Harira,
Chabakya et controverses autour de la question du « jeûne », c’est le
menu ramadanesque auquel on a droit chaque année le moment d’un mois.
L’article 222 du CP : Une loi malsaine aux dangers insoupçonnables !
« Celui qui, notoirement connu pour son appartenance à la religion musulmane,
rompt ostensiblement le jeûne dans un lieu public pendant le temps du
Ramadan, sans motif admis par cette religion, est puni de
l’emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 12 à 120 dirhams ».
Le jeûne est donc obligatoire au Maroc pour la quasi-totalité de la
population avec quelques exceptions. En plus des musulmans, il est
imposé aux « notoirement connus pour leur appartenance à la religion musulmane »,
c’est-à-dire qu’à partir du moment où tu t’appelles Khadija ou
Simohammed, tu es obligé de jeûner quelques soient tes convictions
religieuses, ou du moins, faire semblant de jeûner.
Au Mcdonald’s par exemple, il est interdit pour un « notoirement connu »
de manger sur place. Dès que tu fais ta commande, on te demande de
présenter une pièce d’identité. Le simple serveur se transforme ainsi en
agent de police, une sorte de policier de la promotion de la vertu et
de la prévention du vice qui te demande pratiquement : « Quelle est ta
religion ? ». Pire encore ! Rien n’est servi dès que la connotation du
prénom est arabe ou islamique, car à partir de ce moment, tu fais partie
des fameux « notoirement connus » sans pour autant
appartenir nécessairement à l’Islam, je donne l’exemple de Brother
Rachid et de Kacem El Ghazali qui sont respectivement chrétien et athée
avec des prénoms purement islamiques !
Tout cela me rappelle une anecdote, Lorenzo Salemi, le célèbre
photographe italien de souche, marocain de cœur, me raconta un jour ses
mésaventures ramadanesques au Maroc. Il trouvait tout le temps des
problèmes durant ce mois sacré dans les restaurants, les aéroports et
autres lieux publics à cause de sa « tête d’arabe » et de son nom et
prénom à connotation arabes ou islamiques, bien qu’il n’était ni
marocain, ni musulman, ni « notoirement connu » !
Et puis, pas tous les musulmans jeûnent pendant le mois de Ramadan,
tout comme les musulmans qui ne font pas leurs prières. D’ailleurs, la
prière n’est-elle pas plus prioritaire que le jeûne en Islam ? Et le
prophète ne dit-il pas que le jeûne n’a aucune valeur sans les 5 prières
par jour ?
Les cinq piliers de l’Islam sont ordonnés de telle manière à ce qu’il
faut remplir le premier avant de passer au deuxième. En effet, on ne
peut être musulman sans faire la Chahada, on ne peut faire sa prière
sans être musulman, on ne peut jeûner pendant le mois de Ramadan sans
faire sa prière… La culture a visiblement pris le dessus, nous avons
l’impression que le jeûne et le mouton de l’Aïd sont plus importants que
la Chahada elle-même !
L’Etat marocain n’intervient pas pour imposer aux citoyens par la
force de la loi de faire la Chahada ou les cinq prières par jour. Du
coup, je n’ai pas pu m’empêcher d’imaginer un article 222 pour la
prière, à quoi ressemblerait-il ?
« Celui qui, notoirement connu pour son appartenance à la religion musulmane,
se trouve volontairement dans un espace public ou à l’extérieur d’une
mosquée au moment de l’une des cinq prières, sans motif admis par cette
religion, est puni de l’emprisonnement d’un à six mois et d’une amende
de 12 à 120 dirhams »
A travers ce genre de lois, l’Etat s’autoproclame tuteur sur les
consciences des marocain(e)s alors que la religion concerne les
individus et ne peut être imposée par la force. Plus grave encore,
certains disent que cette loi protège les déjeuneurs de la société, on
parle dans ce cas d’une sorte d’Etat dans l’Etat ou d’un feu vert donné à
monsieur ou madame tout le monde de faire sa propre loi !
Arguments avancés par les pro-Articles 222
- « Manger en public est une provocation pour les jeûneurs ! »
D’abord, que veut-on dire par manger en public ? Si c’est la rue,
généralement personne ne mange en marchant dans la rue même en temps
normal. Si c’est le restaurant ou la plage, alors qu’est-ce qu’un un
jeûneur est entrain de faire dans un lieu pareil avant l’appel à la
prière du Maghreb ?
Abordons ensuite cette histoire de « provocation ». Les marocains
sont fragiles à ce point ? Plusieurs personnes de notre entourage direct
mangent devant nous sans problèmes : nos grands-parents, parfois nos
mamans ou nos sœurs, les enfants… Dans ma famille en tout cas, cela ne
pose aucun problème, bien au contraire, on rit de cela, qui d’entre nous
n’a pas eu un petit frère ou une maman qui le taquinait en passant
au-dessous de son nez un plat appétissant ou qui mange devant lui de
manière à ce qu’il/ elle nous rappelle la faim qu’on essaye d’oublier
lors d’une dure journée de jeûne ? Cela fait partie de l’ambiance même
du Ramadan.
- « Nous sommes la majorité, on fait ce qu’on veut chez nous, à vous de nous respecter, sinon partez, c’est la Démocratie !»
J’entends de plus en plus souvent cet argument et cela me consterne.
D’une part parce que c’est une définition qui vide la Démocratie de son
sens et de sa raison d’être. D’autre part parce qu’on dit à des
marocains comme nous de partir ailleurs comme s’il n’y avait pas de
place pour tout le monde dans ce pays, une phobie consciente et
volontaire de tout ce qui est différent ! Je m’adresse maintenant aux
personnes qui n’arrêtent pas de diviser la société marocaine en « nous »
contre « vous » en criant sur tous les toits que « nous sommes la
majorité » et que 99% des marocains sont musulmans. Comment peut-on
baser notre argumentation sur ce chiffre alors que la base des libertés
au Maroc, à savoir celle de la conscience n’existe absolument pas ! La
religion n’est pas un choix au Maroc : tu es, tu seras et tu resteras un
« notoirement connu » !
- « Même les étrangers s’abstiennent de manger devant nous par respect ! »
Vous l’avez dit vous-même : par respect, le respect par définition
n’est pas imposé par la force de la loi, il est spontané et volontaire.
Au Maroc il n’est pas question de respect, mais de crime punissable !
Après la contestation, je propose un compromis
D’accord pour l’interdiction de manger dans les lieux publics mais
pas tous, par exemple: les restaurants, les piscines, les plages… C’est
des lieux où -en principe- on ne trouve jamais de jeûneurs, autrement
dit, qu’est-ce qu’un jeûneur viendrait faire dans un restaurant avant le
Ftour pendant le mois de Ramadan ? Cela encouragera le tourisme et
redynamisera l’économie qui se ralentit chaque année durant cette
période à cause de pertes évitables et inutiles. De plus, l’interdiction
devrait toucher l’ensemble des citoyens marocains -juifs, musulmans et
autres- et non-marocains qui se trouvent sur le territoire du Royaume et
de toute manière le respect des jeûneurs viendra automatiquement et
volontairement.
Finalement, je trouve que la prison est exagérée, la peine devrait être réduite ou remplacée par une amende.
Voilà à quoi pourrait ressembler cette nouvelle loi 222 :
« Celui qui mange dans un lieu public fortement fréquenté par les
jeûneurs pendant le temps du Ramadan, est puni d’une amende de 12 à 120
dirhams »
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