Pour la première fois depuis 1993,
les autorités marocaines ont essayé ces derniers mois de limiter les
activités d'Amnesty International en faveur des droits humains dans leur
pays. Ces restrictions qui concernent nombre de groupes de défense des
droits humains dans le pays jettent une ombre sur le Forum mondial des
droits de l'homme, qui s'ouvre jeudi 27 novembre à Marrakech.
LES ACTIVITÉS d'AMNESTY INTERNATIONAL MAROC RESTREINTES
Depuis
le lancement de sa campagne mondiale pour l’abolition de la torture en
mai 2014, Amnesty International est confrontée à une série de
restrictions de ses activités dans le pays.
• En septembre 2014, le camp de jeunesse organisé annuellement par Amnesty International à Bouznika,
près de Rabat, la capitale, a été interdit par les autorités bien que
l'organisation ait effectué toutes les démarches requises pour les
informer.
• En octobre 2014, les autorités ont refusé de laisser
entrer sur le territoire marocain une délégation d'Amnesty International
qui souhaitait recueillir des informations sur la situation de migrants
et de réfugiés.
• En novembre 2014, une mission d’enquête a été
annulée après que les autorités ont sollicité la tenue de réunions
préalables à Rabat afin de définir les paramètres de cette mission.
Sur le même sujet : Un camp de jeunesse organisé par AI interdit par les autorités marocaines
UNE CASCADE D'ENTRAVES AUX ACTIVITÉS DES ASSOCIATIONS
UNE CASCADE D'ENTRAVES AUX ACTIVITÉS DES ASSOCIATIONS
Les autorités ont bloqué une réunion privée de la LMDDH, programmée pour le 27 septembre au Centre Bouhlal à Rabat.
Un événement public organisé par l'AMDH ce même jour sur le thème « médias et démocratie » a été interdit,
Deux membres de l'AMDH se trouvent toujours derrière les barreaux
pour avoir signalé qu'ils avaient été agressés après avoir pris part à
des manifestations pacifiques. En juin et juillet, Oussama Housne et
Wafae Charaf ont été déclarés coupables d'affirmations mensongères. Ils
avaient déclaré que des inconnus les avaient précédemment enlevés et
torturés. Ils ont été condamnés à trois et deux ans de prison
respectivement. Les tribunaux leur ont par ailleurs ordonné de verser
des dommages et intérêts pour avoir « diffamé » la police, bien que ni
l'un ni l'autre ne l'aient accusée
D'autres groupes de défense des
droits humains au Maroc rencontrent des difficultés à se faire
enregistrer : parmi eux plusieurs branches de l'AMDH, ainsi que Freedom Now.
Les tentatives des autorités marocaines visant à renforcer leur contrôle sur ceux qui critiquent le bilan du pays en matière de droits humains ne feront qu'éveiller la suspicion qu'elles ont quelque chose à cacher
Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.
LES AUTORITÉS JETTENT LE DISCRÉDIT SUR LES DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS
Les
restrictions imposées à ces différents groupes surviennent après des
remarques faites par le ministre de l'Intérieur au Parlement marocain le
15 juillet, selon lesquelles « certaines associations et entités
marocaines agissent sous couvert de défense des droits humains », mais
accusent en réalité délibérément les forces marocaines de sécurité de
violations des droits humains sans fondement dans le but d'« amener
certaines des organisations internationales à adopter une position
hostile à l'égard des intérêts du Maroc ». Il a précisé que ces intérêts
incluaient « sa souveraineté territoriale », faisant ainsi semble-t-il
référence aux revendications territoriales contestées du Maroc sur le
Sahara occidental.
UN FORUM MONDIAL DES DROITS DE L'HOMME CONTESTÉ
La crédibilité de la conférence sur les droits humains qui se tiendra à Marrakech du 27 au 30 novembre se trouve entamée par
la décision de huit groupes, parmi lesquels des associations
importantes de défense de ces droits, de ne pas participer à l'événement
afin de protester contre la série d'interdictions visant des activités
publiques qu'elles organisaient. Elles ont annoncé leur décision lors
d'une conférence conjointe à Rabat le 24 novembre.
Ces groupes incluent l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH), la Ligue marocaine de la défense des droits de l'homme (LMDDH), l'Observatoire amazigh des droits et libertés, la branche marocaine de l'Association pour le contrat mondial de l'eau, la branche marocaine de l'Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne (ATTAC Maroc), le groupe de défense des droits humains du mouvement Al Adl wal Ihsan (Justice et bienfaisance), Freedom Now (Comité pour la protection de la liberté de la presse et d’expression) et le comité de coordination du Mouvement du 20 Février à Rabat.
Huit groupes sahraouis, dont l'Association sahraouie des victimes des violations graves des droits de l'homme commises par l'État marocain (ASVDH) et le Collectif de défenseurs sahraouis des droits de l'homme
(CODESA), ont également fait savoir qu'ils ne participeraient pas au
Forum mondial des droits de l'homme, mentionnant les restrictions
persistantes de la liberté d'association au Sahara occidental, entre
autres raisons. Des groupes sahraouis font partie d'un certain nombre
d'associations éprouvant depuis longtemps des difficultés pour obtenir
leur enregistrement officiel auprès des autorités marocaines.
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