Sahara occidental : Une injustice qui s’éternise
Dernièrement, de violentes émeutes ont éclaté à El Aiun,
chef-lieu du Sahara occidental. Ces évènements d’une violence encore
jamais vue, ont fait remonter à la surface de l’actualité l’histoire
d’un vieux conflit oublié de tout le monde et ensablé dans les dunes du
désert.
Ces évènements, de par leur ampleur et leurs
conséquences, constituent une première dans cette région du nord de
l’Afrique. L’analyse de la situation sur place, nous met dans la
nécessité de procéder à un court flashback afin de pouvoir dresser un
historique de ce conflit vieux de 40 ans.
La virulente guerre médiatique à laquelle se livrent le Maroc et le
front Polisario témoigne des enjeux géopolitiques de taille auxquels la
région devrait faire face. Enfin une analyse raisonnable de ce qui vient
de se passer à El Aiun, ne saurait se faire sans comprendre au
préalable, les motifs réels qui animent ce conflit tragique datent de la
guerre froide.
Des accords rejetés par les Sahraouis
Les récents affrontements entre population civile et
forces marocaines de l’occupation (officiellement pour l’ONU le Maroc
occupe toujours illégalement le Sahara occidental) ont fait la une des
médias internationaux et ont suscité de vives réactions partout dans le
monde. Pourtant, le conflit au Sahara occidental, est loin d’être
récent. En effet, cette ex-colonie de l’Espagne, connue autrefois sous
le nom du Sahara espagnol, figurait déjà en 1963 sur la liste des
territoires n’ayant pas encore accédé à leur autodétermination. En 1975,
alors que Franco agonise, l’Espagne signe à la hâte, un accord
tripartite avec le Maroc et l’ensemble mauritanien. L’accord en question
prévoit notamment la répartition dudit territoire d’une superficie de
266 000 km² entre le Maroc (les deux tiers au nord) et la Mauritanie (le
tiers situé au sud).
En contrepartie, l’Espagne était assurée du maintien de
ses intérêts économiques dans la province. Ces accords, signés en
l’absence de toute forme de consultation avec les populations locales,
ou avec le front Polisario [1], sont immédiatement rejetés par les Sahraouis déjà en guerre contre les espagnols.
Le Polisario mènera par la suite, durant plusieurs
années une violente insurrection contre les nouveaux occupants. La
guérilla sahraouie accumule triomphes et succès militaires et inflige de
sévères défaites aussi bien aux Marocains qu’aux Mauritaniens : de
lourdes pertes sont à déplorer dans les rangs des deux armées. Affaiblie
par le coût de la guerre et en proie à de fortes perturbations
internes, la Mauritanie se retire du conflit en 1979 et reconnaît la
RASD (République arabe sahraouie démocratique) autoproclamée par le
Polisario en février 1976.
Elle abandonne également la partie du territoire qui lui
a été allouée par les accords de Madrid de 1975, que le Maroc annexe
aussitôt. La guerre au Sahara occidental prend fin en 1991, après la
signature d’un accord de cessez-le-feu entre les deux partis en guerre,
en attendant l’organisation par l’ONU d’un référendum
d’autodétermination sous quelques mois.
L’afflux incessant de Marocains venus s’installer au
Sahara, et la politique de forte colonisation qu’entreprend le Maroc,
finit par faire capoter le référendum en question. La région entre alors
dans une situation de blocage total où tous les partis campent sur
leurs positions respectives. Plusieurs envoyés spéciaux du secrétaire
général de l’ONU tentent en vain de débloquer la situation, sans grand
succès.
Invasion militaire et blocus
Depuis l’invasion militaire du Sahara occidental par le
Maroc, le régime autocratique de Rabat y impose une sévère politique de
blocus sécuritaire et médiatique. Presse internationale, ONG, de même
que les organismes de défense des droits de l’homme sont interdits de se
rendre dans les territoires occupés. Nombreuses sont les résolutions
onusiennes qui condamnent et exigent le retrait immédiat du Maroc de ce
territoire non-autonome.
