Hamza

Hamza Mahfoud Militant du Mouvement du 20 février
Ecrit par Hamza Mahfoud
Traduit par salah Elayoubi
Il aura fallu deux longues années avant que les activistes du mouvement du 20 février et ceux des droits de l'homme se saisissent de l'outil vidéo, pour en faire l’instrument de vulgarisation de leur lutte. Le cercle des « Podcasteurs » ainsi constitué, a insufflé un second souffle au mouvement démocratique, entraînant dans son sillage, ceux qui hésitaient encore à le rejoindre.
Mais alors, pourquoi la vidéo ?
Pourquoi avoir tant tardé à en faire usage ?
Pourquoi avoir abordé la chose politique, plutôt que les sempiternels sujets de société ?
Serions-nous en présence d'une professionnalisation naissante ou d'un épiphénomène  appelé à s'éteindre, une fois les revendications satisfaites ?
Enfin, comment expliquer cette propension aussi soudaine  que collective ?
Le podcast, réincarnation du 20 février
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Mohamed Tsouli
Sur     sa page « Facebook »,  le podcasteur Mohamed Tsouli ne s'y est pas trompé, lui qui a choisi le Jocker, comme surnom, en référence à l’atout gagnant. Ce militant  a lancé une dizaine de vidéos sur « youtube », aussitôt prises d'assaut  par des dizaines de milliers de marocains. Une initiative qui a largement contribué à relancer l’enthousiasme pour le débat politique, les appels à la liberté d’expression et à la libération des détenus politiques:
- « Nous étions pris par les différentes manifestations ainsi que par les assemblés générales. Le 20 février a mué. Il est, aujourd'hui, plus qu’un mouvement de protestation. Son esprit s'est réincarné dans plusieurs créations. Le podcast en est une. », affirme l’homme.
En faisant le choix de mêler dans ses vidéos, sarcasme et politique, Mohamed qui a choisi d’intituler son initiative « Tsoulisme », n’a pas tardé à faire des émules parmi ses camarades de militantisme. Une frénésie collective dont on parle beaucoup sur les réseaux sociaux et qui encourage d’autres à entreprendre de bien surprenantes initiatives. Un stimulus tout à fait perceptible dans le retour sur la toile, du débat politique et des dénonciations des atteintes aux droits de l’homme, dans le but évident de mobiliser l’opinion publique marocaine.
Du podcast de loisir, à celui du professionnel 
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Marouane Lamharzi Alaoui
Selon, Marouane Lamharzi Alaoui, Informaticien,  parmi les raisons ayant poussé bon nombre de jeunes à utiliser « youtube », la possibilité de gains financiers.
- « La majorité des usagers de  youtube, peut le faire à travers l’option « Adsense », une option de « Google », qui permet un rendement financier, en échange de la vidéo. Un million de vues peuvent parfois rapporter jusqu’à trente mille (30.000) dirhams.», explique l’informaticien.
Une opportunité dont les marocains étaient privés jusqu’à l’an dernier. Mais tous les podcasteurs ne connaissent pas la même fortune. Selon Marouane, les mieux placés sont ceux qui répondent  aux attentes des marocains, qu’il s’agisse de traiter d’un contenu sarcastique ou religieux, ou encore d’un contenu scientifique, phénomène plus récent qui part à la conquête du monde.

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Mahmoud Ababou
Cet autre podcasteur, Mahmoud Ababou traite des sujets politiques, dans son « Mchiti b3id » (tu es allé loin). Il pense que le manque de sérieux tient, en règle générale,  une place prépondérante, dans l’ensemble des créations:
- « Certains usent de la diffamation pour critiquer et font de plus grandes audiences que  l’information vérifiée. » argumente l’interessé
La plupart des  podcasters politiques interviewés, assurent leur ambition de passer professionnels malgré les difficultés. A ce sujet, Mahmoud Ababou dit : 
La plupart des  podcasters politiques interviewés, assurent leur ambition de passer professionnels malgré les difficultés. A ce sujet, Mahmoud Ababou dit :

 Je pense que ces difficultés sont en majorité d’ordre financier, en raison du manque de sponsoring. Mais pas au point de nous dissuader d’essayer. Bien au contraire, le podcast étant moins gourmand financièrement, en comparaison avec la production télévisée. »

