par Sébastien Jédor, RFI, 29/4/2014
« Enfants des Nuages, la dernière colonie », un film produit par l'acteur espagnol Javier Bardem Chapeau Melon Distribution |
L'ONU devrait décider ce mardi
29 avril de prolonger le mandat de la Minurso, la mission des Nations
Unies pour un référendum au Sahara occidental. Depuis le retrait des
colons espagnols, en 1975, le Maroc a conquis la majeure partie de ce
territoire, alors que le Front Polisario, basé en Algérie, réclame
l'indépendance. La situation est enlisée dans les sables du désert et
c'est précisément ce que dénonce un film qui sort ce mercredi 30 avril
sur les écrans en France : Enfants des Nuages, la dernière colonie, produit par l'acteur espagnol Javier Bardem, qui a pris fait et cause pour les Saharaouis.
Sauf surprise, les Nations Unies
devraient prolonger ce mardi 29 avril le mandat de la Minurso sans
inclure de clause contraignante sur la protection des droits de l'Homme.
Les États-Unis et la France s'y opposent.
Pour Alvaro Longoria, le réalisateur d'Enfants des Nuages, la dernière colonie, les deux pays portent une lourde responsabilité dans le blocage de la situation au Sahara occidental. « Au fond, dans la politique internationale, il n’y a que cinq pays qui décident : ceux qui ont le droit de véto au Conseil de Sécurité de l’ONU. Et dans ce conflit, c’est la France qui a utilisé ce veto à plusieurs reprises, parfois de manière indirecte. Donc, c’est la seule, avec les États-Unis, qui peut trouver une réponse à cette anomalie historique et dépourvue de sens. Au regard des droits de l’homme, c’est une situation inacceptable pour tous. »
Interrogés dans Enfants des Nuages, plusieurs diplomates ne sont pas tendres avec le Maroc. Un ancien responsable de la Minurso dénonce les « escroqueries » marocaines pour « truquer » le référendum d'autodétermination… qui n'a jamais eu lieu.
L'ambassadeur français à l'ONU a refusé d'être filmé, mais ses propos sont rapportées par Javier Bardem : « La relation France-Maroc, c'est comme une relation amoureuse, il y a des choses que l'on n'apprécie pas chez l'autre, mais on est obligé de défendre cette personne ». Lors de la présentation du film, le Maroc a fustigé des déclarations « blessantes et inadmissibles », mais aucun officiel du royaume n'a accepté de témoigner lors du tournage d'Enfants des Nuages, la dernière colonie.
«Enfants de nuages, la dernière colonie » : le conflit oublié du Sahara occidental
RÉCIPIENDAIRE D'UN GOYA EN 2013
Ce film engagé, récipiendaire d'un Goya en 2013 (l'équivalent de nos César en Espagne) affiche une volonté pédagogique manifeste, qui prime sur une forme qu'on aurait aimé plus ambitieuse. La narration vient en renfort d'images d'archives et de témoignages bouleversants de victimes de la répression marocaine. Elle donne aussi au film son caractère violemment émotionnel. Impossible de ne pas être scandalisé, au terme de la projection, par la condition terrible de ce peuple, dont le vaste territoire est au centre de toutes les revendications.
Le Sahara occidental fut, jusqu'en 1976, une colonie espagnole. Depuis quarante ans, la région est à l'origine d'un conflit entre le Maroc, convaincu de sa souveraineté, et de l'Algérie qui a apporté son soutien au Front Polisario, constitué d'indépendantistes.
Les opposants au gouvernement marocain continuent de subir une répression violente, dans le plus grand mépris des droits de l'homme.
Depuis 2008, l'acteur espagnol Javier Bardem (dont la mère œuvrait avant lui en direction des femmes sahraouies), est allé à la rencontre des hommes politiques du monde entier pour les rallier à cette cause, ce que montre le documentaire.
CONJURER LEUR DOULEUR DE PEUPLE DÉRACINÉ
On voit, à ce titre, l'acteur prendre la parole à l'ONU. Il partage également le quotidien de réfugiés sahraouis, en vivant avec eux dans leur camp. Pour conjurer leur douleur de peuple déraciné, il leur a organisé un festival de cinéma, auquel prit part l'actrice Victoria Abril, la narratrice du film. Mais l'acteur, oscarisé pour son rôle dans No Country for Old Men des frères Coen, n'entend pas se servir de ce combat pour sa gloriole personnelle.
Humblement, il s'efface derrière des personnalités comme Aminatou Haidar, une militante sahraouie, qui fut séquestrée et torturée par la police marocaine, à maintes reprises. Le film n'occulte rien des compromis diplomatiques et des défaillances politiques. Il renvoie surtout chaque spectateur à sa conscience de citoyen.
Enfants de nuages, la dernière colonie, documentaire espagnol de Alvaro Longoria avec Javier Bardem, Carlos Bardem, Elena Anaya. (1 h 20)
Pour Alvaro Longoria, le réalisateur d'Enfants des Nuages, la dernière colonie, les deux pays portent une lourde responsabilité dans le blocage de la situation au Sahara occidental. « Au fond, dans la politique internationale, il n’y a que cinq pays qui décident : ceux qui ont le droit de véto au Conseil de Sécurité de l’ONU. Et dans ce conflit, c’est la France qui a utilisé ce veto à plusieurs reprises, parfois de manière indirecte. Donc, c’est la seule, avec les États-Unis, qui peut trouver une réponse à cette anomalie historique et dépourvue de sens. Au regard des droits de l’homme, c’est une situation inacceptable pour tous. »
Interrogés dans Enfants des Nuages, plusieurs diplomates ne sont pas tendres avec le Maroc. Un ancien responsable de la Minurso dénonce les « escroqueries » marocaines pour « truquer » le référendum d'autodétermination… qui n'a jamais eu lieu.
L'ambassadeur français à l'ONU a refusé d'être filmé, mais ses propos sont rapportées par Javier Bardem : « La relation France-Maroc, c'est comme une relation amoureuse, il y a des choses que l'on n'apprécie pas chez l'autre, mais on est obligé de défendre cette personne ». Lors de la présentation du film, le Maroc a fustigé des déclarations « blessantes et inadmissibles », mais aucun officiel du royaume n'a accepté de témoigner lors du tournage d'Enfants des Nuages, la dernière colonie.
«Enfants de nuages, la dernière colonie » : le conflit oublié du Sahara occidental
par Sandrine Marques, Le Monde.fr, 29.04.2014
Ce documentaire ne nous est pas parvenu sans heurts. Sa sortie sur le territoire français est restée longtemps incertaine, en raison de son sujet politique sulfureux : le sort du peuple sahraoui et son droit à l'autodétermination. Face à d'éventuelles frictions diplomatiques - qu'il n'a d'ailleurs pas manqué de susciter, la France étant directement mise en cause dans le film pour sa collusion avec le Maroc -, les distributeurs hypothétiques se sont montrés frileux.
Ces tensions se sont exprimées encore plus vivement lors de la venue à Paris, en février, de l'acteur Javier Bardem. Porte-parole de la cause sahraouie, il est venu accompagné d'une délégation, afin d'interpeller le monde politique français et la presse sur le scandale, lié à ce peuple abandonné de tous. A ses côtés se tenait Alvaro Longoria, le réalisateur du film, plus connu pour ses activités de producteur. Il a, dans ce cadre, financé les deux volets du Che de Steven Soderbergh, avant de passer pour la première fois à la réalisation avec Enfants des nuages.RÉCIPIENDAIRE D'UN GOYA EN 2013
Ce film engagé, récipiendaire d'un Goya en 2013 (l'équivalent de nos César en Espagne) affiche une volonté pédagogique manifeste, qui prime sur une forme qu'on aurait aimé plus ambitieuse. La narration vient en renfort d'images d'archives et de témoignages bouleversants de victimes de la répression marocaine. Elle donne aussi au film son caractère violemment émotionnel. Impossible de ne pas être scandalisé, au terme de la projection, par la condition terrible de ce peuple, dont le vaste territoire est au centre de toutes les revendications.
Le Sahara occidental fut, jusqu'en 1976, une colonie espagnole. Depuis quarante ans, la région est à l'origine d'un conflit entre le Maroc, convaincu de sa souveraineté, et de l'Algérie qui a apporté son soutien au Front Polisario, constitué d'indépendantistes.
Les opposants au gouvernement marocain continuent de subir une répression violente, dans le plus grand mépris des droits de l'homme.
Depuis 2008, l'acteur espagnol Javier Bardem (dont la mère œuvrait avant lui en direction des femmes sahraouies), est allé à la rencontre des hommes politiques du monde entier pour les rallier à cette cause, ce que montre le documentaire.
CONJURER LEUR DOULEUR DE PEUPLE DÉRACINÉ
On voit, à ce titre, l'acteur prendre la parole à l'ONU. Il partage également le quotidien de réfugiés sahraouis, en vivant avec eux dans leur camp. Pour conjurer leur douleur de peuple déraciné, il leur a organisé un festival de cinéma, auquel prit part l'actrice Victoria Abril, la narratrice du film. Mais l'acteur, oscarisé pour son rôle dans No Country for Old Men des frères Coen, n'entend pas se servir de ce combat pour sa gloriole personnelle.
Humblement, il s'efface derrière des personnalités comme Aminatou Haidar, une militante sahraouie, qui fut séquestrée et torturée par la police marocaine, à maintes reprises. Le film n'occulte rien des compromis diplomatiques et des défaillances politiques. Il renvoie surtout chaque spectateur à sa conscience de citoyen.
Enfants de nuages, la dernière colonie, documentaire espagnol de Alvaro Longoria avec Javier Bardem, Carlos Bardem, Elena Anaya. (1 h 20)
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