Unanimité suspecte pour un  Pronunciamiento prémédité
La dictature militaire respire encore ! Ses soubresauts ont emporté le Président Morsi et ses velléités autoritaristes. Le Patron des frères musulmans s'est laissé lamentablement arrêter, aux premières minutes du coup d'Etat, avec plusieurs de ses compagnons, alors qu’il  avait promis, de rééditer un scénario à la chilienne, lorsque Salvador Allende avait préféré mourir les armes à la main, dans son palais présidentiel  de la Moneda, assiégé et bombardé, plutôt que se rendre aux troupes d’assaut du général Augusto Pinochet, lors du coup d'État du 11septembre 1973.
En quelques minutes, l’armée a réduit à l’obscurité plus d’une vingtaine de chaînes de télévision apparentées aux frères musulmans et muselé plusieurs de leurs radios périphériques. Dans la foulée, elle interpelait le Président égyptien et plusieurs de ses ministres ou compagnons, avant de signifier au premier, son inculpation pour évasion d’une prison d’Etat et intelligence avec l’ennemi.  Accusation qui, au pays du Nil, conduit son auteur à l’échafaud.
Le Pronunciamiento orchestré de main de maître, semble avoir été planifié de longue date et inspiré, sinon soutenu par l’Etranger. Les applaudissements des chancelleries occidentales, du Qatar et de Ryad en sont la meilleure preuve. La dernière ovation est venue du roi du Maroc, dont tout le monde connaît l’aversion pour l’islamisme politique et l’alignement systématique sur Washington et Paris. Autant dire que ceux qui accusent Morsi de haute trahison,  ne sont pas en reste, en matière de collusion avec des pays tiers et leurs services secrets.
Piètre démonstration de force, au plus fort du coup d’Etat, les soldats égyptiens sont apparus triomphants,  des hélicoptères de combat survolant les colonnes de chars flambants neufs. Une armée dont on sait qu’elle n’a jamais honoré ses rendez-vous avec l’histoire, comme lorsqu’il s’était agi de défendre le territoire égyptien, contre un ennemi autrement plus dangereux, en 1967 ou en 1973.
Le pire est à venir
Avec ce surprenant épilogue à un bras de fer qui aura débuté le vendredi 28 juin, l’Egypte est rétrogradée aux plus sombres moments de son histoire, comme en 1954, lorsque le colonel Nasser décrétait la dissolution des Frères musulmans, et que ses partisans, les  militants du Rassemblement populaire s’attaquaient à la confrérie.
Le pire est sans doute à venir, car même si le Général Al-Sissi s'est fendu d'un discours apaisant, évoquant l'unité nationale et prenant soin de s'entourer, lors de son discours martial du mercredi, d'un aréopage de personnalités de tous bords et même si les frères musulmans tétanisés par les nombreuses arrestations survenus dans leur rang, semblent pour le moment atones, la situation égyptienne rappelle la tragédie qui ensanglanta l'Algérie dans les années quatre-vingt dix, parce qu'on avait confisqué au FIS, sa victoire aux élections législatives de l'hiver 1991.
Morsi, l’apprenti-dictateur
Bien sûr le Président Morsi n’était pas un parangon de démocratie. Il avait réussi en quelques semaines de mandature, à faire l’unanimité contre lui. Par ses bourdes à répétition et sa rigidité intellectuelle, il avait réussi l’exploit de  liguer contre lui  son propre électorat. Incapable de s’exonérer de son héritage théologique, il n’avait rien imaginé mieux que la Charia, comme fondement juridique d’une Egypte moderne. Beaucoup plus grave, il avait fait de l’intimidation son crédo, reproduisant à l’identique, les comportements de son prédécesseur et avait tenté de se confectionner, ce statut spécial, si cher à nos dictateurs qui leur permet d’échapper à toute reddition des comptes.
Enfin, cerise sur le gâteau, l’homme avait lamentablement échoué à redonner confiance aux investisseurs et envie aux touristes de revenir visiter les pyramides, le Nil, le désert et toutes ces splendeurs qui font la beauté de son pays.
 
La confrérie des « Vitupérants »
Bien sûr,  les partisans de Morsi ne sont pas, non plus, en reste. Ils  ont fait preuve d’une arrogance à nulle autre pareille, au lendemain de sa victoire. Ils se sont éprouvés invincibles, promettant les feux de l’enfer à tout ceux qui n’accepteraient pas l’Islam, comme religion d’Etat.  Ils vitupéraient, menaçant de faire un sort aux mécréants, aux coptes, aux juifs et aux autres, ceux qui refusaient la barbe, le qamis, le foulard, la burqa et le Coran !
Sur le parvis de la mosquée « Rabyaa El Adaouya », ils ont fait assaut de charlatanisme, pour  « rameuter le chaland ». Ils ont dressé un bien sombre tableau de l’Islam politique que leurs dirigeants se promettaient de mettre en place.  Sur leurs chaînes de télévision,  aux financements occultes, on distillait,  à longueur de journées, des discours d’un autre âge, imbibés de haine,  d’incitation au meurtre et de rhétoriques vengeresses qui auraient du conduire leurs auteurs devant des juges, si Morsi avait été le démocrate qu’on nous avait vendu !

La dictature des « Tamarrouds »
Mais s’il se confirme que le Président déchu et ses partisans ont la graine despotique et que la dictature militaire a la peau dure, la rue égyptienne est une autre forme de dictature, tout aussi violente, qui assiège un Président démocratiquement élu, le conspue, menace de bouter le feu à sa résidence, voue aux gémonies ses partisans, quand elle ne les attaque pas, les tue par dizaine, en blesse quelques centaines et viole en assemblée et en plein air, les femmes esseulées, qui ont le malheur de traverser la place "Tahrir".  La place de tous les rêves et de tous les superlatifs a abrité tant d'exactions qu’elle n’en mérite plus tout à fait son qualificatif de « Libération ».
 Fallait-il donner sa chance à Morsi ? Sans doute, parce qu’en démocratie, on doit laisser à son  adversaire, la chance d’aller au bout de sa logique, de faire ses preuves et même, le cas échéant de se « planter ». On imagine mal les français prendre la rue d’assaut, parce que François Hollande flirte avec le plancher des sondages. Les élections législatives programmées pour octobre 2013, et les suivantes, auraient, sans aucun doute,  permis aux égyptiens  de rectifier, par les urnes,  le tir de la Présidentielle.
 Les gènes de la dictature en héritage
Les « Tamarrouds » auront beau se vanter d’avoir organisé la plus grande manifestation de l’humanité, ils ont tout de même, ce faisant, largement contribué à assassiner la liberté, pour laquelle nombre d’entre eux ont sacrifié jusqu’à leur vie. Une abomination qui aura fait capoter la première expérience démocratique d’Egypte.
Si dans les faits, les frères musulmans ont encaissé une sévère défaite, c’est d’abord le « Printemps des peuples de la méditerranée » qui encaisse le plus gros coup. Il en sort diminué, parce que ce qui a pris naissance, mercredi 3 juillet, comporte une part d’inconnu et de périls que nul ne peut encore prédire.
 Des rives de l’Atlantiques aux marécages de Bassorah, on savait les arabo-amazighs gouvernés par des dictateurs autistes, cleptomanes et assoiffés de pouvoir. Mais ce que l’on savait beaucoup moins, et que les crises tunisienne,  libyenne et égyptienne ont révélé, c’est qu’à force de baigner en dictature, nos peuples ont fini par en assimiler, comme partie intégrante de leur génétique, les comportements despotiques de ces dirigeants qu’ils tentent depuis plusieurs décennies, de chasser du pouvoir.