Par Youssef Jebri, Agoravox, décembre 2013.
Depuis le milieu des années 1970. le Maroc et
le Front Populaire pour la libération de Saguia El Hamra et du Rio de
Oro (Front Polisario) se disputent le territoire du Sahara occidental.
En 1991, après près de deux décennies de conflit armé, un cessez-le-feu
est signé. Depuis lors, et en dépit de l'arrêt des combats, aucune
solution politique acceptée par les deux parties n'a pu être adoptée.
Retour sur ce conflit.
Sahara occidental : un échec onusien
Depuis le milieu des années 1970, le Maroc et le Front populaire de
libération de Saguia El Hamra et du Rio de Oro, dit Front Polisario, se
disputent le Sahara occidental. En 1991, après près de deux décennies de
conflit armé et l’annexion par le Maroc des trois quarts du territoire
du Sahara occidental, un accord de cessez-le-feu est signé par les deux
belligérants. L’adoption, la même année, par le Conseil de sécurité de
l’Organisation des Nations unies (ONU) de la résolution 690 permet le
déploiement des Casques bleus de la Mission des Nations unies pour un
référendum au Sahara occidental (MINURSO).
La MINURSO se voit charger de veiller au respect du cessez-le-feu
par les deux parties et, surtout, comme l’indique son nom, de préparer
et organiser un référendum d’autodétermination, dont la tenue est fixée
pour l’année de suivante. Mais bien vite, les désaccords entre les
autorités marocaines et le Front Polisario, au sujet notamment des
critères d’identification et de composition du corps électoral se
révèlent des obstacles rédhibitoires à la tenue du scrutin référendaire.
En mai 1996, après plusieurs vaines tentatives de médiation, le
secrétaire général de l’ONU annonce l’arrêt du processus
d’identification des votants mené par la MINURSO et, conséquence
immédiate, celle-ci voit ses effectifs réduits. Après avoir compté plus
de 1 000 membres au sein de son effectif, la mission onusienne ne se
compose plus, au 31 octobre, que de 243 personnes, dont le Commandant de
la force et le personnel médical (chiffres communiqués par la MINURSO).
En 2013, après vingt-deux ans de présence sur le terrain, la mission
onusienne n’a toujours pas atteint l’objectif qui lui fut initialement
fixé, à savoir l’organisation d’un référendum d’autodétermination. De
l’aveu même de l’actuel secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon, les
Casques bleus se contentent de veiller au respect du cessez-le-feu
(Rapport 2013 du secrétaire général au Conseil de sécurité, S/2013/220).
Depuis l’accession au trône du roi Mohammed VI (1999), le
Maroc rejette l’idée de l’organisation d’un référendum
d’autodétermination. En visite à Lâayoune – la capitale administrative
et économique du Sahara occidental sous contrôle marocain -, le
souverain alaouite déclare, le 6 mars 2002 : « Le Maroc ne renoncera pas à un seul pouce de son Sahara, inaliénable et indivisible ». (Dépêche Maghreb Agence Presse (MAP),
6 mars 2002) Désormais, les autorités marocaines proposent l’octroi
d’un statut de région autonome pour le Sahara occidental. S’il devait
accepter la tenue d’un scrutin référendaire, le Maroc ne l’envisagerait
qu’au sujet de ce statut d’autonomie, à savoir son rejet ou son
acceptation. De son côté, le Front Polisario demeure viscéralement
attaché au principe d’autodétermination.
Conscient de ces positions divergentes, le Conseil de sécurité
enjoint – enfin ! –, le 30 avril 2007, les deux parties à négocier « de bonne foi, sans condition préalable »
(résolution 1754). Ainsi pendant cinq années, des rencontres sont
organisées entre les deux parties sous l’égide des Nations unies.
Toutefois, là encore, les positions opposées et inconciliables des deux
parties rendent ces réunions infructueuses, voire stériles. Ban Ki Moon
concède qu’« aucune des parties n’a accepté la proposition de
l’autre en tant que seule base de négociation et aucune n’a pris à ce
jour des mesures qui indiquerait qu’elle est disposée à avancer sur la
voie d’un compromis acceptable. » (Rapport 2011 du SG au Conseil de sécurité, S/2011/149). Il dénonce l’attitude des autorités marocaines pour qui les « pourparlers […] sont destinés à négocier les détails de [leur] proposition d’autonomie. »
(Rapport 2012 du SG au Conseil de sécurité, S/2012/197). Ban Ki Moon
pointe également du doigt l’atmosphère dans laquelle se déroule les
réunions et souligne que « le processus de négociation reste
caractérisé par un manque total de confiance, et chaque partie se méfie
profondément de l’autre ». (Rapport 2011 du SG au Conseil de
sécurité S/2011/149). Aveu d’échec, Christopher Ross, l’envoyé spécial
du secrétaire général au Sahara occidental, décide, le 29 novembre 2012,
de mettre un terme aux réunions bilatérales.
Au vrai, depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu et le
déploiement des Casques bleus, la situation n’a guère évolué sur le
terrain. Dans la partie contrôlée par le Maroc, les Sahraouis qui osent
exprimer leurs revendications indépendantistes sont systématiques
victimes de la répression de l’appareil sécuritaire marocain. Les
Sahraouis installés, depuis des décennies, dans des camps de réfugiés
près de Tindouf (sud-ouest algérien) continuent de vivre dans des
conditions humanitaires précaires. Chaque mois, le Programme alimentaire
mondial (PAM) distribue 90 000 rations alimentaires aux réfugiés
sahraouis les plus vulnérables. À l’instar des sahraouis vivants dans la
partie du territoire sous contrôle marocains, les réfugiés des camps de
Tindouf doivent épouser, sous peine de représailles, les idées du Front
Polisario.
Bien qu’il soit le théâtre d’un des conflits les plus longs depuis
la Seconde guerre mondial, le Sahara occidental ne fait que par trop
rarement la une des médias internationaux Un, deux articles par-ci,
quelques dépêches bien trop brèves par-là, on n’évoque le Sahara
occidental que de loin en loin, à l’occasion d’une manifestation de
sahraouis violemment réprimée par les autorités marocaines. Avec un
cessez-le-feu relativement bien respecté par les deux belligérants,
l’absence de combats et de victimes sur le champ de bataille, ce conflit
ne peut pas plaire aux metteurs en scène de la politique
internationale. Né dans la seconde moitié du XXe siècle du
processus de décolonisation (l’Espagne quitte le Sahara occidental en
1975), au plus fort de la période de la guerre, ayant survécu à la chute
du bloc de l’Est, ce conflit laisse perplexe, déstabilise les analystes
et les observateurs. Ils n’arrivent pas à comprendre et d’aucuns y
voient que le fruit de rivalités entre deux puissances régionales : le
Maroc et l’Algérie.
En attendant, depuis bientôt quarante ans, des milliers de familles
vivent séparées, les jeunes dans les camps de réfugiés sont pour une
grande majorité inactifs, sans espoirs et ne rêvent plus, depuis fort
longtemps, de lendemains meilleurs.
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/sahara-occidental-un-echec-onusien-145271
Sur le même thème
Maroc : que faire avec Alger ?Vers une autonomie administrative du Masisi en RD Congo ?
Frères ennemis
La dynamique ivoiro-burkinabé: une leçon de cosmopolitisme aux Africains
Alliance de Madrid et Buenos Aires contre Londres : La fausseté de la théorie du « Monde multipolaire » de nouveau démontrée
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire