A Son Excellence,
M. John Kerry,
Secrétaire d’Etat américain
Objet : Etat des lieux des droits humains
des citoyens et populations amazighs au Maroc
Excellence,
Nous avons l’honneur de vous souhaiter la
bienvenue à notre région de Tamazgha (Afrique du Nord) et nous profitons de
votre présence au Maroc pour attirer votre attention sur les violations des
droits humains en ce qui concerne les citoyens amazighs, (populations
autochtones), en vous demandant de vous pencher sur cet épineuse question avec
les autorités marocaines.
Monsieur le Secrétaire
d’Etat,
L’examen de l’évolution des droits des
imazighen (berbers) au Maroc est assez décevant. Dans ce sens, nous vous
exprimons notre profonde déception quant au recul de l’Etat et du gouvernement
marocains en ce qui concerne leurs engagements suite aux revendications du
Mouvement de la jeunesse du vingt février 2011, notamment la reconnaissance,
dans la constitution marocaine, de l’Amazighe en tant que langue officielle pour
tous les Marocains. En dépit du temps passé, deux années et neuf mois, les
principes constitutionnels qui devaient être traduits sous forme de lois
organiques, de décrets, arrêtés et circulaires d’applications, comme la loi
organique devant consacrer le caractère officiel de la langue amazighe, ainsi
que la loi organique devant préciser le droit à l’autonomie des régions n’ont
pas encore vu le jour.
Excellence,
Exception faite de quelques déclarations
politiques de forme et la récente circulaire autorisant les prénoms amazighs,
nous continuons à constater la perpétuation de la discrimination et de la
ségrégation contre l’amazighité et les Amazighs au Maroc. Ainsi, à titre
d’exemple :
- Interdiction de l’utilisation de
l’amazighe, à l’écrit et à l’oral, au sein des différentes institutions de
l’Etat marocain, dont le parlement ;
- Absence de la langue amazighe et de son
écriture dans les nouvelles monnaies nationales ;
- Absence d’évolution dans le dossier de
l’apprentissage de l’amazighe, et le frein à sa généralisation dans
l’enseignement primaire et secondaire ;;
- Absence d’intégration de l’amazigh dans
les programmes de l’alphabétisation des adultes et dans la
formation ;
- Frein d’intégration de l’amazigh dans les
médias audio-visuels et absence totale de politique de « discrimination
positive », sachant que la langue amazighe a été privée de jouir de ses droits
depuis l’indépendance du pays, soit depuis cinquante huit ans ;
- Les prisonniers politiques amazighs,
notamment Mustapha Oussaya et Hamid Aadouch continuent à être incarcérés à la
prison de Meknès, sans que le Conseil Consultatif des Droits Humains, ni le
ministère de la Justice s’en préoccupent pour ouvrir de nouveau leur dossier
juridique caractérisé par de graves anomalies ;
- Diverses promotions de diplômés amazighs
dans différents domaines et en langue amazighe sont confinées au chômage et
subissent de continuelles répressions policières devant le parlement, à l’instar
des sévices contres des enseignants.
- La ségrégation continue à persister en ce
qui concerne le soutien de l’Etat au cinéma, à l’art, aux journaux, à la
culture, aux auteurs amazighs et aux associations... A propos de ce dernier
point, le sit in que notre ONG, l’Assemblée Mondiale Amazighe voulait organiser
à la frontière algéro-marocaine, le 9 février dernier, en solidarité avec les
populations amazighes du Mzab algérien et en faveur de l’ouverture des
frontières, a été formellement interdite par les autorités marocaines par
écrit ;
- A ce jour, le bilan du gouvernement en
cours est très négatif en ce qui concerne la question amazighe. En outre, durant
le mandat des derniers gouvernements conservateurs, on a pu relever des
décisions racistes, des pratiques ségrégationnistes et des répressions inédites
contre les populations Amazighs (Ayt Bu Ayache/Imzuren, Tinghir, Imider, Ayt
Sgugu à Mrirt, Ait Baha au sud, Targuist…) ;
- La continuation de la spoliation des
terres collectives des tribus amazighes par des décrets de l’époque
coloniale;
- Malgré le rapport accablant du Conseil
de l’Europe (CDE) qui dénonce la corruption généralisée au Maroc, placé à la
91e place dans l’Indice de perception de la Corruption, le
gouvernement marocain continue à être sourd à ces rapports. Par exemple, il
insiste à maintenir à son poste M. Ahmed Lahlimi Alami, Haut
Commissaire au Plan, et il le charge de diriger l’opération de nouveau
recensement de la population en septembre prochain. (Ce monsieur, mis en cause
par le rapport de Driss Jettou, président de la Cour des Comptes, dans le
détournement des fonds publics, est très connu pour son penchant discriminatoire
anti-amazigh, du fait de son appartenance idéologique à une formation politique,
liée au défunt Mehdi Ben Barka, qui selon les mémoires de Mahjoubi Aherdan, est
mis en cause dans l’assassinat d’Abbass Messaadi, le chef amazigh de l’armée de
libération. M. Ahmed Lahlimi, du fait de sa profonde haine envers les
autochtones, a falsifié délibérément le nombre des amazighophones, en les
réduisant à un chiffre dérisoire de 28,4 % de la population lors de recensement
de 2004, soit moins de 8 millions et demi de la population, alors que la
communauté amazighs constitue la majorité !!!
En vous remerciant de votre diligence à
interpeller les autorités marocaines afin qu’elles changent de cap et respectent
effectivement les droits humains en général dont ceux des citoyens et
populations amazighs, veuillez agréer, Excellence, l’assurance de notre
considération fort distinguée.
Signé: Rachid RAHA
Président et chargé des Relations
Internationales de l’AMA
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