Nombreuses sont également celles qui réaffirment le
droit indivisible du peuple sahraoui à l’autodétermination et à
l’indépendance, en conformité avec le droit et la légalité
internationale, comme le stipule la résolution 1514 de 1960. Le Maroc
accepte dans un premier temps l’organisation d’un référendum lors du
sommet de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) tenu à Nairobi en
1982. Depuis, la position marocaine oscille entre acceptation
conditionnelle et refus catégorique. En 2006 Rabat annonce une
proposition unilatérale d’autonomie élargie au Sahara. L’initiative
marocaine, refusée par le Polisario, est considérée comme une tentative
de contourner la légalité internationale. Sans pour autant adopter la
proposition marocaine, les Nations unies appellent les deux partis à
entamer des pourparlers directs afin d’arriver à une solution pacifique
et durable de ce conflit, l’un des plus vieux d’Afrique, sinon du monde.
Une politique de colonisation
Dans la situation de blocage qui règne au Sahara, le
Maroc poursuit sa politique enfiévrée de répression, de colonisation et
du fait accompli. Le pays est entré, depuis son invasion militaire de ce
territoire en 1975, dans une véritable course contre la montre pour
provoquer un profond déséquilibre démographique, dans la province
revendiquée par le front Polisario. Le régime autoritaire monarchique
marocain met en place un large système de privilèges économiques et
d’exonération fiscale, en vue d’inciter les citoyens marocains à s’y
installer massivement.
Dans son différend qui l’oppose au peuple sahraoui,
désarmé et pacifiste, le régime monarchique marocain est épaulé des
grandes puissances impériales et coloniales occidentales, tout comme il
bénéficie également de l’inconditionnel soutien financier en masse des
États réactionnaires du pétrodollar. S’il n’est tellement pas difficile
de comprendre l’alignement systématique des États arabes sur les
positions marocaines -s’agissant surtout et avant tout de rassemblement
solidaires d’États non démocratiques et de régimes corrompus qui se
ressemblent tous ou presque- on a en revanche, toutes les peines du
monde à comprendre les secrets du scandaleux silence des pays
démocratiques et de leur désintérêt total vis-à-vis de ce qui se passe
au Sahara occidentale.
Par leur soutien incessant au Maroc, qui est en vérité
plus une complicité qu’un soutien, les pays européens se rendent aussi
d’une manière ou d’une autre, responsables de l’injustice qui s’éternise
au Sahara occidental.
Le rôle trouble de la France
Le 17 novembre 2010 la France empêche, en menaçant d’y
opposer son veto, l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU d’un
projet de résolution, qui prévoit l’envoi sur place d’une commission
internationale d’enquête, sur les sanglants évènements du campement de
Gdim Izik à El Aiun, la capitale du Sahara occidental. Sur 15 pays
membres du Conseil de sécurité, seule la France a voté contre. Le veto
français, en même temps qu’il anéantit l’aspiration des sahraouis à la
justice et à la vérité, détruit le peu de confiance dont le pays jouit
parmi la communauté internationale, et constitue un feu vert pour le
Maroc, dans sa politique d’oppression et de répression, qui perdure
depuis bientôt quatre décennies. Il faut dire que la position de la
France est essentiellement dictée par des intérêts d’ordre économiques.
Les Sahraouis assistent aujourd’hui impuissants, aux
exactions les plus graves, commises en toute impunité, à leur encontre
par le Maroc. L’amertume et la désolation remplissent leurs cœurs en
voyant le désintérêt international total auquel ils sont délaissés.
Abandonnés dans leur combat inégal contre un régime répressif, les
Sahraouis ont voulu faire part au monde du calvaire dans lequel ils
vivent, en se regroupant dans un campement aux alentours de la ville
d’El Aiun.
Le campement d’El Aiun
L’idée du campement est bien évidemment pleine de
significations et fait allusion à la situation inhumaine dans laquelle
vivent, depuis 1975 des dizaines de milliers de réfugiés sahraouis dans
les camps de Tindouf en Algérie.
