Chez HSBC, on semble désormais croire, dur
comme fer à ce vieux dicton du bout du lac Léman, qui prétend qu’entre
une banque et une banque, il vient toujours s’en intercaler une
troisième. D’autant que, il faut bien le reconnaître, le 37 Quai
Wilson, l’ancien Hôtel Bellevue, sur lequel la banque avait jeté, en
première instance, son dévolu, ne faisait pas le poids en matière de
discrétion, pour une entreprise qui avait décidé de s’affranchir des
lois sur le blanchiment, histoire de ratisser aussi large que possible.
C’est donc tout naturellement au 9/17, Quai des Bergues, rien moins que cinq immeubles groupés face au lac Léman, que la Hong Kong & Shanghai Banking Corporation
a regroupé ses bureaux. Ici, les clients « prestigieux » ne risquent
de croiser ni foule, ni guichets, ni distributeurs automatiques de
billets, mais des huissiers en tenue d’apparat. Il faut bien ça, en ces
lieux où le marbre épouse dorures, stuc, bois précieux et moquettes
profondes. Mais n’allez surtout pas imaginer croiser une quelconque
vertu, dans ce luxe raffiné où la propreté frise l’asepsie. Car s’il
faut en croire Swissleaks, les avocats marrons
y introduisent les mafieux. Les gangsters y côtoient les directeurs de
cabinets. Les trafiquants de drogue y croisent des chefs d’Etat. Et les
rois y mettent leurs pas dans ceux des grands criminels. Tout ce petit
monde qui a depuis longtemps perdu le goût du travail acharné et du
salaire honnête, gagné à la sueur de son front est uni par le même
destin du fraudeur qui n’aspire qu’à dissimuler le butin de ses rapines.
Cette affaire du Quai des Bergues résonne comme un mauvais film. Il
n’y a pas si longtemps, Mohammed VI dissertait sur le patriotisme et se
faisait donneur de leçons. Il apparaît soudain sous son vrai jour. Son
nom, flanqué de ceux d’un aréopage de proches de la monarchie et couché
sur une liste où figurent de vulgaires criminels de droit commun. Le
plus sordide c’est d’imaginer les tractations ayant précédé l’ouverture
des comptes bancaires, les négociations à propos des commissions de
placement, les rétro-commissions aux intermédiaires véreux, les valises
de cash transformées en valises diplomatiques, les faux passeports, les
comptes numérotés à apprendre par cœur, les mots de passe à trouver, les
prête-noms et tout le reste. Tout ce qui fait la différence entre les
honnêtes gens et les autres. Entre les gouvernants vertueux et les
crapules. Entre les hommes d’État et les malfrats. En un mot entre
dignité et indignité.
Quel message envoie-t-on à ces millions de marocains chômeurs, à ces
laissés pour compte, à ces sans-noms, quand le chef de l’État appauvrit
son pays, pour enrichir des banquiers voyous ? Quel crédit donner à ce
prétendu appel citoyen aux marocains de l’étranger, les invitant à
rapatrier leurs devises, quand on sait que le chef de l’Etat, au
demeurant milliardaire, ira jongler avec leurs dollars, leurs francs
suisses et leurs Euros, dans les banques étrangères ?
Voilà pour le commentaire.
Sur les faits, on peut légitimement s’interroger sur les raisons qui
ont poussé les autorités françaises à livrer en pâture, le nom du roi,
de sa famille et de son entourage, alors qu’elles ont jugé nécessaire
de nettoyer la fameuse liste, de certains noms, avant de la transmettre à
la presse hexagonale, comme le souligne si bien Eric de Montgolfier, ancien procureur à Nice et le premier à avoir récupéré le fichier, au lendemain de l’interpellation d’Hervé Falciani,
par la gendarmerie de Menton. Même si Paris continue de fermer les yeux
sur les comptes détenus par Mohammed VI, dans les banques hexagonales
et sur les biens mal acquis de ce dernier, sur son territoire, ou
qu’elle décore le patron du contre-espionnage marocain, pour racheter la
convocation de ce dernier par la justice française début 2014, cet
« oubli » trahit le peu d’estime en laquelle l’Hexagone semble désormais
tenir le roi, dont il connaît tout de la cupidité et du peu de cas que
celui-ci fait de la chose politique ou du respect de ses compatriotes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire