Poème / en souvenir de la nubile pendue en Iran
par Mohammed Belmaïzi , 24 novembre 2014
Ma mère
très tôt ce matin
les molochs hérissés en noir
vont pendre une jeune fille
Hier déjà
la grue vrombissante
enfonce l’enceinte
de la médina
Tu sais l’engin qui déblaye
estrades
esplanades
collines
os et crânes
qui creuse
puits
tunnels
fosses communes en catimini
qui érige ponts
routes
rails
écoles et prisons
la machine fabuleuse
qui te fascine
issue de la moiteur de la main
à l’origine censée souder
continents-à-continents
peuples-à-peuples
femmes-à-hommes ?
C’est à son crochet
ma mère
que la nubile
à l’aube
sera hissée haut et court
corde au cou
cagoule sur tête
et les exorbités badauds
tous mâles
jouisseurs infâmes
vont tanguer
au rythme du frêle corps beau et léger
inerte
suspendu au ciel
qui va et qui vient
qui vit et qui plane
Mais maman
ton cœur tonne déjà
tanné de panique
Et je déchire ma cage thoracique
pour laisser ce cœur
chair de ta chair
venir écouter le tien
le tenir au chaud
Écouter ses premiers frémissements
au paroxysme de l’anéantissement
pour avoir cédé jadis
toi maman
au fol amour clandestin
décrété illicite par ta tribu
et on t’aurait pendue maman
Et une grue
aurait… non je me refuse à l’imaginer !
Mais nulle crainte ma mère
demain matin très tôt
les mâles s’accoupleront à la grue mastodonte
Les amants
eux
abouchés
planant
en mille baisers
consolident particules et infini
Et tu m’avais dit :
Mais comment…
comment prétendent-ils en finir avec l’Amour
exterminer les cœurs aussitôt nés
et déjà anéantis
du trop-plein d’aimer ?
Mohamed Belmaïzi
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