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mercredi 2 décembre 2009

«Je dénonce les violations des droits de l’Homme de façon pacifique»-Interview d'Aminatou Haidar, présidente de la CODESA

Par Christophe Guguen, Le Journal Hebdomadaire, 1/12/2009

Vous êtes en grève de la faim depuis dimanche 15 novembre. Que réclamez-vous ?
La revendication légale qui est la mienne: le retour à ma patrie, là où se trouvent mes enfants. Je suis prisonnière en Espagne, j’ai été amenée ici contre ma volonté.

Les autorités expliquent que vous avez «usé et abusé» de votre passeport marocain.
Le Maroc est obligé de délivrer les passeports ! Il y a la quatrième convention de Genève qui oblige toutes les puissances occupantes à donner tous les droits, y compris les papiers, à tous les citoyens qui se trouvent sous la direction de l’occupant. Tous les Sahraouis doivent jouir des droits politiques, sociaux, économiques. Donc les papiers, ce n’est pas un «don» de la part du Maroc, ils sont obligés de le faire! D’ailleurs, jusqu’à 2005 je n’avais pas de passeport, j’en étais privée. Ça ne fait que trois ans que les activistes peuvent faire des conférences à l’extérieur.

Pourquoi alors, selon vous, le Maroc vous a-t-il retiré votre passeport marocain ?

Parce que je dénonce les violations des droits de l’homme commises par l’Etat marocain. Mais je dénonce ces violations de façon pacifique et j’ai le droit de le faire ! J’ai le droit garanti de la liberté d’expression, d’opinion et de liberté de mouvements ! Il y a la Déclaration des droits de l’homme, les conventions signées par le Maroc qui me garantissent ces droits ; Malheureusement, après le discours royal, tous ces droits sont attaqués. C’est une atteinte flagrante au droit international.

Vous vous dites «pacifiste». Quel est le but de votre engagement ?
Je suis une défenseure des droits de l’homme au Sahara occidental. Je revendique le respect de la part du Maroc de tous les droits fondamentaux et élémentaires des Sahraouis et le droit à l’autodétermination, qui est un droit légitime. Moi je le dis toujours, je suis contre la violence, je suis pacifiste. Je n’ai jamais utilisé la force contre la police ou contre qui que ce soit. Je profite de l’occasion pour envoyer un message très clair, une conviction personnelle : je respecte le peuple marocain. Je n’ai aucune haine envers le peuple marocain. Le problème est entre le régime marocain et les Sahraouis et non entre les deux peuples. Ça c’est confirmé par l’expérience de 34 ans au Sahara occidental : jamais il n’y a eu de problèmes d’assassinats ou de mauvais traitements de la part d’un Sahraoui envers un colon marocain. Donc je transmets le message à tout le peuple marocain : la situation est injuste, c’est un problème de décolonisation, qui se traite annuellement à la Quatrième commission des Nations Unies. Le peuple marocain doit dépasser ce tabou, il doit parler librement et défendre ce droit qui est un droit légitime et que le droit international défend. Aucun pays au monde ne reconnaît la souveraineté du Maroc au Sahara occidental, même pas le grand allié du Maroc : la France.

Selon vous, qui représente le mieux les Sahraouis vivant dans la partie du Sahara occidental administré par le Maroc ?
Le seul représentant légitime du peuple sahraoui, c’est le Front Polisario. C’est lui qui est assis à la table des négociations avec le Maroc.

Vous dites défendre les droits de l’homme. Le Front Polisario est pourtant lui aussi accusé de violations graves…
Je n’ai jamais visité les camps de réfugiés. Mais en tant que militante des droits de l’homme, je me réfère aux rapports des ONG internationales comme Amnesty, ou au Haut Commissariat pour les Réfugiés : ils nient qu’il y a des violations des droits de l’homme. Si le Maroc veut accuser le Front Polisario, c’est son affaire. D’ailleurs, pourquoi ne laissent-ils pas les défenseurs des droits de l’homme sahraouis visiter les campements pour voir ce qui s’y passe ? Parce qu’il y a toujours eu des reproches contre nous : «Pourquoi vous ne dévoilez pas les violations commises par le Front Polisario ?» Mais nous ne pouvons pas dénoncer des violations que nous n’avons jamais vues. Sept activistes sahraouis sont allés à Tindouf pour rendre visite à leurs familles et voir la situation de leurs propres yeux. Ils ont été arrêtés à leur retour ! Il y a des visites sous l’auspice des Nations Unies entre les familles qui se trouvent dans les territoires occupés et les familles qui se trouvent dans les campements de réfugiés. À côté de ça, le Maroc demande la libération des «séquestrés» de Tindouf. C’est contradictoire.

Les Sahraouis vivant dans la partie du Sahara occidental administrée par le Maroc peuvent, eux, s’exprimer librement. Il y a des instances représentatives comme le CORCAS.
Non, maintenant, toutes les personnes qui ont eu le courage de dire non à la thèse officielle de Rabat ou qui défendent les droits de l’homme ont été emprisonnées. Les observateurs internationaux ne peuvent plus contacter les activistes sahraouis. Et maintenant, il y a une autre politique qui consiste à expulser les Sahraouis de leur patrie, le Sahara occidental.

Pensez-vous que votre expulsion va changer la situation à Laâyoune et dans la région ?
Oui, certainement, parce que le Maroc est maintenant menacé par les protestations à l’intérieur du Sahara occidental. Des jeunes, même des mineurs, des enfants, refusent de répéter l’hymne marocain dans les établissements scolaires et disent avec courage qu’ils ne sont pas marocains, qu’ils sont sahraouis et qu’ils revendiquent l’indépendance, ils le disent comme ça ! Donc le Maroc a eu peur, il veut arrêter, cette résistance pacifique. Et pour l’arrêter, bien sûr, il doit réprimer ceux qu’il considère lui comme les «grosses têtes», les activistes et les militants des droits de l’homme. Ils doivent commencer par les gens connus pour que les autres se taisent.

Si jamais vous êtes autorisée à rentrer à Laâyoune, que ferez-vous ?
Je veux retrouver mes enfants, ma famille. Et je continuerai le combat. Jusqu’au bout.





Aminatou Haïdar, un parcours sans faute



Surnommée la Gandhi sahraouie, la militante a reçu de nombreuses distinctions internationales dédiées aux droits de l'homme. Expulsée du Maroc le 13 novembre, elle est en grève de la faim aux Canaries où elle s'est retrouvée contre son gré.
L'émergence, ces dernières années, de personnalités sahraouies comme Aminatou Haidar fait mal au régime marocain. Ces "activistes de l'intérieur", nouvelles références de la jeunesse sahraouie, se démarquent de la posture "guerrière" du Front Polisario en concentrant leur action sur la situation des droits de l'homme au Sahara-Occidental. Depuis 2006, Aminatou Haidar parcourt le monde et récolte les prix internationaux dédiés à la défense des droits humains. Quelques jours avant son expulsion vers Lanzarote, celle que ses admirateurs surnomment la "Pasionaria" ou la "Gandhi" sahraouie était ainsi à New York pour recevoir le prix du "Courage civique 2009", décerné chaque année par la Fondation John Train.
Outr
e le soutien de diverses associations pro-Polisario présentes sur le sol américain – notamment la US-Western Sahara Foundation –, Aminatou Haidar peut se prévaloir d'un appui de taille aux Etats-Unis : le Robert F. Kennedy Center. Créée en 1968 par la famille Kennedy pour faire progresser les droits de l'homme dans le monde, cette organisation surveille de près l'évolution de la situation au Sahara-Occidental et a attribué son prix 2008 à l'activiste sahraouie. A chacune des tribunes auxquelles elle est invitée, que ce soit aux Etats-Unis, en France, en Suède, en Espagne ou encore en Italie, Aminatou Haidar dénonce les "exactions" commises par les forces marocaines au Sahara-Occidental et en profite pour rappeler le "droit inaliénable du peuple sahraoui à l'autodétermination" . La portée de ce discours tient autant à sa ligne pacifiste qu'à l'histoire personnelle de celle qui le tient.
C'est en 1987, à l'âge de 20 ans, qu'Aminatou Haidar est arrêtée pour la première fois, suite à une manifestation sahraouie durement réprimée à El Aaiun. Victime de tortures, elle sera portée disparue pendant quatre ans, jusqu'en novembre 1991. A sa libération, Aminatou Haidar reprend la lutte. Depuis El Aaiun, elle multiplie les initiatives – manifestations pacifiques, création de comités de soutien – et étoffe son réseau de contacts à l'étranger. En 2005, lors d'une énième manifestation organisée à El Aaiun, elle est blessée par les forces de l'ordre, qui viennent plus tard l'arrêter à l'hôpital. Elle est de nouveau condamnée et passera sept mois dans la tristement célèbre "prison noire" de El Aaiun. Pendant sa détention, le 11 octobre 2005, le Parlement européen adopte une résolution demandant officiellement sa libération.
Quand elle est relâchée à l'issue de sa peine, en janvier 2006, la militante reçoit un passeport marocain et entame une tournée internationale qui la conduit notamment à témoigner devant la Commission coopération et développement du Parlement européen. "N'eût été votre solidarité, votre interpellation des autorités marocaines, je ne serais peut-être pas là aujourd'hui. Mais mon cas n'est pas unique", explique-t-elle alors aux membres de la Commission. La même année, elle recoit le prix Juan María Bandres, décerné par la Commission espagnole d'aide aux réfugiés (CEAR). En 2007, c'est au tour de l'organisation internationale Solimar de récompenser la militante sahraouie, en lui attribuant le prix Silver Rose. L'année suivante, l'organisation pacifiste américaine American Friends Service Committee propose sa nomination au prix Nobel de la paix.

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