Pour contourner la difficulté, Mahmoud et ses camarades pensent à la création d’une société de production, en dépit des problèmes juridiques qu’ils auront à affronter. La réalisation de ce projet pourrait leur permettre une ouverture vers la télévision électronique.
Mohammed Tsouli partage avec Mahmoud et d’autres, cette volonté de se professionnaliser. Il dit :
- « Le surprenant succès de mes programmes me permet d’envisager sérieusement le professionnalisme. Ce qui signifie un travail de groupe, au quotidien, pour encore plus de créativité. Nos productions pourraient alors engendrer des revenus réguliers, pour autant que personne ne vienne se mêler de notre ligne éditoriale. »

ali bedar
Ali Bedar
Militant du mouvement du 20 Février, Ali Bedar, est également bloggeur. Il écrit en dialecte marocain. Il explique sur son site qu’il prépare le lancement d’un nouveau podcast, sous le nom de « Hada machi podcast » (ceci n’est pas un podcast) où il prévoit de passer à la vidéo, promettant d’y aborder la chose politique.
- « Je pense que le problème  du web marocain en général, et des podcasters en particulier, est l’absence de critique et la vision superficielle.  Pour preuve, la profusion de sujets abordés, loin de toute investigation ou proposition de solution. Sans doute par crainte d’y perdre en audience. A mon avis, il existe auprès du spectateur marocain une forte demande pour un contenu au message  audacieux, mobilisateur  et aux antipodes de la réalité marocaine, quitte à choquer » explique Ali, promettant de saupoudrer de tous ces ingrédients, les vidéos qu’il projette.
Podcast culturel, la porte ouverte vers l’activitisme 
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Mehdi Boussaïd
Mehdi Boussaid est étudiant en France. Fondateur de l’initiative  « Al qiraaa lil jamii » (la lecture pour tous), il a organisé une dizaine de manifestations culturelles dans différentes villes marocaines. Il raconte le lancement de sa propre chaîne youtube :
- « Mon premier podcast a été filmé dans l’urgence. Privé de la bourse au Maroc, j’en ai bénéficié peu de temps après mon arrivée en France. J’avais filmé une vidéo où je dénonçais les magouilles qui intervenaient dans l’attribution des bourses au Maroc. Après cela, j’ai publié plusieurs vidéos où je parlais de mes lectures et incitait mes compatriotes à lire. »
Sur son choix à  traiter de sujets culturels plutôt que politique, Boussaid  poursuit :
- « J’ai choisi la culture, précisément parce qu’elle est honnie de nos politiques qui lui préfèrent  l’ignorance qu’ils encouragent afin de protéger leur pré carré.  Je continue de croire que la pensée est le premier pas vers la politique. »
Si le podcast politique au Maroc arrive à dépasser les centaines de milliers de visiteurs, ceux qui touchent au social ou à la prédication caracolent en tête de l’audience et en termes de suivi.  Les activistes marocain draineront-ils, un jour une plus grande audience, s’ouvrant ainsi la porte du professionnalisme, ou l’engouement n’est-il que temporaire ? C’est le temps et le degré de satisfaction de l’internaute marocain qui apporteront la meilleure réponse à cette question.
Loufoquerie et prédication,  les plus regardés
Plusieurs jeunes podcasteurs se disputent la  tête du classement au Maroc. La plupart discutent de sujets sociaux, religieux ou de sensibilisation, bien loin de la politique. En voici quelques figures emblématiques :
- Amine Raghib, dont l’audience a dépassé les vingt millions (20.000.000) de vues et sa chaîne youtube trois millions (3.000.000) de suiveurs. Ses sujets tournent  autour de la sécurité des systèmes informatiques et la protection des programmes. Il a choisi de parler la langue arabe et son nom de bloggeur est « Mahwouss al internet » (l’obsédé par internet) .
- « Moul kaskita » (Le gars à la casquette),  treize millions (13.000.000) de vues et presque cent mille (100.000) suiveurs. Ce podcaster s’exprime en arabe dialectal, le plus souvent campagnard. Il n’a pas de genre défini, sinon qu’il tire son succès du sarcasme et du rire.
- Yacine Jarram, plus de onze millions (11.000.000) de vues. Il est tout aussi éclectique que le précédent et use et abuse du sarcasme et de la loufoquerie.
- Khalid Cherif , dix millions (10.000.000) de vues et deux-cent cinquante mille (250.000) suiveurs, il traite le plus souvent de sujets sociaux, avec une bonne pincée d’humour.
- Cheikh Sar, avec cinq millions (5.000.000) de vues, ce proche du Parti de la Justice et du Développement (PJD) se définit comme rappeur, mais ses vidéos l’assimilent plutôt à un prédicateur.

Version originale en arabe ici :