Disparitions forcées, assassinats et tortures au Sahara Occidental
Par Zine Cherfaoui, El Watan, 11/4/2015
Le juge espagnol Pablo Ruz
Le juge Pablo Ruz soutient que «la population civile sahraouie a été systématiquement attaquée par la police et l’armée marocaines entre 1975 et 1991». La justice espagnole estime qu’il «existe des indices rationnels» permettant en effet de juger des fonctionnaires marocains pour «génocide» en lien avec des «assassinats», des «détentions arbitraires» et des «actes de torture».
Le Maroc a énormément de cadavres dans ses placards. Ça tout le monde
le sait… et depuis longtemps. Devenus une tradition ancrée depuis des
lustres, les meurtres, la torture et les disparitions forcées se
commettent même à la pelle au pays du roi Mohammed VI. Tout le monde en
souffre, à commencer par les Sahraouis.
Ce que l’opinion a compris aussi, c’est que grâce à ses «amis» occidentaux, le royaume chérifien bénéficie d’une impunité totale dans les instances internationales. Y compris au niveau de l’Organisation des Nations unies où la politique des deux poids, deux mesures est érigée en règle.
Le traitement réservé à l’affaire de l’assassinat en 1965 de l’opposant Mehdi Ben Barka donne d’ailleurs un aperçu des plus clairs sur l’étendue de la complaisance et de la complicité dont profite ce pays.
Dans le cas des violations massives et systématiques des droits de l’homme commises au Sahara occidental occupé, un juge espagnol de l’Audience nationale, Pablo Ruz, sans doute révolté par la barbarie du makhzen, a décidé jeudi de briser l’omerta en donnant un grand coup de pied dans la fourmilière marocaine. Surtout que les preuves sont innombrables et accablantes.
Indices «rationnels»
Face à la gravité des faits, Pablo Ruz a proposé le renvoi illico presto devant un tribunal de 11 fonctionnaires, policiers et militaires marocains pour «génocide» et «assassinats» entre 1975 et 1991. Il a expliqué durant son exposé que «la population civile sahraouie a été systématiquement attaquée par la police et l’armée marocaines» durant cette période. Selon lui, il «existe des indices rationnels» permettant en effet de juger les 11 inculpés pour «génocide» en lien avec des «assassinats», des «détentions arbitraires» et des «actes de torture».
Soutenu par le parquet, il estime que ces présumés assassins peuvent être jugés dans un arrêt notifiant la fin de son enquête.
Une enquête, faut-il le rappeler, ouverte en 2007 par le juge Baltasar Garzon après le dépôt d’une plainte par des associations de défense des droits humains et des familles de victimes qui avaient fait alors état de la disparition de plus de 500 Sahraouis à partir de 1975, date de la colonisation par le Maroc du Sahara occidental. La justice espagnole avait, précise-t-on, commencé à enquêter sur les responsabilités éventuelles de 13 suspects sur un total de 32.
Le juge espagnol pointe particulièrement du doigt le militaire Abdelhaq Lemdaour et le colonel de la Gendarmerie royale, Driss Sbai. Ces hauts gradés étaient les chefs du quartier général des forces armées et de la gendarmerie de Smara lors de l’annexion du Sahara occidental. C’est dans cette localité que beaucoup de meurtres et de disparitions ont été signalés. Le magistrat espagnol considère en tout cas ces deux militaires comme responsables des tortures administrées à Hadram Abderrahman, arrêtée le 15 décembre 1975 chez elle, arrachée par la force à son bébé de moins d’un an qu’elle allaitait.
Elle fut ensuite torturée durant un mois et demi, tous les jours, «pendant un temps indéterminé, avec des pauses de 10 à 15 minutes» et fut «victime d’agressions sexuelles». Le juge, selon l’AFP qui a rapporté l’information, a cité aussi le cas de Omar Buzeid Ahmed Baiba, un commerçant «de nationalité espagnole», arrêté le 10 juillet 1976 par des membres de la Gendarmerie royale à Smara, et «torturé au moins pendant quatre mois et 15 jours, à coups de décharges électriques dans les parties génitales, la bouche et les doigts», avant que sa famille ne perde sa trace.
