la force
militaire, puisqu’une population civile sans défense, piégée par
l’absence de toute issue, fut soumise à une attaque sans répit par l’un
des systèmes militaires les plus avancés au monde, appuyé par l’armement
et la diplomatie des Etats-Unis. Un compte-rendu inoubliable du
massacre - « infanticide » est le terme qu’ils ont utilisé - a été donné
par les deux courageux médecins norvégiens qui ont travaillé dans le
principal hôpital de Gaza au cours de ce siège impitoyable, Mads Gilbert
et Erik Fosse, dans leur livre remarquable « Les yeux à Gaza ».
Le Président élu Obama fut incapable de dire un mot,
sinon en réitérant sa sincère sympathie pour les enfants sous attaque
... dans la ville israélienne de Sderot. L’assaut, minutieusement
préparé, fut achevé avant son intronisation, de sorte qu’il put affirmer
qu’il s’agissait maintenant de regarder devant nous, pas derrière nous,
le faux-fuyant habituel des criminels.
Bien sûr il y avait des prétextes - il y en a toujours.
Le plus courant, débité à l’envi, est la « sécurité : dans ce cas, des
roquettes de fabrication maison tirées depuis Gaza. Comme c’est
généralement le cas, le prétexte manquait totalement de crédibilité. En
2008 une trêve avait été établie entre Israël et le Hamas. Le
gouvernement israélien reconnaît formellement que le Hamas l’observait
pleinement. Pas une seule roquette Hamas ne fut tirée jusqu’à ce
qu’Israël rompe la trêve sous couvert de l’élection américaine le 4
novembre 2008, envahissant Gaza sous des prétextes grotesques et tuant
une demi-douzaine de membres du Hamas. Les plus hauts cadres du
renseignement conseillèrent au gouvernement israélien de renouveler la
trêve en allégeant le blocus et en mettant fin aux attaques militaires.
Mais le cabinet de Ehud Olmert, une prétendue colombe, choisit de
rejeter ces options, préférant utiliser son gros avantage comparatif en
matière de violence : ce fut l’Opération Plomb Durci.
Les faits basiques sont repassés en revue par le politologue Jerome Slater dans la dernière livraison de la revue International Security publiée par l’Institut de Technologie du Massachusetts (MIT) à l’Université Harvard.
Le mode de bombardement de Plomb Durci a été minutieusement analysé par l’avocat gazaoui des droits humains Raji Sourani,
très bien informé et mondialement respecté. Il souligne que le
bombardement a été concentré sur le nord, ciblant des civils sans
défense dans les zones les plus densément peuplées, ce qui exclut tout
prétexte militaire. L’objectif, suggère-t-il, était peut-être de pousser
la population vers le sud, près de la frontière égyptienne. Mais les Samidin n’ont pas bougé, en dépit de l’avalanche de terreur israélo-étatsunienne.
Un autre objectif pouvait être de les pousser au-delà.
Dès les premiers jours de la colonisation sioniste, les colombes ont
largement argué que les arabes n’ont pas vraiment de raison d’être en
Palestine ; ils peuvent aussi bien être heureux ailleurs, et ils
devraient partir - en termes polis « transférés », suggérait-on. Ce
n’est sûrement le moindre souci des Egyptiens, et peut-être une raison
en Egypte pour ne pas ouvrir la frontière librement aux civils ni même
aux matériaux si désespérément nécessaires.
Sourani et d’autres sources bien documentées font observer que la discipline des Samidin
recèle un baril de poudre qui peut exploser à tout moment, inopinément,
comme la première Intifada à Gaza en 1989, après des années d’une
répression lamentable qui ne suscita ni attention ni signal d’alarme.
Il suffit d’évoquer un de ces innombrables cas : peu
avant l’explosion de l’Intifada, une jeune fille palestinienne, Intissar
al-Atar, fut tuée par balle dans une cour d’école par un résident
d’une colonie proche. C’était l’un des milliers de colons israéliens
amenés à Gaza en violation du droit international, protégés par une
importante présence de l’armée, accaparant une grande partie des terres
et de l’eau - si rare - de la bande, vivant « luxueusement dans
vingt-deux implantations au milieu de 1,4 millions de Palestiniens
démunis », ainsi que le crime est décrit par l’universitaire israélien
Avi Raz.
