Nice Matin, 28/1/2011
À 88 ans et après une vie de travail en France, Mohamed Elwardyi se retrouve sans papiers, sans retraite et sans assurance-maladie. Sa nièce en appelle au préfet pour le sortir de l’ornière.
Mohamed Elwardyi voudrait pouvoir rester en paix après cinquante ans de labeur sur les chantiers de France
Il ne peut pas vivre l’âme en paix et rumine des idées noires. Il n’a pas beaucoup d’argent mais là n’est pas le problème. Sa santé va bien aussi, et, à 88 ans, il pose encore du carrelage dans le voisinage pour gagner quelques sous et rester actif. Mais quelque chose mine le moral de Mohamed Elwardyi, qui vit chez sa nièce à La Bocca.
Il n’a plus de papiers d’identité, ne peut pas toucher sa petite retraite, ne bénéficie pas de la sécu, et il ne peut pas sortir du territoire français. Quand son fils unique est mort, il n’a pas pu aller à l’enterrement, là-bas au Maroc dont il est originaire. Et ça fait maintenant 23 ans qu’il n’a pas revu sa femme restée au pays. C’est tout cela qui brise le cœur du vieil homme et, s’il n’était endurci par une vie de labeur sur les chantiers, les larmes inonderaient ses joues. « Il déprime, il commence à parler de suicide. Il voudrait juste retourner une fois au Maroc et finir sa vie ici en paix » confie sa nièce, Zora Benhida.
Question de dignité aussi, car Mohamed Elwardyi est un de ces travailleurs immigrés de première génération qui sont venus en France prêter leurs bras aux entreprises du bâtiment. Il est arrivé à Nice en 1957. Il avait 34 ans. Plâtrier carreleur, maçon, il a travaillé toute sa vie avec des titres de séjours provisoires, des feuilles de paye aléatoires, parfois erronées ou fantaisistes. Il a aussi été artisan quelques années avant de faire faillite, plombé par un gros client insolvable.
L’administration a toujours été compliquée pour cet homme qui pendant longtemps ne savait guère lire et encore moins écrire le français. Mais il a toujours eu l’essentiel, du travail. « Je gagnais bien ma vie. Mieux qu’un ministre ! À l’époque en France, c’est l’ouvrier qui manquait, pas le docteur » raconte-t-il avec un sourire qui ride à peine son visage encore étonnamment lisse. Ses mains épaisses, son dos un peu courbé, racontent pourtant que Mohamed Elwardyi a beaucoup travaillé. Jusqu’à 84 ans, revendique-t-il avec fierté. À Nice, à Paris, à Toulouse et enfin à Cannes depuis1992. Aujourd’hui, il est toujours ressortissant marocain et à 88 ans, après avoir longtemps négligé les formalités, il espérait bien toucher la petite pension de 80€ par mois validée récemment par la CRAM sur la foi de ses feuilles de paye valides. Juste de quoi dédommager un peu sa nièce pour son hébergement.
“ Je sais bien que c’est ma faute ”
Seulement, voilà, il a perdu ses papiers, qui d’ailleurs étaient tous périmés. Carte d’identité, passeport marocain et titre de séjour. Il n’a plus de justificatifs pour demander de nouveaux documents au Maroc et l’administration française est devenue très tatillonne. « J’ai passé toute ma vie en France, je n’ai jamais touché un centime du chômage ou de la sécurité sociale. Rien de rien, même quand j’ai été blessé sur les chantiers. Et je me retrouve comme un clochard. Je sais bien que c’est ma faute, j’aurai dû m’occuper des papiers avant » s’accuse-t-il. Sa nièce, qui a multiplié les démarches pour le sortir de l’ornière, en appelle maintenant au préfet. « Je voudrai voir M. le préfet pour lui dire que mon oncle est un honnête homme et qu’il ne demande pas grand-chose. Juste une carte de résident pour qu’il puisse finir sa vie sereinement. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire