Les Mia du Moyen Atlas
Elle s’appelle Mia. Tout juste 21 ans, elle crie haut et fort à
qui veut l’entendre son dégoût pour les pratiques ô tellement communes
mais barbares dans son petit village du Moyen-Atlas.
Mia la courageuse, n’a pas peur des réprimandes, elle se dit même
prête à témoigner à visage découvert quitte « à finir au cachot, si cela
peut permettre de dénoncer la situation des jeunes filles du village ».
Mia est belle et intelligente, elle a des pensées révolutionnaires
et jure par tous les Dieux, que si ça ne tenait qu’à elle, elle ferait
mettre en prison tous les « mâles » de son bled « pourri ».
Mia n’est allé à l’école que jusqu’en CE4, mais elle a su se
construire et définir sa vision du bon et du mauvais, grâce aux nombreux
défis et expériences douloureuses qu’elle a endurés, ou dont elle a été
témoin : Tout juste 21 ans, elle a été mariée 3 fois, sa première nuit de noce date de quand elle avait 12 ans. Se marier en étant à peine pubère est chose commune par ici.
Cette jeune rebelle, nous raconte le cœur gros, la voix pleine
d’assurance et les yeux pleins de dégoût comment les vieux du village
(considérés comme les sages) se réunissent pour lire « El Fatiha » et
marier des petites filles de 12 ans à des hommes de 18 ans leurs aînés.
Elle regarde par la terrasse de chez elle et pointe du doigt trois
petites fillettes de 11 ans qui jouent en bas et nous dis « Vous voyez
celles là elles ont toutes été mariées, mais Dieu merci elles ont eu de
la chance, leurs maris ont changés d’avis avant même de consommer ».
D’autres beaucoup moins chanceuses, se retrouvent divorcées à peine
une semaine après l’union. Elles auront eu alors à endurer quelques
jours de viol quotidien, avant que leurs chers et tendres ne décident
qu’ils n’en veulent plus et les remettent aux parents. « Ici
pour avoir une relation sexuelle, on se marie pour que ce soit halal ou
légal et ensuite en un mot on divorce », nous dit Mia. Ces
derniers finissent à leur tour par les remarier tôt ou tard à un autre. Ces jeunes petites cumulent alors mariages après divorces, comme il est
le cas pour la sœur aînée de Mia (5 mariages à 23 ans), elles gagnent
alors en maturité et en âge, puis finissent par enfanter.
Dans les villages comme celui de Mia, beaucoup de ces hommes sont de
petits lâches bons à rien, qui se la coulent douce toute la journée en
sirotant leur verre de thé, pendant que les femmes et les filles, font
tout le sale boulot (ranger, nettoyer, cuisiner, couper et transporter
le bois, emmener le bétail paitre par -5 degrés). Quand l’une d’elles
finit par tomber enceinte de son énième mari (à tout juste 23 ans, la
sœur de Mia est maman d’une petite de 8 ans, je vous laisse faire le
compte), il l’accompagne souvent jusqu’à l’accouchement, puis annonce
qu’il doit travailler en ville pour récolter de l’argent. S’en suit
alors de longs mois voire années d’absence, laissant sa victime à la
charge de ses parents honteux de leur fille répudiée, et d’un enfant
sans état civil inexistant aux yeux de tous.
Revenons à présent à celle pour qui l’enfance tourne rapidement au
drame : Quand on a marié Mia pour la première fois à 12 ans, on lui a
proposé la pilule (ici on en distribue gratuitement en espérant réduire
les naissances), Mia s’est alors mis un point d’honneur à la prendre
tous les jours pour ne jamais risquer de tomber enceinte. Pendant que
les autres petites, jeunes et femmes du village la prenaient une fois
par mois, faute d’en comprendre le fonctionnement, Mia elle en prenait 2
par jour, elle nous dit « deux fois vaut mieux qu’une il n’y avait pas
de risque à prendre ». Malheureusement cette détermination et cette rage
de vivre n’est pas commune toutes les fillettes vivant dans cette
région, le cerveau lobotomisé par des idées reçues sur le rôle de la
femme et de son honneur.
Mia nous montre du doigt une fois de plus, une petite maison où vit
un couple depuis leur mariage il y a un 1 an. L’homme, le tortionnaire, a
31 ans, « sa femme » victime d’une société barbare, en a 12, et
accouche dans quelques semaines de son premier enfant. Mia fait alors un
grand sourire et nous dit « pour elle ce qui est fait est fait, c’est
une femme à présent, elle a un foyer un mari, bientôt maman. Elle s’est
habituée à tout cela, elle a grandi … Vraiment! Maintenant pour toutes
les autres, il faut abolir ces mauvaises habitudes prises dans nos
villages ».
Mia nous raconte qu’il y a plusieurs petites en pleine adolescence
qui tombent enceintes dès leur mariage. Elle nous explique que ces
filles ne peuvent pas accoucher au village, elles sont alors
transportées en urgence vers la ville la plus proche pour une
césarienne. Mia passe alors son doigt sur son ventre à l’horizontale
pour désigner l’opération chirurgical, puis refait le même geste plus
bas dans l’entre-jambe en nous disant « hachakoum! Mais que voulez vous
elles sont elle même encore toutes petites! comment pourraient-elles
sortir un enfant de là sans se faire déchirer?! ».
Certaines de ses fillettes ne reviennent jamais au village, elles
meurent en route faute de temps, ou pendant l’accouchement à l’hôpital.
Leurs corps finissent par lâcher après avoir supporté une charge pour
laquelle ils n’étaient pas encore prêts.
L’ironie du sort pour ces petites, est que dans ces villages du Moyen
Atlas, le taux de scolarisation est élevé, mais les classes d’école
n’existent que pour le primaire, ensuite il faut aller faire l’internat à
2 heures de route pour accéder au collège. Seuls les garçons sont
autorisés à y aller, « on ne peu pas envoyer une petite de 12
ans loin de sa famille, et risquer qu’elle nous revienne le ventre
devant enceinte d’un inconnu. Autant arrêter l’école c’est bien plus
sûr » … Ici au moins, elle aura un « mari », me direz-vous !
Dans ces petits villages du Moyen Atlas, des filles comme Mia, sa
sœur ou sa petite voisine, on en rencontre partout, mais on en parle
jamais ou alors tout bas.
Note : Ce récit a été recueilli auprès d’une jeune habitante
d’un village du Moyen-Atlas. Nous ne préciserons pas lequel, et Mia
sera un nom d’empreint afin de préserver au mieux son identité.
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