Par Hacen Ouali, El Watan, 11/2/2015
Des membres de la famille royale marocaine avaient des comptes numérotés à la HSBC Private Bank de Genève. Révélée par les SwissLeaks parus dans le journal Le Monde, la nouvelle fait mauvais ménage au Maroc, avec la campagne de «patriotisme économique» pilotée par le palais royal.
Le voile se lève sur une partie de l’argent du souverain du royaume
chérifien, que tous les Marocains savaient déjà excessivement riche. La
monarchie alaouite de nouveau au cœur du scandale. A Genève, royaume de
l’évasion fiscale, le monarque marocain, commandeur des croyants, est un
client-roi. Il fait partie de l’aristocratie des évadés fiscaux
domiciliés dans la filiale suisse de la Hong Kong & Shanghai Banking
Corporation (HSBC). Un séisme politique à Rabat, déjà fortement secouée
par l’affaire Chris Colman qui a publié des informations
confidentielles sur les pratiques du makhzen.
Le «roi des pauvres» est un riche client de la banque genevoise. Dans
son enquête sur un vaste système d’évasion fiscale, Le Monde, dans son
édition d’hier, révèle le compte de Sa Majesté Mohammed VI ouvert en
2006. Le client n°5090910103. Son compte s’élève à 7,9 millions d’euros.
«Pour ceux qui se demandaient où est passée la fortune, maintenant ils
ont la réponse», a commenté un internaute marocain sur facebook. Le
voile se lève ainsi sur une partie de l’argent du roi, que tous les
Marocains savaient déjà excessivement riche. Mais il n’est pas le seul à
détenir un compte à la private bank, rue des Bergues.
La filiale genevoise de la banque britannique à la réputation
sulfureuse compte également parmi ses clients des membres de la famille
royale. Le frère du roi, le prince Rachid, la princesse Lalla Meryem et
sa grande sœur ont également des comptes dans la banque suisse. Dans la
liste royale figure également l’ex-beau-frère du roi, Fouad Filali, avec
un compte qui s’élève à 16,6 millions de dollars.
En somme, c’est toute la famille royale qui est domiciliée
financièrement dans la capitale économique de la Suisse, le coffre-fort
des évadés fiscaux et de beaucoup de dirigeants politiques, notamment
ceux des pays du Sud. Le compte du souverain alaouite est codétenu avec
son secrétaire particulier, Mounir El Majidi, selon les révélations du
Monde. Il est l’un des premiers chefs d’Etat cités par l’enquête visant
des comptes secrets en Suisse, aux côtés de son «ami» le roi de
Jordanie, Abdallah II, avec un compte qui s’élève à 41,8 millions
d’euros.
La révélation du quotidien parisien du soir coïncide avec la visite du
roi du Maroc à Paris, lundi après-midi. Une fort belle manière de
souhaiter la bienvenue au monarque alors que son pays est déjà en
bisbilles diplomatique et judiciaire avec la France. Mohammed VI
comptait sur ce voyage pour sceller la «fin» du gel diplomatique entre
les deux pays, mais surtout pour redorer l’image d’un «palais» écorné
par les affaires. Visiblement, il était bien servi. Il est dans de beaux
draps.
Le «roi des pauvres»
Au Maroc, les révélations ont suscité d’énormes réactions qui ont fait
exploser les réseaux sociaux. «Prenez votre copie du Monde d’aujourd’hui
avant qu’il ne disparaisse des kiosques !» a encore ironisé Fouad
Abdelmoumni, figure du combat démocratique au Maroc. Pour faire écho aux
révélations du quotidien français, l’hebdomadaire Telquel a republié, à
l’occasion, une enquête datant de mai 2013 sur «le conglomérat de
Mohammed VI» sous le titre «Les arcanes du business de Mohammed VI».
Le fils de «notre ami le roi» dont la fortune personnelle, estimée en
2014 à 1,8 milliard d’euros selon le magazine Forbes, se trouve ainsi au
cœur d’un nouveau scandale, alors que le palais royal a parrainé une
campagne pour rapatrier des fonds de Marocains à l’étranger dans le
cadre d’une opération de «patriotisme économique».
Le monarque alaouite, surnommé «le roi prédateur», principal
actionnaire dans un conglomérat d’entreprises marocaines, est accusé
déjà de conflit d’intérêts dès lors qu’il est l’autorité suprême aussi
bien administrative que judiciaire. «Au vu des actionnaires, l’existence
même de la Société nationale d’investissement (SNI) est un défi à la
Constitution marocaine», dont l’article 36 prohibe les conflits
d’intérêt et toutes les pratiques contraires aux principes de la
concurrence libre et loyale. «Dans un pays où le roi est l’autorité
administrative et judiciaire suprême, les entreprises dont il est
actionnaire partent-elles vraiment sur un pied d’égalité avec les autres
?», s’interroge le journaliste opposant Ahmed Benchemsi dans les
colonnes du Monde.
Ainsi, avec les révélations rendues possible grâce à Hervé Falciani,
ancien employé de HSBC, l’enquête lève le voile sur une partie de
l’argent caché du commandeur des croyants et, sans doute, des
dignitaires d’autres régimes, notamment ceux du monde arabe. Selon les
révélations du Monde, près de 26 milliards de dollars – soit un quart
des fonds – placés entre 2006 et 2007 dans HSBC Private Bank
appartiennent à des clients originaires du monde arabe. La liste des
clients algériens est fortement attendue.
------------------------------------------------------------------------
Salah Elayoubi
16 h ·
Mohammed VI se faisait donneur de leçons, il y a quelques mois, en déclarant qu'on était patriote ou traître à la patrie. Comment appeler celui qui privatise l'économie de son pays à son profit, pour en exfiltrer les bénéfices à destination des banques étrangères ?
Salah Elayoubi
16 h ·
Mohammed VI se faisait donneur de leçons, il y a quelques mois, en déclarant qu'on était patriote ou traître à la patrie. Comment appeler celui qui privatise l'économie de son pays à son profit, pour en exfiltrer les bénéfices à destination des banques étrangères ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire