Le Point, 19/1/2011
Le gouvernement transitoire tunisien, au pouvoir depuis le départ vendredi du président Zine Ben Ali pour Djedda après quatre semaines d'émeutes, a annoncé, mercredi, la libération de tous les prisonniers politiques de Tunisie, y compris les islamistes. "Tous les détenus politiques ont été libérés aujourd'hui", a déclaré à Reuters le nouveau ministre du Développement régional, Najib Chebbi, par ailleurs dirigeant d'un parti d'opposition. Prié de dire si cela englobait les islamistes d'Ennahda (Renaissance), il a répondu : "Il n'y a plus de prisonniers d'Ennahda en prison."
Selon la Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, les émeutes qui ont provoqué la chute de Ben Ali, après 23 années de règne autocratique, ont fait une centaine de morts, alors que les autorités de Tunis ont avancé le chiffre de 78 tués. Des centaines de protestataires ont encore manifesté, mercredi, à Tunis pour réclamer le départ des ministres, notamment régaliens, liés à l'ère Ben Ali et retenus dans le gouvernement provisoire d'"unité nationale" du Premier ministre, Mohamed Ghannouchi.
Quatre opposants, dont trois membres de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), ont démissionné, mardi, de la nouvelle équipe en signe de protestation contre la présence au gouvernement de ces ministres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti au pouvoir. Avenue Habib Bourguiba, la principale artère de Tunis, qui porte le nom du père de l'indépendance tunisienne, un demi-millier de personnes ont manifesté pour réclamer la liquidation de l'ancien régime, soit un peu moins que ces derniers jours. "Ça se poursuivra chaque jour jusqu'à ce que nous soyons débarrassés du parti au pouvoir", a proclamé Faydi Borni, un instituteur. "Nous nous sommes débarrassés du dictateur, mais pas de la dictature. Nous voulons nous débarrasser de ce gouvernement qui nous fait taire depuis 30 ans."
La vie reprend son cours à Tunis
En tant que Premier ministre, après avoir occupé le poste de ministre de l'Intérieur, Ben Ali avait succédé en novembre 1987 à Bourguiba après avoir fait constater par une équipe de médecins la "sénilité" du père de l'indépendance tunisienne. Tous les Tunisois ne rejettent pas a priori l'équipe transitoire de Ghannouchi. "Nous avons été si longtemps bâillonnés que nous devons laisser une chance à ce gouvernement", confie une passante. "Les gens vont avoir l'occasion de voter." Mohamed Ghannouchi, qui a démissionné mardi du RCD, tout comme le président de Chambre des députés, qui assure l'intérim de Ben Ali, a promis d'organiser des élections présidentielles et législatives pluralistes dans les mois qui viennent.
Après la ferveur qui a accompagné la chute de Ben Ali, la vie semblait reprendre son cours mercredi dans la capitale tunisienne, où le couvre-feu nocturne a été raccourci de trois heures, restant désormais en vigueur la nuit. L'opposant historique Moncef Marzouki, rentré mardi de son exil français, s'est rendu dans la journée sur la tombe de Mohamed Bouazizi, un jeune chômeur diplômé dont l'immolation par le feu dans la ville centrale de Sidi Bouzid a déclenché les émeutes fatales au régime de Ben Ali.
Quelque 300 personnes ont acclamé le leader d'opposition, dont la notoriété en Tunisie est faible, mais qui compte tout de même se présenter à la prochaine élection présidentielle. La foule qui l'a accueilli réclamait le départ de Ghannouchi et de tous les "benalistes". "Si la situation persiste avec ce gouvernement bâti sur les restes de l'ex-dictature, les manifestations se poursuivront. Ce que je veux pour la Tunisie, c'est un retour aussi vite que possible à la stabilité", a confié Marzouki à Reuters.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire