l’ACAT, Amnesty International
France, et Human Rights Watch, 9/4/2015
La France doit rejeter tout accord avec le Maroc qui favoriserait l'impunité des responsables de violations des droits humains
9 avril 2015
L’accord remet en cause l’engagement de la France à
traduire en justice les personnes accusées des crimes les plus graves
qui sont sur son sol sur la base de la compétence universelle et risque
de mettre la France en violation de ses obligations internationales.
Leslie Haskell, conseillère juridique au programme de Justice internationale
(Paris) – A l’occasion d’une visite officielle
de Manuel Valls au Maroc le 9 avril, l’ACAT, Amnesty International
France, et Human Rights Watch appellent le Premier ministre français à
renoncer à un projet d’accord extrêmement problématique signé entre les
deux pays. Cet accord donnerait en effet priorité au système judiciaire
marocain pour enquêter sur tout crime ou délit commis au Maroc, même si
la victime est française, dès lors qu'est potentiellement mis en cause
un ressortissant marocain.
Ce nouvel accord, paraphé par les ministres de la Justice des deux pays le 31 janvier dernier et amendant la Convention d’entraide judiciaire entre la France et le Maroc, mettrait en péril les droits des victimes françaises et étrangères de crimes commis au Maroc, y compris de graves violations des droits humains, en rendant quasi impossible toute poursuite en France de ressortissants marocains. La justice marocaine s’est pourtant régulièrement montrée incapable d’assurer des procès équitables aux plaignants dans les affaires politiquement sensibles. Elle a notamment failli à son obligation d'enquêter adéquatement sur les allégations de violations de droits humains et donc d'assurer leur droit à un recours utile, comme l’ont amplement démontré les rapports de Human Rights Watch (juin 2013) et des Nations Unies. Les autorités marocaines n’ont en outre pas démontré leur volonté de mener véritablement à bien des enquêtes et de traduire en justice les auteurs de crimes.
Les deux gouvernements ont signé cet accord suite à une querelle diplomatique survenue après que plusieurs plaintes pour torture aient été déposées en France contre des responsables des services de sécurité marocains.
Le gouvernement français, soucieux de rétablir des bonnes relations avec le Maroc, entend faire adopter cet accord – de fait un projet d’amendement à la Convention d’entraide judiciaire – par le Parlement au plus vite, avant une rencontre bilatérale au plus haut niveau qui devrait avoir lieu au mois de juin prochain. Cet accord n’est pas encore publié mais il a été soumis au Conseil d’Etat pour avis.
« L’accord remet en cause l’engagement de la France à traduire en justice les personnes accusées des crimes les plus graves qui sont sur son sol sur la base de la compétence universelle et risque de mettre la France en violation de ses obligations internationales », déclare Leslie Haskell, conseillère juridique au programme de Justice internationale de Human Rights Watch.
« L’accord prévoit qu’un juge français chargé d’enquêter sur une infraction commise au Maroc devra prioritairement se dessaisir au profit de la justice marocaine et cela, même si la victime est française et même si le crime commis est aussi grave qu’un crime de torture », explique Nordine Drici, directeur des programmes à l’ACAT. « S’il s’agit d’affaires politiquement sensibles, la justice marocaine risquera de les classer sans suite et la victime de l’infraction sera alors en plus victime d’un déni de justice. »
« Le rétablissement des relations franco-marocaines, s’il est légitime, ne doit en aucun cas se faire au détriment du droit des victimes à un recours effectif devant un tribunal indépendant », déclare Geneviève Garrigos, Présidente d’Amnesty International France.
Etant donné les risques sérieux de violations des droits fondamentaux que comporte le projet d’accord franco-marocain, les trois ONG demandent aux parlementaires français d’interpeller rapidement le gouvernement sur le contenu de cet accord et d’exiger que sa teneur exacte ainsi que l’avis consultatif du Conseil d’État soient rendus public.
Enfin les ONG appellent la Commission Nationale Consultative des droits de l’Homme à se saisir du projet d’accord afin d’interpeller de la même façon tant le pouvoir exécutif que législatif.
Contexte :
La visite du premier ministre français au Maroc le 9 avril s’inscrit dans le cadre des efforts faits par la France suite à une crise diplomatique entre les deux pays. Celle-ci a fait suite à la convocation en février 2014 par la justice française du directeur de la Direction Générale de la Sécurité du Territoire (DGST) marocaine, Abdellatif Hammouchi, visé par une plainte pour complicité de torture déposées par l’ACAT et plusieurs personnes alléguant avoir subi des tortures de la part des services de sécurité marocains. Le Maroc avait alors suspendu les accords de coopération judiciaires franco-marocains.
Le 31 janvier 2015, la France et le Maroc ont rétabli leur coopération judiciaire en concluant un accord qui prévoit l’adoption de cet amendement à la convention d’entraide judiciaire et rétablissement de la coopération juridique et judiciaire entre la France et le Maroc.
