Reuters le 12/03/2014
L'ÉTHIQUE DE TOTAL AU SAHARA OCCIDENTAL SOUS LA LOUPE
par Gwladys Fouche
OSLO (Reuters) - Le fonds souverain norvégien se penche sur les
activités de Total au Sahara occidental, une région que se disputent le
Maroc et les indépendantistes sahraouis, pour déterminer si le groupe
pétrolier français respectent ses règles en matière d'investissement
éthique.
Le fonds, chargé de faire fructifier les revenus de l'exploitation
des réserves pétrolières et gazières norvégiennes, gère un portefeuille
de plus de 600 milliards d'euros, ce qui en fait l'un des principaux
investisseurs du monde.
Mais sa politique consiste à n'investir que dans des entreprises
qu'il juge éthiques, ce qui l'a déjà conduit à exclure 63 sociétés
cotées parmi lesquelles figurent par exemple des fabricants d'armes
nucléaires, de mines antipersonnel ou de produits du tabac.
Actionnaire d'environ 8.200 entreprises, le fonds possède 2,06% du
capital de Total, ce qui en fait le quatrième actionnaire de la
compagnie.
"Nous suivons attentivement le travail de Total au Sahara
occidental", a déclaré Ola Mestad, un professeur de droit qui préside le
comité d'éthique du fonds depuis 2010.
Total a déclaré à Reuters que ses "activités offshore au Sahara
occidental, comme dans d'autres régions où nous opérons, sont en ligne
avec le droit et les standards internationaux applicables figurant dans
notre Code de conduite, en particulier ceux liés aux droits humains."
DES PRÉCÉDENTS AU SAHARA OCCIDENTAL
Ola Mestad a expliqué que dans le cas du Sahara occidental, la
préoccupation première était d'assurer la protection des intérêts des
populations locales, dont une part importante est déplacée ou vit en
exil.
Total a obtenu en 2011 du Maroc une licence d'exploration pétrolière
et gazière au Sahara occidental, territoire dont la décision de Rabat de
l'annexer en 1975 avait déclenché un affrontement armé avec les
séparatistes. Un cessez-le-feu a été conclu en 1991 sous l'égide de
l'Onu prévoyant la tenue d'un référendum sur l'avenir du territoire. Ce
vote n'a jamais eu lieu.
Le comité d'éthique du fonds norvégien a recommandé dans le passé
l'arrêt des investissements dans certaines entreprises en raison de leur
présence au Sahara occidental.
En 2005, le fonds a ainsi vendu sa participation dans la compagnie
pétrolière Kerr McGee car le comité d'éthique considérait que les
travaux d'exploration offshore de celle-ci dans la région appuyait les
revendications marocaines sur la souveraineté du territoire. Kerr McGee
n'a pas renouvelé son contrat l'année suivante.
En 2011, le fonds a cédé ses parts dans Potash Corporation of
Sasktchewan et dans FMC Corporation parce qu'ils achetaient du phosphate
au Sahara occidental.
En décembre, Total a signé une déclaration commune avec l'Office
national marocain des hydrocarbures et des mines dans laquelle ce
dernier affirmait son engagement à respecter les principes de la Charte
des Nations unies sur les droits de l'homme.
Total a aussi signé un protocole d'accord sur sa responsabilité sociale d'entreprise.
Le fonds souverain norvégien, dont le comité d'éthique publie
mercredi son rapport annuel 2013, va également étudier cette année le
cas des compagnies pétrolières et gazières opérant dans des pays
présentant un risque de corruption, a précisé Ola Mestad.
Il a ajouté que le fonds pourrait aussi sortir du capital
d'entreprises textiles violant les droits des travailleurs, et a évoqué
la possibilité d'exclure des entreprises liées à la destruction des
forêts ou à des activités de pêche nuisibles à l'environnement.
Le comité d'éthique est indépendant de la direction du fonds. Il fait
des recommandations au ministère des Finances, qui donne lui-même des
instructions aux gestionnaires du fonds.
(Marc Angrand pour le service français, édité par Dominique Rodriguez)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire