ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la
torture), Amnesty International France, Human Rights Watch
Communiqué de presse
Pour publication immédiate
A l’occasion d’une visite officielle de Manuel Valls au
Maroc le 9 avril, l’ACAT, Amnesty International France, et Human Rights Watch
appellent le Premier ministre français à renoncer à un projet d’accord
extrêmement problématique signé entre les deux pays. Cet accord donnerait en
effet priorité au système judiciaire marocain pour enquêter sur tout crime ou
délit commis au Maroc, même si la victime est française, dès lors qu'est
potentiellement mis en cause un ressortissant marocain.
Ce nouvel accord, paraphé par les ministres de la Justice
des deux pays le 31 janvier dernier et amendant la Convention d’entraide
judiciaire entre la France et le Maroc, mettrait en péril les droits des
victimes françaises et étrangères de crimes commis au Maroc, y compris de graves
violations des droits humains, en rendant quasi impossible toute poursuite en
France de ressortissants marocains.
La justice marocaine s’est pourtant
régulièrement montrée incapable d’assurer des procès équitables aux plaignants
dans les affaires politiquement sensibles. Elle a notamment failli à son
obligation d'enquêter adéquatement sur les allégations de violations de droits
humains et donc d'assurer leur droit à un recours utile, comme l’ont amplement
démontré les rapports de Human
Rights Watch (juin 2013) et des Nations
unies. Les autorités marocaines n’ont en outre pas démontré leur volonté de
mener véritablement à bien des enquêtes et de traduire en justice les auteurs de
crimes.
Les deux gouvernements ont signé cet accord à la suite
d’une querelle diplomatique survenue après que plusieurs plaintes pour torture
aient été déposées en France contre des responsables des services de sécurité
marocains.
Le gouvernement français, soucieux de rétablir des bonnes
relations avec le Maroc, entend faire adopter cet accord – de fait un projet
d’amendement à la Convention d’entraide judiciaire – par le Parlement au plus
vite, avant une rencontre bilatérale au plus haut niveau qui devrait avoir lieu
au mois de juin prochain. Cet accord n’est pas encore publié mais il a été
soumis au Conseil d’État pour avis.
« L’accord remet en cause l’engagement de la France à
traduire en justice les personnes accusées des crimes les plus graves qui sont
sur son sol sur la base de la compétence universelle et risque de mettre la
France en violation de ses obligations internationales », déclare Leslie
Haskell, conseillère juridique au programme de Justice internationale de Human
Rights Watch.
« L’accord prévoit qu’un juge français chargé
d’enquêter sur une infraction commise au Maroc devra
prioritairement se dessaisir au profit de la justice marocaine et cela, même
si la victime est française et même si le crime commis est aussi grave qu’un
crime de torture. » explique Nordine Drici, directeur des programmes à
l’ACAT. « S’il s’agit d’affaires politiquement sensibles, la justice
marocaine risquera de les classer sans suite et la victime de l’infraction sera
alors en plus victime d’un déni de justice. »
« Le rétablissement des relations franco-marocaines,
s’il est légitime, ne doit en aucun cas se faire au détriment du droit des
victimes à un recours effectif devant un tribunal indépendant », déclare
Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France.
Étant donné les risques sérieux de violations des droits
fondamentaux que comporte le projet d’accord franco-marocain, les trois ONG
demandent aux parlementaires français d’interpeller rapidement le gouvernement
sur le contenu de cet accord et d’exiger que sa teneur exacte ainsi que l’avis
consultatif du Conseil d’État soient rendus public.
Enfin les ONG appellent la Commission Nationale
Consultative des droits de l’Homme à se saisir du projet d’accord afin
d’interpeller de la même façon tant le pouvoir exécutif que
législatif.
Contexte :
La visite du premier ministre français au Maroc le 9 avril
s’inscrit dans le cadre des efforts faits par la France à la suite d’une crise
diplomatique entre les deux pays. Celle-ci a fait suite à la convocation en
février 2014 par la justice française du directeur de la Direction Générale de
la Sécurité du Territoire (DGST) marocaine, Abdellatif Hammouchi, visé par une
plainte pour complicité de torture déposées par l’ACAT et plusieurs personnes
alléguant avoir subi des tortures de la part des services de sécurité marocains.
Le Maroc avait alors suspendu les accords de coopération judiciaires
franco-marocains.
Le 31 janvier 2015, la France et le Maroc ont rétabli leur
coopération judiciaire en concluant un accord qui prévoit l’adoption de cet
amendement à la convention d’entraide judiciaire et rétablissement de la
coopération juridique et judiciaire entre la France et le Maroc.
En février, la France a aussi annoncé son intention
d’élever M. Hammouchi au grade d’officier de la Légion d’honneur.
Le Parlement doit approuver cet accord pour qu’il entre en
vigueur, et le gouvernement compte utiliser la procédure simplifiée pour éviter
d’éventuelles modifications à l’amendement. Les parlementaires n’ont alors que
deux solutions : rejeter ou approuver l’accord. Les ONG appellent le
gouvernement à ne pas recourir à la procédure simplifiée. Les débats au
Parlement devront être transparents et conduits en prévoyant des auditions
d’organisations de la société civile, notamment.
Contacts presse :
·
ACAT : Pierre Motin, 01 40 40 40 24 /
06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr
·
Amnesty International France :
Maryline Griffon, 01 53 38 65 77-66 23, mgriffon@amnesty.fr
·
Human Rights Watch :
Leslie Haskell, 06 37 69 15 92, haskell@hrw.org et Jean-Marie Fardeau, 06 45
85 24 87, jm.fardeau@hrw.org
Pierre
Motin
Chargé
des relations médias
ACAT
ACAT
01 40 40
40 24 / 06 12 12 63 94
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