12/3/2014
La ministre parle de futures "communications"
entre le consul et le concerné. Sa "situation est satisfaisante", le
ministre le sait via son homologue marocain. Lui a-t-il aussi confirmé
les faits de torture établis par l’ONU ? Cessons de jouer, il s’agit de
la vie d’un homme.
04 Question de
Mme Zoé Genot au vice-premier ministre et ministre des Affaires
étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes sur
"l’étendue de la protection consulaire de l’État belge aux citoyens
belges détenus à l’étranger" (n° 22164)
04.01 Zoé Genot (Ecolo-Groen) : Monsieur le
président, monsieur le ministre, le cas de M. Ali Aarrass, ressortissant
belge torturé, condamné iniquement et détenu au Maroc a déjà été évoqué
à plusieurs reprises. Permettez-moi d’y revenir une nouvelle fois.
Au cours de la séance de la commission des Relations extérieures du
29 janvier 2014, vous avez indiqué que rien ne vous empêchait
d’intervenir dans un cadre humanitaire.
Pourriez-vous indiquer quelle différence vous faites entre protection
consulaire et protection humanitaire ? Pourriez-vous expliquer pour
quelle raison vous n’intervenez pas en termes humanitaires en faveur de
M. Aarrass ? Dans un tel cas, vous paraît-il approprié, raisonnable ou
judicieux de vous fier totalement à ce que vous a indiqué votre
homologue marocain, alors même qu’il s’agit d’un membre du gouvernement
qui a fait torturer Ali Aarrass ? Ses propos vous paraissent-ils
crédibles ? Justifient-ils la fin de votre intervention ?
Au cours de cette même séance, vous avez réaffirmé refuser d’assurer
la protection consulaire à M. Aarrass, justifiant votre position par la
Convention de La Haye. Le tribunal de première instance siégeant en
référé vient de rendre une ordonnance exposant : "La protection
consulaire vise principalement la protection des droits individuels à
l’étranger. Elle doit être entendue comme un mécanisme visant à ce que
les droits reconnus à un individu puissent être effectivement garantis
(…). La protection consulaire est donc de nature à contribuer au respect
des droits fondamentaux, comme celui garanti à l’article 3 de la
Convention européenne des Droits de l’homme (...). Un agent consulaire a
le droit de communiquer avec son ressortissant mais ce droit peut se
transformer en obligation (…). L’article 4 de la Convention de La Haye
(…) ne règle pas les droits des parties au litige puisque le Maroc n’a
pas ratifié ladite Convention (…). Prima facie, il n’existe aucune règle
de droit international qui contraint l’État belge à ne pas intervenir
dans le cas d’un binational (...)."
Le tribunal vous a enjoint d’accorder l’assistance consulaire à
M. Aarrass. Quelles sont les instructions que vous avez adressées à
notre poste diplomatique et consulaire à Rabat pour mettre à exécution
la décision judiciaire du 3 février 2014 ? Selon quelles modalités
concrètes l’assistance consulaire belge sera-t-elle apportée à notre
compatriote ? Dans quel délai ? Avec quelle fréquence ? Pendant combien
de temps, etc. ? Quelles sont les facilités que vous avez obtenues des
autorités marocaines pour donner à cette assistance consulaire sa pleine
efficacité ?
04.02 Didier Reynders, ministre : Monsieur le
président, madame Genot, l’assistance consulaire est plus étendue que
l’assistance humanitaire. Elle pourrait comporter entre autres des
visites au détenu, l’aide dans le choix d’un avocat, des contacts avec
la famille du détenu. L’assistance humanitaire peut également s’exercer
pour une personne qui n’a pas la nationalité belge, par exemple en cas
de non-respect des droits de l’homme, ce que nous faisons dans un
certain nombre de cas à travers le monde.
Dans ce cadre, je suis intervenu pour M. Ali Aarrass en août 2013
après sa grève de la faim. À la suite de cette intervention, il a été
confirmé que la situation de M. Aarass était satisfaisante. Je parle des
conditions de détention.
Les propos de mon homologue marocain me paraissent crédibles étant
donné qu’ils ont été confirmés par le Conseil national des Droits de
l’homme marocain, organisme indépendant, qui a en outre envoyé des
représentants rendre visite à M. Aarrass. Des suites ont donc été
données à cette intervention humanitaire.
Pour ce qui est de l’ordonnance du tribunal de première instance de
Bruxelles, outre le fait que nous avons interjeté appel car nous ne
partageons pas du tout l’analyse sur deux points de droit, cette
ordonnance stipule que M. Ali Aarrass doit pouvoir, s’il en fait la
demande, communiquer avec le consul belge sur place. Instruction a été
donnée à notre ambassade à Rabat de mettre M. Aarrass en mesure de
communiquer avec l’ambassade. En fonction de ses doléances, il sera
examiné avec quelle fréquence cette communication devra avoir lieu.
04.03 Zoé Genot (Ecolo-Groen) : Monsieur le ministre, je suis étonnée par la fin de votre réponse.
Je savais que vous aviez fait appel. J’ai lu le jugement du tribunal
de première instance. Pour moi, il était clair que M. Aarrass devait
recevoir une assistance. Dire qu’on va s’arranger pour mettre en place
une communication me paraît peu respectueux de l’ordonnance. Je suis
étonnée que rien n’ait encore été fait. Cela signifie qu’outre le fait
de devoir aller en justice, il faut prévoir des mesures exécutoires pour
forcer l’État belge à exécuter les jugements des tribunaux belges, que
ce soit l’esprit ou la lettre de ces décisions !
[Chambre des représentants – Commission des Relations extérieures -
Réunion du 11 mars 2014 – Extrait du compte rendu intégral (CRIV 53 – COM 0945)]Lire aussi ma dernière question au ministre Reynders sur la protection diplomatique d’un citoyen belgo-marocain.
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