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dimanche 14 juillet 2013

Immigration France : Manuel Valls veut réformer le droit d'asile.




Asile et migration : Manuel Valls est un bon communicant, aura-t-il le courage d'agir ?

Avatar de Pierre Henry

LE PLUS. Manuel Valls veut réformer le droit d'asile. Le ministre de l'Intérieur doit lancer en juillet une "grande consultation nationale" sur le sujet afin de faire évoluer un système qu'il juge "à bout de souffle". Va-t-il rompre avec la politique mise en place pendant les années Sarkozy ? Pierre Henry, directeur général de France Terre d'Asile, fait part de ses inquiétudes.

Édité par Sébastien Billard , le Plus Nouvel Obs, Auteur parrainé par Tristan Berteloot
Manuel Valls lors d'une visite à Lourdes, le 19 juin 2013 (G.COLLET/SIPA).
 Manuel Valls lors d'une visite à Lourdes, le 19 juin 2013 (G.COLLET/SIPA).

Manuel Valls est un républicain au talent pressé. Son parcours est celui d’un obstiné que rien ne peut détourner de son objectif. Très tôt, il a su faire le pas de côté et le pas chassé pour éviter les revers croisés et autres passing de ses amis.

Populaire, il distille l’odeur du temps avec, parfois, des mots de droite à fleur de bouche. Il a du flair, la France vieillit et prend vite peur. Alors, comme ses prédécesseurs, il tente de rassurer les électeurs à grands coups de sécurité et de posture martiale. L’homme a de la méthode. Il consulte, s’appuie sur des expertises, et avance avec une grande prudence au risque de l’immobilisme.

Le dossier migratoire en est l’exemple. Pour éviter les vagues et rechercher le consensus, il envisage un inédit : la nomination de deux parlementaires, l’un de la majorité, l’autre de l’opposition, pour conduire le processus de concertation sur la réforme de l’asile. C’est une posture parfaitement conforme à sa vision: ne disait-il pas il y a peu qu’un bout de chemin était possible avec la droite sur le dossier de l’immigration ?

Et pour prévenir tout dérapage, il programme cette séquence en pleine période estivale. Sur quoi va déboucher cette belle préparation ? Sur une réforme parfaitement maîtrisée ou sur un adieu à une ambition réformatrice si habilement affichée ?

Résister au conservatisme administratif

Le dossier de la réforme de l’asile est, il est vrai, délicat. La ligne de la plus grande pente, soufflée par une administration appuyée par Bercy, propose la poursuite d’une casse du modèle social et solidaire ainsi résumé : moins d’accompagnement, plus de contrôle.


Ces réponses se situent dans la droite ligne des fausses idées véhiculées par les années de pouvoir sarkoziste sur les faux demandeurs d’asile, le coût exorbitant de l’asile et, bien sûr, de l’angélisme associatif.

C’est ainsi que le désordre public et la maltraitance institutionnelle ont pu s’installer en tout point du territoire dans l’accueil des populations étrangères et dans l’oubli de la question sociale.

Le ministre l’a reconnu lui-même en mai dernier :


"Notre système d'asile est à bout de souffle, je ne l'accepte pas. Il faut le réformer…"

Les questions essentielles à résoudre ont été identifiées par tous les acteurs du secteur : simplification des procédures, qualité de la décision, durée de la procédure, dignité dans l’accompagnement. L’obligation de redressement rapide de cette situation doit se faire dans le respect des droits des personnes. Manuel Valls devra pour cela résister au conservatisme administratif. Saura-t-il le faire ?

L'affaiblissement continu du secteur associatif

Il le doit car, outre le fait que des mesures prises intelligemment pourraient faire réaliser des économies non négligeables à l’État, le ministre enverrait un signal fort à une société où reculent fortement l’esprit civique et la bienveillance à l’égard des populations en demande d’asile et des migrants en général.

Il est urgent que les nombreux élus locaux qui, toute couleur politique confondue, considèrent que l’accueil des demandeurs d’asile reste une excellente chose mais seulement quand la structure est installée chez le voisin, entendent un message prônant la solidarité.

La haute fonction publique, celle qui milite depuis des années pour la primauté de l’urgence dans le modèle d’accueil au lieu de préférer des solutions pérennes – et moins coûteuses pour le contribuable – est bien coupable de cette situation. C’est ainsi que depuis six ans des milliers de personnes sont oubliées en périphérie des villes, dans des hôtels et dans la précarité la plus totale.

Elle l’est aussi de l’affaiblissement continu du secteur associatif. La mortalité associative est parvenue à son zénith dans le secteur de l’intégration alors qu’une question sociale sape les fondements du vivre ensemble et que la seule réponse de l’État consiste à renvoyer la balle aux collectivités territoriales.

Le ministre saura-t-il rompre avec cette logique ? En aura-t-il la volonté, l’espace, tant la promotion d’un système d’accueil dégradé est pleinement à l’œuvre ? Faire une réalité quotidienne de la promesse républicaine d’égalité, réinstaller la France sur le chemin de sa tradition hospitalière, n’est-il pas le devoir d’un réformateur ?

Allier le courage de la réforme à une vision généreuse

Mais on ne réforme pas seul et la place que prendra l’acteur associatif dans ce processus est primordiale. Encombrant, peu docile, volontiers critique, il est aussi craint que régulièrement vilipendé, tantôt pour son supposé angélisme, tantôt pour son engagement.

Il est le plus souvent affublé du nom d’opérateur par la puissance publique dès lors qu’il travaille avec elle. C’est commode, un opérateur – on lui fait endosser les politiques publiques, assumer les risques financiers et on en change ou menace d’en changer quand il ne plaît plus.

Là encore, que veut le ministre ? Protéger l’acteur associatif ou suivre la tentation néerlandaise d’un modèle d’accueil expéditif et sécuritaire confié à des prestataires de service ?

Parlant de la réforme, le ministre a commencé à mettre l’accent sur le nécessaire éloignement des déboutés puisque c’est le sujet qui parait le plus audible dans une France en crise, travaillée par les populismes. Il commet une erreur car, si c’est une question qu’il convient d’aborder sans détour ni surenchère, elle n’est que l’étape ultime d’un processus et non son commencement.


Si Manuel Valls est attendu avec la réforme de l’asile et des migrations au Parlement à la fin de cette année, c’est d’abord avec lui-même qu’il a rendez-vous. S’il allie le courage de la réforme juste à la vision généreuse et bienveillante à l’égard des étrangers, traditionnelle à notre pays, il aura la stature du réformateur ambitieux ; au-delà de la seule image du très bon communicant.



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