C'est un petit oiseau qui risque de
voler dans les plumes des grands groupes énergétiques américains, qu'ils
forent des puits de gaz et de pétrole de schiste ou installent des
parcs éoliens dans les grandes plaines des Etats-Unis.
Le tétras du Gunnison,
une forme de gibier connu pour ses parades nuptiales élaborées, évolue
historiquement dans les plaines du Midwest américain. Mais depuis
quelques années, la dégradation de son habitat combinée à la prédation
ont décimé l'espèce des prairies côtières, la menaçant d'extinction.
L'aire de répartition de ces oiseaux a ainsi chuté de 93 % au cours du
siècle passé, les 5 000 spécimens restants étant restreints à sept
foyers dans le Colorado et l'Utah, selon l'United States Fish and Wildlife Service.
Face à cette situation critique, cet organisme américain qui s'occupe de la gestion et la préservation de la faune a proposé, le 10 janvier, de classer l'oiseau sur la liste des espèces menacées, au nom de la loi fédérale sur les espèces en danger (Endangered Species Act,
1973), et de désigner 700 000 hectares comme vitaux à son habitat. Les
commentaires sur le sujet seront acceptés jusqu'au 12 mars puis
l'instance statuera en septembre.
Effectivement, la décision n'a pas
manqué de faire du bruit. Ce classement pourrait en effet limiter
l'implantation de certaines des activités industrielles, notamment
l'exploitation de gaz et de pétrole de schiste, dont une grande partie
des gisements sont situés dans l'Utah et le Colorado. Pour le Fish and
Wildlife Service, les trétas s'avèrent moins menacés par les forages que
par l'activité agricole et résidentielle. "Néanmoins, le
développement de nouveaux puits aurait un impact négatif sur ces
populations en provoquant une perte d'habitat et une fragmentation
supplémentaires", explique l'organisme.
Autre problème : les tétras craignent
les grandes structures, sur lesquelles les prédateurs comme les faucons
peuvent se percher et les repérer. Or, les éoliennes sont généralement
les plus grandes installations sur les plaines. Selon David Smith, un
avocat spécialisé en droit de l'environnement, l'administration de
Barack Obama pourrait être confrontée au dilemme de choisir entre deux
priorités écologiques, les espèces menacées et l'énergie éolienne.
"C'est l'une des premières fois que
le Fish and Wildlife Service envisage d'inscrire une espèce qui pourrait
avoir des impacts directs et significatifs sur la capacité à fournir
des énergies renouvelables", assure-t-il dans les colonnes du Texas Tribune.
S'il
est aujourd'hui difficile d'évaluer dans quelle mesure un tel
classement restreindrait l'utilisation des terres, cette décision
impliquerait dans tous les cas de céder la compétence de la protection
des oiseaux au gouvernement fédéral. Au grand dam des Etats fédérés.
"Nous sommes déçus de cette décision, lâche Rick Cables, le directeur des parcs et de la faune sauvage du Colorado, interrogé par l'Associated Press.
Depuis deux décennies, notre agence travaille en étroite collaboration
avec les propriétaires fonciers privés et les gouvernements de comtés
afin de protéger et améliorer l'habitat des tétras de Gunnison. Un tel
classement de l'espèce n'est pas nécessaire."
Au contraire, pour Megan Mueller,
biologiste de l'ONG Rocky Mountain Wild, le classement du tétras de
Gunisson ouvrirait la voie à des subventions fédérales qui pourraient
financer les efforts de restauration et de conservation. "Il est difficile de sauver une espèce qui compte si peu de représentants, prévient-elle dans le Salt Lake Tribune. Si aucune mesure importante n'est prise pour contrecarrer son érosion, cette espèce peut s'éteindre."
AP Photo/Colorado Divison of Wildlife
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