Le camp installé à l’improviste en guise de protestation
contre les violations graves des droits politiques, socioéconomiques et
des droits de l’homme commises par l’État marocain, s’est vite
transformé en un gigantesque rassemblement populaire regroupant plus de
25000 sahraouis. Le politique et le social se chevauchent et
s’entremêlent dans un climat de censure, de blocus et d’embargo total.
L’État marocain, dont l’appareil répressif est connu
sous le nom du Makhzen (appareil vieux de plusieurs siècles et réputé
pour être une école de choix dans la torture et les enlèvements), ne
ménage pas ses efforts pour dissoudre le mouvement de protestation qui
gagne jour après jour en ampleur et en soutiens internationaux. Le
ministre marocain de l’Intérieur rencontre le 4 novembre 2010 un comité
qui représente les habitants du campement et leur promet une solution
rapide : des logements et des emplois allaient leur être accordés
affirmait-il.
Le 8 novembre2010, un mois jour pour jour après la mise
en place dudit campement, les forces d’occupation (armée, police,
gendarmes, forces auxiliaires, services secrets, etc.) donnent l’assaut
sur les civils sahraouis installés dans plus de 8 000 tentes. Les forces
marocaines, mettent le feu au campement et entrent en confrontation
directe avec les jeunes, les femmes et enfants, la répression est
sauvage et le constat est alarmant. L’attaque sanglante des forces
d’occupation fait plusieurs morts [2],
des centaines de blessés graves dont la majorité ne peut accéder aux
soins médicaux de peur d’être arrêtés et des centaines de disparus – 65
arrestations selon la version officielle marocaine, plus de 2000
disparus selon le Front Polisario, environ 800 d’après les services de
renseignements espagnols.
Des violences sans précédent
Quelques minutes plus tard, éclatent dans les rues d’El
Aiun de violentes émeutes opposant les forces marocaines aux jeunes
Sahraouis en colère. Les affrontements sont d’une violence encore jamais
vue auparavant dans la ville occupée. Plusieurs dizaines
d’établissements publics et privés, de véhicules et de magasins sont
incendiés. El Aiun devient une ville fantôme. Une fiévreuse chasse à
l’homme est lancée juste après : les arrestations se chiffrent par
centaines, le couvre-feu est annoncé, les coups de la répression se
déchaînent avec rage.
Les évènements sanglants qui ont secoué la capitale
occupée du Sahara occidental, représentent l’éclatement d’une situation
politique et sociale grave et tendue, qui menaçait d’exploser à tout
moment à cause de la répression marocaine qui sévit dans cette région
depuis son annexion par la force, en 1975. Ces évènements violents sont
aussi le résultat de la politique prônée par le régime tyrannique de la
monarchie : politique de favoritisme, de discrimination et de
marginalisation.
Les Sahraouis, simples citoyens comme chefs militaires
et décideurs politiques se trouvent aujourd’hui confrontés à des choix
difficiles : faire abstraction des crimes que commet l’occupant marocain
au jour le jour, ou s’engager dans la lutte armée, devenue une
revendication des masses populaires sahraouies. Le risque est de voir de
nouveau s’engouffrer la région dans le collimateur de la violence.
Aujourd’hui, le rôle des militants révolutionnaires,
marocains comme sahraouis, est de lutter contre la fièvre raciste que
les deux forces antagonistes (pouvoir marocain et indépendantistes)
nourrissent et de soutenir un projet démocratique et pacifiste.
Des militants communistes libertaires marocains et sahraouis
Le nombre exact est encore inconnu à cause de la censure
médiatique imposée par le régime monarchique de Rabat qui parle de deux
civils tués et de 11 morts dans les rangs des forces de l’ordre,
chiffres à prendre avec modération.
Des militants communistes libertaires marocains et sahraouis
[1] Mouvement de libération armée dans l’ex-colonie espagnole, fondé en 1973 par El Ouali Mostapha Sayed
[2]
Le nombre exact est encore inconnu à cause de la censure médiatique
imposée par le régime monarchique de Rabat qui parle de deux civils tués
et de 11 morts dans les rangs des forces de l’ordre, chiffres à prendre
avec modération.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire