VU DE GUINÉEUne prière pour les migrants de Lampedusa
Sur l'île de Lampedusa, le pape François a rendu hommage aux milliers de migrants venus s'échouer sur les côtes de l'Europe. En Afrique, la visite a été perçue comme une "parabole" pour célébrer "la fraternité et la solidarité entre les hommes".
Le pape François se recueille après avoir déposé une gerbe de fleurs en hommage aux migrants morts en mer.- Photo AFP.
Une couronne de chrysanthèmes jaunes et blancs jetée à la mer par le pontife catholique, en hommage aux 19 000 morts au cours des vingt dernières années, durant lesquelles près de 200 000 migrants ont foulé le sol de cette pointe avancée qu’est l’île de Lampedusa, "l’une des principales portes d'entrée en Europe".
Oui, le pape a pris la mer comme pour vivre le drame de nombreux migrants à travers le monde, Somaliens, Ethiopiens, Afghans, Irakiens, Syriens et autres ; mais surtout celui de milliers d'Africains, car les arrivées en 2013 à Lampedusa ont déjà dépassé les 4 000 migrants, soit trois fois plus qu’en 2012 [à la même période] !
Plus de 10 000 personnes, des migrants en majorité, s'étaient massées dans le petit stade ce 8 juillet, pour voir et écouter le pape François, cet Argentin, lui-même fils d’émigré italien. Mais comme pour narguer cette visite historique, un nouveau bateau de 166 migrants y était conduit au matin du 8 juillet, peu avant l’arrivée du chef de l’Eglise romaine…
En quête de bonheur
C’est d’abord sur une vedette des garde-côtes que le pape se rend à la "porte de l'Europe", ce monument-mémoire édifié en souvenir de tous les naufragés en quête de bonheur, puis ce fut la visite du quai où les réfugiés sont conduits après leurs dramatiques aventures. Le message pontifical est fait d'amour, d’amour du prochain, de quête du bonheur partagé, de combat de l’égoïsme des riches, de l'indifférence de l’Occident.
Ses mots sont forts, prononcés la main sur le cœur, mais avec "une épine dans le cœur qui provoque la souffrance". Il rappelle à tous : "Nos frères et sœurs cherchaient à sortir de situations difficiles pour trouver un peu de sérénité et de paix, un endroit meilleur pour eux et leur famille, mais ils ont trouvé la mort…"
Le pape François s'indigne et fustige la lâcheté des hommes : "Qui est responsable du sang de ces frères et sœurs ? Personne ! Nous répondons tous ainsi : ce n'est pas moi, c'est sans doute quelqu'un d'autre (...), nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle." Il a raison, le pape François. En effet, le centre de Lampedusa, qui accueille aujourd’hui quelque 6 000 migrants, a été bâti à l’origine pour héberger seulement quelque 380 personnes ; c’est dire que les conditions de vie y sont aléatoires et inhumaines, tout simplement.
Un voyage à la fois symbole et parabole
La loi du nombre et celle l’espace ne font pas bon ménage en ces lieux où les campements pullulent. Le voyage du pape François est à la fois symbole et parabole. Symbole par sa nature humaine et historique ; parabole par la valeur morale du modèle qui enseigne, à l’image du Christ, la force de l’amour qui est vérité, simplicité et chemin d’éternité.
En priant pour tous les morts victimes de la mer — "prions pour ceux qui aujourd’hui ne sont pas là" —, le pape nous invite à plus de solidarité, à la fraternité. Puisse l’exemple du "pape des pauvres" nous enrichir de sa simplicité, pour que notre quotidien soit différent, afin que nos indifférences habituelles se métamorphosent en quête de l’autre. Au-delà des mers. Vers les rivages d’une nouvelle fraternité humaine. Amen.
Oui, le pape a pris la mer comme pour vivre le drame de nombreux migrants à travers le monde, Somaliens, Ethiopiens, Afghans, Irakiens, Syriens et autres ; mais surtout celui de milliers d'Africains, car les arrivées en 2013 à Lampedusa ont déjà dépassé les 4 000 migrants, soit trois fois plus qu’en 2012 [à la même période] !
Plus de 10 000 personnes, des migrants en majorité, s'étaient massées dans le petit stade ce 8 juillet, pour voir et écouter le pape François, cet Argentin, lui-même fils d’émigré italien. Mais comme pour narguer cette visite historique, un nouveau bateau de 166 migrants y était conduit au matin du 8 juillet, peu avant l’arrivée du chef de l’Eglise romaine…
En quête de bonheur
C’est d’abord sur une vedette des garde-côtes que le pape se rend à la "porte de l'Europe", ce monument-mémoire édifié en souvenir de tous les naufragés en quête de bonheur, puis ce fut la visite du quai où les réfugiés sont conduits après leurs dramatiques aventures. Le message pontifical est fait d'amour, d’amour du prochain, de quête du bonheur partagé, de combat de l’égoïsme des riches, de l'indifférence de l’Occident.
Ses mots sont forts, prononcés la main sur le cœur, mais avec "une épine dans le cœur qui provoque la souffrance". Il rappelle à tous : "Nos frères et sœurs cherchaient à sortir de situations difficiles pour trouver un peu de sérénité et de paix, un endroit meilleur pour eux et leur famille, mais ils ont trouvé la mort…"
Le pape François s'indigne et fustige la lâcheté des hommes : "Qui est responsable du sang de ces frères et sœurs ? Personne ! Nous répondons tous ainsi : ce n'est pas moi, c'est sans doute quelqu'un d'autre (...), nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle." Il a raison, le pape François. En effet, le centre de Lampedusa, qui accueille aujourd’hui quelque 6 000 migrants, a été bâti à l’origine pour héberger seulement quelque 380 personnes ; c’est dire que les conditions de vie y sont aléatoires et inhumaines, tout simplement.
Un voyage à la fois symbole et parabole
La loi du nombre et celle l’espace ne font pas bon ménage en ces lieux où les campements pullulent. Le voyage du pape François est à la fois symbole et parabole. Symbole par sa nature humaine et historique ; parabole par la valeur morale du modèle qui enseigne, à l’image du Christ, la force de l’amour qui est vérité, simplicité et chemin d’éternité.
En priant pour tous les morts victimes de la mer — "prions pour ceux qui aujourd’hui ne sont pas là" —, le pape nous invite à plus de solidarité, à la fraternité. Puisse l’exemple du "pape des pauvres" nous enrichir de sa simplicité, pour que notre quotidien soit différent, afin que nos indifférences habituelles se métamorphosent en quête de l’autre. Au-delà des mers. Vers les rivages d’une nouvelle fraternité humaine. Amen.
MONDE - 8/7/2013
Lampedusa. "Le pape devrait agir sur les politiques migratoires des Etats du nord"
En visite sur l'île italienne de Lampedusa, le pape François a fustigé "l'indifférence" du monde au sort des migrants. Documentariste et auteur du webdoc Osons savoir sur les migrations en Méditerranée, Jérémy Cheong Chi Mo appelle le pape à faire pression sur les Etats pour changer de politique des flux migratoires.
Rappel des faits:
Le pape François a célébré une messe devant 10.000 personnes dans le petit stade de Lampedusa, en hommage aux milliers de personnes mortes en tentant de traverser la Méditerranée. Ces derniers jours, les garde-côtes italiens et maltais ont sauvé plus de 800 migrants, venus pour l'essentiel de Libye.
Dans son homélie, le pape a fustigé l'indifférence face au sort des "immigrés morts en mer, sur ces bateaux qui, au lieu d'être un chemin de l'espérance, ont été une route vers la mort". "Nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle", "la culture du bien-être nous rend insensibles aux cris d'autrui (...) aboutit à une globalisation de l'indifférence", a-t-il poursuivi. S'il a appelé à "changer concrètement certaines attitudes", le pape ne s'attaque pas là aux politiques migratoires européennes, mais au comportement personnel: "Nous ne sommes plus attentifs au monde dans lequel nous vivons, nous n'avons plus soin de ce que Dieu a créé."
L'entretien:
Partagez-vous l'indignation du pape?
Jérémy Cheong Chi Mo. On peut la partager. Mais il aurait fallu que le pape aille plus loin: qu'il prenne appui sur cette indignation pour agir directement sur les politiques migratoires mises en place par les Etats du nord concernés par les arrivées de migrants. Depuis le tournage de notre documentaire et la mise en ligne de notre plateforme osonssavoir l'hiver dernier, rien n'a vraiment changé. Les Etats du nord de la Méditerranée font toujours pression sur les Etats africains pour bloquer les migrations. En Libye, un accord en ce sens entre le gouvernement italien et le Conseil national de résistance avaient déjà été trouvé alors que le pays était encore en guerre. Même chose avec le Mali. La situation n'a pas évolué. Les pays européens dictent toujours leurs décisions aux pays du sud.
Que faudrait-il faire?
Jérémy Cheong Chi Mo. Il faudrait mettre en pratique les préconisations formulées par Bertrand Badie, Guillaume Devin, Rony Brauman, Emmanuel Decaux et Catherine Wihtol de Wenden dans Pour un autre regard sur les migrations. En clair, il faudrait une gouvernance mondiale des migrations, fondée non plus sur des décisions dictées au Sud par le Nord, mais sur une approche multilatérale pour réguler différemment les flux migratoires. Les pays du Nord ont besoin de ces flux. Des économistes ont chiffré le besoin de migrants à 300.000 personnes pour l'Europe. Il faudrait aussi prendre plus en compte les diasporas dans les politiques de développement. Il faudrait par ailleurs permettre une vraie mobilité pour le Sud, donc changer nos politiques de délivrance de visa. Laisser les gens venir en France permet de démitifier l'émigration vers le nord. C'est ce qui s'est passé pour les Tunisiens en 2011. Bon nombre sont repartis dans leur pays.
Il s'agit donc de dépassionner la question?
Jérémy Cheong Chi Mo. Cela implique effectivement de ne plus jouer avec les peurs, mais d'envisager les migrations sous un angle multinational, avec de vrais partenariats entre pays impliqués. On ne considérerait dès lors plus les migrants comme une menace, mais comme des partenaires. Malheureusement, la situation est toujours bloquée.
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