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mardi 13 novembre 2012

Le roi du Maroc fait le tri dans ses affaires

Le conglomérat contrôlé par le holding royal (SNI) délaisse l'agro-industrie pour se développer dans d'autres secteurs, en plein essor.


Mohamed VI inaugure le parc éolien de Nareva, à Tanger, en juin 2010. AFP
Mohamed VI inaugure le parc éolien de Nareva, à Tanger, en juin 2010. AFP
 
C'est l'un des hommes les plus puissants du royaume. A Casablanca, dans son bureau cossu, Hassan Bouhemou a pris soin d'afficher deux portraits du roi Mohammed VI et deux de son père, Hassan II. Sorti des meilleures écoles françaises (X-Mines après une prépa à Louis-le-Grand), passé par Schlumberger, Bouhemou, 44 ans, est le gestionnaire en chef du business du roi. Il préside la Société nationale d'investissement (SNI), un conglomérat qui va des mines à l'agroalimentaire en passant par les télécoms. Et il dirige le saint des saints, Siger (anagramme de régis, "roi" en latin), le holding personnel du roi qui contrôle cette tentaculaire SNI, aux côtés d'actionnaires minoritaires comme Danone ou Lafarge.

Calmer la fronde
Surtout, Hassan Bouhemou est l'homme du changement de la stratégie royale. En un an, il a vendu trois piliers de l'agro-industrie marocaine à des groupes étrangers, les huiles au français Sofiprotéol, le lait à Danone et les biscuits à l'américain Kraft. "Dès que nos sociétés ont atteint leur maturité, nous en cédons le contrôle, confie-t-il à Challenges. Nous avons changé de modèle. Nous avions l'habitude de contrôler nos filiales de façon tatillonne. Désormais, nous leur laissons la plus grande autonomie." Selon Béatrice Hibou, chercheuse au CNRS et spécialiste du Maghreb, il s'agit "d'un choix financier bien sûr, mais aussi d'un choix politique, celui de ne plus être en première ligne, en transformant la SNI en holding patrimonial".
Si le roi se désengage, c'est aussi pour répondre aux critiques sur son pouvoir absolu dans les affaires. Dans un livre récent (Le Roi prédateur, Seuil), les journalistes Catherine Graciet et Eric Laurent ont accusé le monarque d'avoir fait fructifier sa fortune en écartant les concurrents gênants. Et lors des grandes manifestations, l'an dernier, les proches du palais étaient représentés en pieuvre tentaculaire contrôlant l'économie. "Des hommes d'affaires marocains, qui dénoncent les avantages dont bénéficient les sociétés liées au roi, ont sponsorisé ces manifestations", rapporte Lazare Beullac, rédacteur en chef de la lettre spécialisée Maghreb confidentiel. Les critiques pointent notamment les conflits d'intérêt dans l'agroalimentaire, où les sociétés royales touchent des subventions pour majorer les prix au producteur et les réduire pour le consommateur.
Sans surprise, ce secteur sensible a été le premier visé par les cessions. Et la SNI a réussi à trouver des repreneurs, affichant une logique industrielle. Dans la Centrale laitière, Danone, actionnaire depuis 1953, est devenu majoritaire en reprenant un bloc de 38% du capital pour 550 millions d'euros: "Nous serons une tête de pont pour attaquer l'Afrique de l'Ouest", prédit Driss Bencheikh, le PDG de cette société, qui détient 60% du marché. Dans les huiles, le nouveau propriétaire, Sofiprotéol, spécialiste des oléagineux, "va mettre les innovations de Lesieur France à notre disposition", espère Samir Oudghiri Idrissi, le patron de la filiale marocaine. Mais ces désengagements s'avèrent plus compliqués que prévu.

Les hommes du roi veulent céder la société sucrière, la Cosumar, en position de monopole, qui fait vivre 80.000 petits producteurs: "Il sera difficile d'attirer les géants mondiaux, plus intéressés par les grands espaces du Brésil ou de Thaïlande", témoigne Jean Peyrelevade, président de Leonardo & Co France, conseil de la SNI. Et le holding aura du mal à vendre une partie du capital de sa pépite, Attijariwafa Bank, première banque du pays, qui a profité de l'explosion du nombre de comptes bancaires, multiplié par quatre en six ans. "A cause des nouveaux ratios prudentiels, les banquiers ne veulent plus prendre de participations minoritaires bancaires", regrette Jean Peyrelevade.

Position de challenger
Ce retrait programmé ne doit pas faire illusion. Dans le même temps, la SNI a investi des secteurs en plein essor. "Notre trésor de guerre sera consacré à nos sociétés en développement, dans les télécoms et les énergies nouvelles", confirme Hassan Bouhemou. Une fois n'est pas coutume, la société royale est là en position de challenger. Son opérateur télécoms, Wana, n'est que le numéro trois - derrière Maroc Telecom, la filiale de Vivendi, et Méditel, celle d'Orange - avec 23% du marché. "Nous avons choisi une mauvaise norme technique, déplore Rachid Sefrioui, l'un de ses dirigeants. Grâce à notre stratégie low cost, nous avons rattrapé une partie de notre retard." Dans les énergies renouvelables, la société royale, Nareva, a été recalée dans les appels d'offres face aux géants chinois ou américains. "Les cinq premières années, nous n'avons connu que des échecs, admet Ahmed Nakkouch, son PDG. Associée à GDF Suez, Nareva a toutefois remporté le parc éolien de Tarfaya, dans l'extrême sud du pays. "Notre présence reste essentielle pour pouvoir former des ingénieurs marocains", ajoute Nakkouch.
La dernière activité en plein boom, la grande distribution, est plus confortable pour la SNI: sa filiale contrôle 55% du marché. "Nous sommes encore en phase d'évangélisation de la grande distribution, qui représente à peine 15% du commerce, une part que nous pouvons doubler rapidement", relève Mohamed Lamrani, le patron de Marjane, qui compte déjà 29 hypermarchés. Après avoir divorcé d'Auchan en 2007, bouté hors du pays après un conflit sur la gestion des sociétés communes, la SNI profite de la croissance exponentielle de sa filiale, dont le chiffre d'affaires a été multiplié par quatre en dix ans (11 milliards d'euros). A Casablanca, Marjane vient d'ouvrir un hypermarché de 7.000 mètres carrés au sein du Morocco Mall, le plus grand centre commercial d'Afrique et du Moyen-Orient, en obtenant les meilleurs emplacements au sein de ce nouveau temple de la consommation. Quand on est une société du roi et leader du marché, autant en profiter.
 

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