Viols et décharges électriques
Spécialisé dans les affaires complexes, le juge Pablo Ruz refuse de s’arrêter en si bon chemin. Il a décidé, en outre, de lancer un mandat d’arrêt contre sept suspects déjà mis en examen et a délivré quatre commissions rogatoires pour quatre autres personnes, afin que les poursuites leur soient notifiées, car elles n’étaient pas visées jusque-là. Parmi les sept premiers figurent l’ancien gouverneur de l’administration territoriale du ministère de l’Intérieur marocain jusqu’à 1997, Abdelhafid Ben Hashem, le gouverneur de Smara (Sahara occidental) entre 1976 et 1978 Saïd Ouassou, et son successeur Hassan Oushen.
Si le Maroc n’a pas encore réagi à la décision de la justice espagnole, l’association Pro-droits de l’homme d’Espagne a, en revanche, fortement applaudi les conclusions du juge. Elle estime qu’elles constituent «une avancée décisive contre l’impunité face aux graves violations des droits de l’homme, perpétrées par les forces militaires marocaines contre la population civile sahraouie». Il faut savoir que lorsque le territoire sahraoui est passé illégalement sous contrôle marocain, certaines victimes disposaient de pièces d’identité espagnoles. Beaucoup d’entre elles étaient espagnoles d’origine.
C’est ce qui a permis à cette affaire de génocide d’avancer, soutiennent d’ailleurs de nombreux observateurs. Maintenant que la vérité commence à paraître au grand jour, les associations de défense des droits humains espèrent que ce dossier explosif ne se perdra pas dans les dédales de la justice ou qu’il ne sera pas enterré par le pouvoir politique espagnol au nom d’une sombre raison d’Etat.
Ce que l’opinion a compris aussi, c’est que grâce à ses «amis» occidentaux, le royaume chérifien bénéficie d’une impunité totale dans les instances internationales. Y compris au niveau de l’Organisation des Nations unies où la politique des deux poids, deux mesures est érigée en règle.
Le traitement réservé à l’affaire de l’assassinat en 1965 de l’opposant Mehdi Ben Barka donne d’ailleurs un aperçu des plus clairs sur l’étendue de la complaisance et de la complicité dont profite ce pays.
Dans le cas des violations massives et systématiques des droits de l’homme commises au Sahara occidental occupé, un juge espagnol de l’Audience nationale, Pablo Ruz, sans doute révolté par la barbarie du makhzen, a décidé jeudi de briser l’omerta en donnant un grand coup de pied dans la fourmilière marocaine. Surtout que les preuves sont innombrables et accablantes.
Indices «rationnels»
Face à la gravité des faits, Pablo Ruz a proposé le renvoi illico presto devant un tribunal de 11 fonctionnaires, policiers et militaires marocains pour «génocide» et «assassinats» entre 1975 et 1991. Il a expliqué durant son exposé que «la population civile sahraouie a été systématiquement attaquée par la police et l’armée marocaines» durant cette période. Selon lui, il «existe des indices rationnels» permettant en effet de juger les 11 inculpés pour «génocide» en lien avec des «assassinats», des «détentions arbitraires» et des «actes de torture».
Soutenu par le parquet, il estime que ces présumés assassins peuvent être jugés dans un arrêt notifiant la fin de son enquête.
Une enquête, faut-il le rappeler, ouverte en 2007 par le juge Baltasar Garzon après le dépôt d’une plainte par des associations de défense des droits humains et des familles de victimes qui avaient fait alors état de la disparition de plus de 500 Sahraouis à partir de 1975, date de la colonisation par le Maroc du Sahara occidental. La justice espagnole avait, précise-t-on, commencé à enquêter sur les responsabilités éventuelles de 13 suspects sur un total de 32.