Shimon Yifrah fut arrêté mais rapidement libéré sous
caution quand la Cour statua que « l’infraction n’était pas assez
grave » pour requérir la détention. Le juge commenta que Yifrah avait
seulement voulu choquer la jeune fille en tirant un coup de fusil vers
elle dans une cour d’école, pas la tuer : donc « ceci n’est pas le cas
d’une personne criminelle qui doit être châtiée, entravée, et recevoir
une leçon en étant emprisonnée ». Yifrah obtint une peine de 7 mois avec
sursis, tandis que les colons dans le prétoire éclataient en chants et
en danse. Et le silence habituel régna. Après tout, rien que la routine.
Et voilà. Quand Yifrah fut libéré, la presse israélienne
rapporta qu’une patrouille de l’armée avait tiré sur une cour d’école
pour garçons de 6 à 12 ans dans un camp de réfugiés cisjordanien,
blessant cinq enfants, et allégué que leur intention était uniquement
« de les choquer ». Il n’y eut pas de mise en examen, et l’événement
n’attira pas davantage l’attention. Ce n’était qu’un autre épisode du
programme « l’illettrisme comme châtiment », rapporta la presse
israélienne, avec la fermeture d’écoles, l’usage de bombes lacrymogènes,
le tabassage d’étudiants avec des crosses de fusils, le blocage de
l’assistance médicale aux victimes ; et au-delà des écoles, le règne
d’une brutalité plus grave encore, devenue de plus en plus sauvage
pendant l’Intifada sous les ordres du ministre de la Défense Yitzhak
Rabin, une autre colombe tant admirée.
Mon impression initiale, après une visite de plusieurs
jours, c’est la stupéfaction, non seulement devant la capacité de vivre,
mais aussi devant la vitalité éclatante des jeunes, en particulier à
l’université, où j’ai passé une bonne partie de mon temps dans un
colloque international. Mais là également, on peut déceler des signes de
ce que la pression peut devenir trop lourde à supporter. Selon des
rapports, la frustration parmi les jeunes gens est bouillonnante, ils
prennent conscience que sous l’occupation israélo-étatsunienne l’avenir
ne leur réserve rien. Il y a des limites à ce que peuvent endurer des
animaux en cage, et il pourrait y avoir une éruption, peut-être sous des
formes haïssables - offrant ainsi l’occasion aux apologistes israéliens
et occidentaux auto-satisfaits de condamner les gens qui sont
"culturellement arriérés", comme Mitt Romney l’a expliqué en toute
perspicacité.
Gaza a l’allure d’une société typique du tiers monde,
avec des poches de richesse entourées de pauvreté hideuse. Néanmoins,
elle n’est pas « sous-développée ». Elle est plutôt « dé-développée »,
et ce de manière très systématique, pour emprunter les termes de Sara Roy,
l’éminente universitaire spécialiste de Gaza. La bande de Gaza aurait
pu devenir une région méditerranéenne prospère, avec une agriculture
riche et une industrie de pêche florissante, des plages merveilleuses
et, comme on l’a découvert il y a une dizaine d’années, de bonnes
perspectives de ressources en gaz naturel dans ses eaux territoriales.
Coïncidence ou non, c’est à ce moment qu’Israël a
intensifié son blocus maritime, repoussant les bateaux de pêche vers la
côte, actuellement à 3 miles ou moins.
Les perspectives favorables ont avorté en 1948, quand la
bande a dû absorber le flux de réfugiés palestiniens fuyant la terreur
ou expulsés de force de ce qui est devenu Israël, expulsés dans certains
cas des mois après le cessez-le-feu officiel.
En fait, il étaient encore expulsés quatre ans plus
tard, comme rapporté par Haaretz (25.12.2008), dans une riche étude de
Beni Tziper sur l’histoire de l’Ascalon israélienne remontant jusqu’aux
Cananéens. En 1953, écrit-il, il y a eu « le calcul froid qu’il était
nécessaire de nettoyer la région des arabes ». Le nom ancien d’Al-Majdal
avait déjà été « judaïsé » en l’ Ashkelon d’aujourd’hui, une pratique
très usitée.
C’était en 1953, alors qu’il n’y avait pas l’ombre d’une
nécessité militaire. Tziper lui-même est né en 1953, et tandis qu’il
arpente les vestiges du vieux secteur arabe, il se dit : « il est
vraiment difficile pour moi, vraiment difficile d’imaginer que pendant
que mes parents célébraient ma naissance, d’autres personnes étaient
chargées sur des camions et expulsées de leurs maisons ».
Les conquêtes d’Israël en 1967 et leurs suites
administrèrent encore d’autres coups. Puis vinrent les terribles crimes
qui se poursuivent jusqu’à aujourd’hui.
Les signes sont faciles à voir, même lors d’une courte
visite. Assis dans un hôtel près du rivage on entend le feu des
mitrailleuses sur les canonnières israéliennes qui repoussent les
pêcheurs hors des eaux territoriales de Gaza en direction de la côte,
les contraignant à pêcher dans des eaux fortement polluées à cause du
refus d’Israël et des USA d’autoriser la reconstruction des systèmes
d’épuration d’eau et de fourniture d’énergie, systèmes qu’ils ont
détruits.
Les Accords d’Oslo ont établi les plans de deux usines
de dessalement, une nécessité dans cette région aride. L’une, une
installation avancée, fut construite : en Israël. La seconde est à Khan
Younis, dans le sud de Gaza. L’ingénieur chargé d’essayer d’obtenir de
l’eau potable pour la population expliquait que cette usine était conçue
de manière à ne pas pouvoir utiliser l’eau de mer, mais bien l’eau
phréatique, processus moins coûteux qui contribue encore plus à dégrader
la mince nappe aquifère et qui garantit de graves problèmes dans le
futur. Même ainsi, l’eau est sévèrement limitée. L’UNRWA (Office de
secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine)
qui s’occupe de réfugiés (mais pas des autres Gazaouis), a récemment
publié un rapport avertissant que les dommages causés à la nappe
aquifère deviendront bientôt « irréversibles » et que sans remédiation
active et rapide, en 2020 Gaza ne serait plus « un endroit vivable ».
Israël autorise l’entrée de béton pour des projets UNRWA
mais pas pour les Gazaouis engagés dans les importantes nécessités de
la reconstruction. Les équipements lourds, limités, sont à l’arrêt
puisqu’Israël ne permet pas que le matériel soit réparé. Tout ceci fait
partie du programme général décrit par le haut fonctionnaire israélien
Dov Weisglass, un conseiller du premier ministre Ehud Olmert, après que
les Palestiniens eurent omis de suivre les ordres aux élections de
2006 : selon lui, « L’idée est de mettre les Palestiniens à la diète,
mais pas de les faire mourir de faim ». Cela n’aurait pas l’air bien.
Et le plan a été suivi scrupuleusement. Sara Roy en a
fourni des preuves complètes dans ses études de recherche. Récemment,
après plusieurs années d’efforts, l’organisation israélienne pour les
droits de l’homme Gisha a réussi à obtenir une décision de justice
enjoignant le gouvernement à publier ses archives détaillant les plans
de la diète, et leur mode d’exécution. Le journaliste Jonathan Cook
installé en Israël les résume comme ceci : « Les fonctionnaires de la
Santé ont établi le calcul du nombre minimum de calories nécessaires au
million et demi d’habitants de Gaza pour éviter la malnutrition. Ces
chiffres ont ensuite été traduits en camions de nourriture qu’Israël
était censé autoriser chaque jour [...] En moyenne 67 camions seulement -
beaucoup moins de la moitié des besoins minimum - sont entrés
quotidiennement à Gaza. A comparer à plus de 400 camions avant le début
du blocus ». Mais même cette estimation est trop généreuse, affirme un
agent humanitaire de l’ONU.
Comme l’observe le spécialiste du Moyen-Orient Juan
Cole, le résultat de cette diète imposée est que « 10 % environ des
enfants palestiniens gazaouis de moins de cinq ans ont leur croissance
freinée par la malnutrition ... de plus, l’anémie est largement
répandue, affectant plus des deux-tiers des bébés, 58,6 % des écoliers
et plus d’un tiers des mères enceintes ». Les Etats-Unis et Israël
veulent s’assurer que rien n’est possible hormis la stricte survie.
« Ce qu’il faut bien avoir à l’esprit » fait remarquer
Raji Sourani, « c’est que l’occupation et la fermeture absolue sont une
attaque menée contre la dignité humaine du peuple de Gaza et de tous les
Palestiniens en général. C’est la dégradation, l’humiliation,
l’isolement et la fragmentation systématique du peuple palestinien. La
conclusion est confirmée par beaucoup d’autres sources. Dans une des
plus grandes revues médicales au monde, The Lancet,
un médecin invité de l’Université Stanford, horrifié par ce qu’il a vu,
décrit Gaza comme « quelque chose comme un laboratoire pour observer une
absence de dignité », condition qui a des effets « dévastateurs » sur
le bien-être physique, mental et social. « La surveillance constante
depuis le ciel, la punition collective par le blocus et l’isolement,
l’intrusion dans les maisons et les communications, et les restrictions
frappant ceux qui tentent de voyager, ou de travailler, ou de se marier,
rendent difficile de vivre une vie digne à Gaza ». Il faut que les Araboushim apprennent à ne pas relever la tête.
On espérait que le nouveau gouvernement Morsi en Egypte,
moins asservi à Israël que la dictature Moubarak tournée vers
l’Occident, pourrait ouvrir le poste-frontière de Rafah, seul accès à
l’extérieur pour les Gazaouis piégés qui ne soit pas sous contrôle
israélien direct. Il y a eu une petite ouverture, mais pas grand-chose
de plus. La journaliste Laila el-Haddad écrit que la réouverture sous
Morsi « est simplement un retour au statu quo des années passées : seuls
les Palestiniens porteurs d’une carte d’identité ’Gaza’ approuvée par
Israël peuvent utiliser le passage de Rafah », ce qui exclut beaucoup de
Palestiniens, notamment la famille el-Haddad, où seul un des conjoints a
sa carte.
En outre, ajoute-t-elle, « le passage ne mène pas en
Cisjordanie et il ne permet pas le passage de marchandises, lesquelles
sont limitées aux postes-frontières contrôlés par les Israéliens et
sujettes à des interdictions sur le matériel de construction et
l’exportation ». Le passage restreint de Rafah ne va pas changer le fait
que "Gaza reste sous un contrôle maritime et aérien serré et continue
d’être fermée au capital culturel, économique et académique des
Palestiniens dans le reste des [territoires occupés], en violation des
obligations US-Israël conformes aux Accords d’Oslo".
Les effets sont douloureusement évidents. A l’hôpital de
Khan Younis, le directeur, qui dirige également la chirurgie, décrit
avec colère et passion comment même les médicaments pour soulager la
douleur des patients sont manquants, de même que l’équipement
chirurgical le plus simple, laissant les médecins impuissants et les
patients dans les affres. Les histoires personnelles ajoutent la texture
du vécu au dégoût général que l’on ressent devant l’obscénité de cette
âpre occupation. Un exemple : le témoignage de cette jeune femme
désespérée parce que son père, qui aurait été fier qu’elle soit la
première femme dans le camp de réfugiés à décrocher un haut diplôme,
« était mort après 6 mois de lutte contre le cancer à l’âge de 60 ans.
L’occupant israélien lui avait refusé un permis pour aller se faire
soigner dans des hôpitaux israéliens. J’ai dû arrêter mes recherches,
mon travail et ma vie pour aller le voir alité. Nous étions tous assis
près de lui, mon frère médecin et ma sœur pharmacienne, tous impuissants
et désespérés de le regarder endurer la douleur. Il est mort pendant
l’inhumain blocus de Gaza à l’été 2006, où il y avait très peu d’accès
aux services sanitaires. Je pense que se sentir impuissant et sans
espoir est le sentiment le plus mortel pour un être humain. Il tue
l’esprit et brise le cœur. On peut combattre l’occupation mais on ne
peut combattre son propre sentiment d’impuissance. On ne peut même pas
dissoudre ce sentiment ».
Dégoût devant l’obscénité, mêlé de culpabilité : il est
en notre pouvoir de mettre fin aux souffrances et de permettre aux
Samidin de jouir d’une vie de paix et de dignité qu’ils méritent.
(1) Ceux qui sont inébranlables dans leurs convictions, càd ceux qui font preuve de sumud, sont appelés des samidin (au singulier : samidet, samida).
* Noam Chomsky est
professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), Boston,
Etats-Unis. Auteur, après bien d’autres ouvrages, de "Pirates et
empereurs. Le terrorisme dans le monde contemporain", Fayard, Paris,
2003. La plupart des textes de Noam Chomsky sont disponibles sur son
site Internet.
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