En février, la France a aussi annoncé son intention d’élever M. Hammouchi au grade d’officier de la Légion d’honneur.
Le Parlement doit approuver cet accord pour qu’il entre en vigueur. Les parlementaires n’ont que deux solutions : rejeter ou approuver l’accord. Les ONG appellent le Parlement à mener les débats de façon transparente et à auditionner les organisations de la société civile.
Ce nouvel accord, paraphé par les ministres de la Justice des deux pays le 31 janvier dernier et amendant la Convention d’entraide judiciaire entre la France et le Maroc, mettrait en péril les droits des victimes françaises et étrangères de crimes commis au Maroc, y compris de graves violations des droits humains, en rendant quasi impossible toute poursuite en France de ressortissants marocains. La justice marocaine s’est pourtant régulièrement montrée incapable d’assurer des procès équitables aux plaignants dans les affaires politiquement sensibles. Elle a notamment failli à son obligation d'enquêter adéquatement sur les allégations de violations de droits humains et donc d'assurer leur droit à un recours utile, comme l’ont amplement démontré les rapports de Human Rights Watch (juin 2013) et des Nations Unies. Les autorités marocaines n’ont en outre pas démontré leur volonté de mener véritablement à bien des enquêtes et de traduire en justice les auteurs de crimes.
Les deux gouvernements ont signé cet accord suite à une querelle diplomatique survenue après que plusieurs plaintes pour torture aient été déposées en France contre des responsables des services de sécurité marocains.
Le gouvernement français, soucieux de rétablir des bonnes relations avec le Maroc, entend faire adopter cet accord – de fait un projet d’amendement à la Convention d’entraide judiciaire – par le Parlement au plus vite, avant une rencontre bilatérale au plus haut niveau qui devrait avoir lieu au mois de juin prochain. Cet accord n’est pas encore publié mais il a été soumis au Conseil d’Etat pour avis.
« L’accord remet en cause l’engagement de la France à traduire en justice les personnes accusées des crimes les plus graves qui sont sur son sol sur la base de la compétence universelle et risque de mettre la France en violation de ses obligations internationales », déclare Leslie Haskell, conseillère juridique au programme de Justice internationale de Human Rights Watch.
« L’accord prévoit qu’un juge français chargé d’enquêter sur une infraction commise au Maroc devra prioritairement se dessaisir au profit de la justice marocaine et cela, même si la victime est française et même si le crime commis est aussi grave qu’un crime de torture », explique Nordine Drici, directeur des programmes à l’ACAT. « S’il s’agit d’affaires politiquement sensibles, la justice marocaine risquera de les classer sans suite et la victime de l’infraction sera alors en plus victime d’un déni de justice. »
« Le rétablissement des relations franco-marocaines, s’il est légitime, ne doit en aucun cas se faire au détriment du droit des victimes à un recours effectif devant un tribunal indépendant », déclare Geneviève Garrigos, Présidente d’Amnesty International France.
Etant donné les risques sérieux de violations des droits fondamentaux que comporte le projet d’accord franco-marocain, les trois ONG demandent aux parlementaires français d’interpeller rapidement le gouvernement sur le contenu de cet accord et d’exiger que sa teneur exacte ainsi que l’avis consultatif du Conseil d’État soient rendus public.
Enfin les ONG appellent la Commission Nationale Consultative des droits de l’Homme à se saisir du projet d’accord afin d’interpeller de la même façon tant le pouvoir exécutif que législatif.
Contexte :
La visite du premier ministre français au Maroc le 9 avril s’inscrit dans le cadre des efforts faits par la France suite à une crise diplomatique entre les deux pays. Celle-ci a fait suite à la convocation en février 2014 par la justice française du directeur de la Direction Générale de la Sécurité du Territoire (DGST) marocaine, Abdellatif Hammouchi, visé par une plainte pour complicité de torture déposées par l’ACAT et plusieurs personnes alléguant avoir subi des tortures de la part des services de sécurité marocains. Le Maroc avait alors suspendu les accords de coopération judiciaires franco-marocains.
Le 31 janvier 2015, la France et le Maroc ont rétabli leur coopération judiciaire en concluant un accord qui prévoit l’adoption de cet amendement à la convention d’entraide judiciaire et rétablissement de la coopération juridique et judiciaire entre la France et le Maroc.
En février, la France a aussi annoncé son intention d’élever M. Hammouchi au grade d’officier de la Légion d’honneur.
Le Parlement doit approuver cet accord pour qu’il entre en vigueur. Les parlementaires n’ont que deux solutions : rejeter ou approuver l’accord. Les ONG appellent le Parlement à mener les débats de façon transparente et à auditionner les organisations de la société civile.
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