Le juge espagnol pointe particulièrement du doigt le militaire Abdelhaq Lemdaour et le colonel de la Gendarmerie royale, Driss Sbai. Ces hauts gradés étaient les chefs du quartier général des forces armées et de la gendarmerie de Smara lors de l’annexion du Sahara occidental. C’est dans cette localité que beaucoup de meurtres et de disparitions ont été signalés. Le magistrat espagnol considère en tout cas ces deux militaires comme responsables des tortures administrées à Hadram Abderrahman, arrêtée le 15 décembre 1975 chez elle, arrachée par la force à son bébé de moins d’un an qu’elle allaitait.
Elle fut ensuite torturée durant un mois et demi, tous les jours, «pendant un temps indéterminé, avec des pauses de 10 à 15 minutes» et fut «victime d’agressions sexuelles». Le juge, selon l’AFP qui a rapporté l’information, a cité aussi le cas de Omar Buzeid Ahmed Baiba, un commerçant «de nationalité espagnole», arrêté le 10 juillet 1976 par des membres de la Gendarmerie royale à Smara, et «torturé au moins pendant quatre mois et 15 jours, à coups de décharges électriques dans les parties génitales, la bouche et les doigts», avant que sa famille ne perde sa trace.
Viols et décharges électriques
Spécialisé dans les affaires complexes, le juge Pablo Ruz refuse de s’arrêter en si bon chemin. Il a décidé, en outre, de lancer un mandat d’arrêt contre sept suspects déjà mis en examen et a délivré quatre commissions rogatoires pour quatre autres personnes, afin que les poursuites leur soient notifiées, car elles n’étaient pas visées jusque-là. Parmi les sept premiers figurent l’ancien gouverneur de l’administration territoriale du ministère de l’Intérieur marocain jusqu’à 1997, Abdelhafid Ben Hashem, le gouverneur de Smara (Sahara occidental) entre 1976 et 1978 Saïd Ouassou, et son successeur Hassan Oushen.
Si le Maroc n’a pas encore réagi à la décision de la justice espagnole, l’association Pro-droits de l’homme d’Espagne a, en revanche, fortement applaudi les conclusions du juge. Elle estime qu’elles constituent «une avancée décisive contre l’impunité face aux graves violations des droits de l’homme, perpétrées par les forces militaires marocaines contre la population civile sahraouie». Il faut savoir que lorsque le territoire sahraoui est passé illégalement sous contrôle marocain, certaines victimes disposaient de pièces d’identité espagnoles. Beaucoup d’entre elles étaient espagnoles d’origine.
C’est ce qui a permis à cette affaire de génocide d’avancer, soutiennent d’ailleurs de nombreux observateurs. Maintenant que la vérité commence à paraître au grand jour, les associations de défense des droits humains espèrent que ce dossier explosif ne se perdra pas dans les dédales de la justice ou qu’il ne sera pas enterré par le pouvoir politique espagnol au nom d’une sombre raison d’Etat.
Trois ONG interpellent Valls sur les droits humains
A l’occasion de leur visite officielle au Maroc le 9 avril, trois ONG
ont interpellé jeudi le Premier ministre français, Manuel Valls, sur
l’accord judiciaire France/Maroc.
La raison ? Cet accord donnerait la priorité au système judiciaire
marocain pour enquêter sur tout crime ou délit commis au Maroc, même si
la victime est française, dès lors qu’est potentiellement mis en cause
un ressortissant marocain.
Ce nouvel accord, paraphé par les ministres de la Justice des deux pays
le 31 janvier dernier et amendant la Convention d’entraide judiciaire
entre la France et le Maroc, mettrait en péril les droits des victimes
françaises et étrangères de crimes commis au Maroc, y compris de graves
violations des droits humains, en rendant quasi impossible toute
poursuite en France de ressortissants marocains.
La justice marocaine s’est pourtant régulièrement montrée incapable
d’assurer des procès équitables aux plaignants dans les affaires
politiquement sensibles.
Elle a notamment failli à son obligation d’enquêter adéquatement sur
les allégations de violations de droits humains et donc d’assurer leur
droit à un recours utile, comme l’ont amplement démontré les rapports de
Human Rights Watch (juin 2013) et des Nations unies. Les autorités
marocaines n’ont en outre pas démontré leur volonté de mener
véritablement à bien des enquêtes et de traduire en justice les auteurs
de crimes.
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