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mercredi 11 février 2015

Un voile sombre sur le Sahara

Le Maroc prétend, avec l’aide du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) qu’il a créé, pouvoir assurer la défense des droits humains au Sahara Occidental.
Or le royaume n’a aucun droit reconnu sur ce territoire non-autonome. L'avis de la Cour internationale de justice, donné le 16 octobre 1975, n'a jamais été démenti : « Le processus de décolonisation du Sahara Occidental doit se poursuivre sans que le Maroc ne puisse évoquer une remise en cause de son intégrité territoriale ». 
 Mais l’État marocain y exerce aujourd’hui, bientôt 40 ans après l’invasion militaire qui lui a permis de s’emparer du pays, une répression violente qui veut cacher son nom.
Ce sont les institutions d’un État d’apparence policée qui assument les basses œuvres : police, gendarmerie, prisons. La justice peut rendre des jugements équitables, ils ne sont pas mis en application : par exemple, le tribunal d’Agadir a donné en 2006 raison à la plainte de l’ASVDH (Association Sahraouie des Victimes de violations graves des Droits Humains par l’État marocain) qui dénonçait le fait que l’administration marocaine refusait de l’enregistrer comme association de défense des droits de l’homme ; plus de huit ans après, l’ASVDH n’est toujours pas autorisée. Et les manifestations pacifiques qu’elle tente d’organiser avec les autres associations sahraouies (aucune n’est reconnue) pour réclamer l’application du droit à l’autodétermination sont systématiquement et brutalement réprimées (tabassages, incarcérations arbitraires, abandons dans le désert, viols ou menaces de viols et de représailles sur la famille, etc.)

Expulsions d'un côté...
Mais il y a pire. Depuis quelques mois et plus encore depuis quelques jours, un voile sombre s’abat sur le Sahara Occidental. Les délégations de journalistes et d’observateurs internationaux qui veulent se rendre dans le territoire sont systématiquement refoulées (ce fut le cas d’une cinquantaine de personnes entre la mi-avril 2014 et la fin août 2014), et parfois enlevées et reconduites brutalement à des centaines de kilomètres de là, au Maroc, comme la Française Michèle DECASTER en août.

... meurtres de l'autre
Aujourd’hui, des jeunes Sahraouis meurent là-bas comme des mouches :
- Hassana ELOUALI AALEYA, condamné en 2012 à 3 années de prison pour « délit » de manifestation pacifique et d’expression publique en faveur de l’autodétermination, est décédé le 28 septembre 2014 à l’hôpital militaire de Dakhla, où il avait été transféré beaucoup trop tard. Sa famille avait demandé aux autorités de la prison et à la justice de procéder à une enquête et à une autopsie tant les conditions de son décès étaient douteuses. Cela ne lui fut jamais accordé, et elle n’a pu récupérer sa dépouille.
- Abdul Baqi ALIYEN ANTAHAH est mort dans la soirée du 27 janvier 2015 dans la Prison Noire d’El Aïoun. Âgé de 22 ans, il purgeait une peine d’un an et demi depuis son incarcération il y a un mois, mais « son refus de se conformer aux conditions très mauvaises de la prison, où l’on humilie quotidiennement les détenus sahraouis, lui valurent de se faire emmener dans une cellule d’isolement où il a été sauvagement torturé (Ministère sahraoui des Territoires occupés et de la Diaspora). » Sans assistance sanitaire pendant 3 jours, il y a laissé la vie.
 - Abdelhai CHAIHAB est décédé le 5 février dernier dans la prison marocaine de Tiznit. Souffrant de diverses maladies, il n’a pas reçu de traitement adapté ni n’a été envoyé à l’hôpital pour recevoir des soins d’urgence quand ses maux se sont aggravés. Avec ce nouveau cas, comme le dénonce le CODESA (COllectif des DÉfenseurs SAhraouis des droits de l’Homme), le nombre de Sahraouis morts en prison au cours des deux dernières années atteint le nombre de neuf, sans que la moindre investigation ait été menée par les autorités marocaines pour déterminer les causes de ces décès et pour sanctionner les coupables.
Mais ce n’est pas tout. Des civils marocains – des colons qui ont été incités matériellement à s’installer au Sahara Occidental depuis les années 1990, et dont les enfants sont nés là – entrent parfois en bagarre avec les Sahraouis, à l'incitation ou non des sbires du régime : Mohamed Lamine HAIDALLAH, sauvagement agressé par cinq colons marocains à El Aïoun, est mort dans la nuit du 7 février 2015 à l’hôpital Hassan II d’Agadir, où il avait été transféré en urgence en raison de la gravité des lésions qu’il présentait.

Une responsabilité à partager
Combien faut-il de morts supplémentaires* pour que la communauté internationale s’émeuve ? Pour qu’elle agisse ? Car elle peut le faire, surtout au niveau de l’Union européenne, qui a déployé des relations de coopération étroites avec le Maroc. Le royaume ne peut pas continuer à faire semblant d’être un pays vertueux, une monarchie moderne, quasiment démocratique, et dénier aux Sahraouis le droit de vivre, de disposer d’eux-mêmes et de leurs richesses naturelles – pêche, phosphates, sable ou tomates – alors que le droit international les y invite instamment, et que le Front Polisario a ouvert depuis longtemps les perspectives d’une vraie collaboration avec le Maroc en cas d’indépendance. Il ne s’agit pas d’envoyer des avions bombardiers ni des chars, mais de convaincre. La France de Hollande et de Fabius est-elle capable de mener ce travail ?

*Je n’oublie pas les victimes des mines anti-personnel (autour de 7 millions estimées par l’Observatoire des mines de l’ONU) qui parsèment les terrains longeant le « mur » de 2700 km qui coupe le territoire en deux, à l’ouest la partie occupée par le Maroc – le « Sahara utile » qui regarde l’Atlantique –, à l’est les « zones libérées » par le Front Polisario. Le Maroc est un des rares pays d’Afrique, avec la Libye et l’Egypte, à ne pas avoir signé le traité d’Ottawa ou Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel.

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