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samedi 5 juillet 2014

Jeûnez ! C’est un ordre !

Par J20.MA
 Résonances 28/6/2014

Mehdi ElbayadHarira, Chabakya et controverses autour de la question du « jeûne », c’est le menu ramadanesque auquel on a droit chaque année le moment d’un mois.
L’article 222 du CP : Une loi malsaine aux dangers insoupçonnables !
« Celui qui, notoirement connu pour son appartenance à la religion musulmane, rompt ostensiblement le jeûne dans un lieu public pendant le temps du Ramadan, sans motif admis par cette religion, est puni de l’emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 12 à 120 dirhams ».
Le jeûne est donc obligatoire au Maroc pour la quasi-totalité de la population avec quelques exceptions. En plus des musulmans, il est imposé aux « notoirement connus pour leur appartenance à la religion musulmane », c’est-à-dire qu’à partir du moment où tu t’appelles Khadija ou Simohammed, tu es obligé de jeûner quelques soient tes convictions religieuses, ou du moins, faire semblant de jeûner.
Au Mcdonald’s par exemple, il est interdit pour un « notoirement connu » de manger sur place. Dès que tu fais ta commande, on te demande de présenter une pièce d’identité. Le simple serveur se transforme ainsi en agent de police, une sorte de policier de la promotion de la vertu et de la prévention du vice qui te demande pratiquement : « Quelle est ta religion ? ». Pire encore ! Rien n’est servi dès que la connotation du prénom est arabe ou islamique, car à partir de ce moment, tu fais partie des fameux « notoirement connus » sans pour autant appartenir nécessairement à l’Islam, je donne l’exemple de Brother Rachid et de Kacem El Ghazali qui sont respectivement chrétien et athée avec des prénoms purement islamiques !
Tout cela me rappelle une anecdote, Lorenzo Salemi, le célèbre photographe italien de souche, marocain de cœur, me raconta un jour ses mésaventures ramadanesques au Maroc. Il trouvait tout le temps des problèmes durant ce mois sacré dans les restaurants, les aéroports et autres lieux publics à cause de sa « tête d’arabe » et de son nom et prénom à connotation arabes ou islamiques, bien qu’il n’était ni marocain, ni musulman, ni « notoirement connu » !
Et puis, pas tous les musulmans jeûnent pendant le mois de Ramadan, tout comme les musulmans qui ne font pas leurs prières. D’ailleurs, la prière n’est-elle pas plus prioritaire que le jeûne en Islam ? Et le prophète ne dit-il pas que le jeûne n’a aucune valeur sans les 5 prières par jour ?
Les cinq piliers de l’Islam sont ordonnés de telle manière à ce qu’il faut remplir le premier avant de passer au deuxième. En effet, on ne peut être musulman sans faire la Chahada, on ne peut faire sa prière sans être musulman, on ne peut jeûner pendant le mois de Ramadan sans faire sa prière… La culture a visiblement pris le dessus, nous avons l’impression que le jeûne et le mouton de l’Aïd sont plus importants que la Chahada elle-même !
L’Etat marocain n’intervient pas pour imposer aux citoyens par la force de la loi de faire la Chahada ou les cinq prières par jour. Du coup, je n’ai pas pu m’empêcher d’imaginer un article 222 pour la prière, à quoi ressemblerait-il ?
« Celui qui, notoirement connu pour son appartenance à la religion musulmane, se trouve volontairement dans un espace public ou à l’extérieur d’une mosquée au moment de l’une des cinq prières, sans motif admis par cette religion, est puni de l’emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 12 à 120 dirhams »
A travers ce genre de lois, l’Etat s’autoproclame tuteur sur les consciences des marocain(e)s alors que la religion concerne les individus et ne peut être imposée par la force. Plus grave encore, certains disent que cette loi protège les déjeuneurs de la société, on parle dans ce cas d’une sorte d’Etat dans l’Etat ou d’un feu vert donné à monsieur ou madame tout le monde de faire sa propre loi !
Arguments avancés par les pro-Articles 222
  • « Manger en public est une provocation pour les jeûneurs ! »
D’abord, que veut-on dire par manger en public ? Si c’est la rue, généralement personne ne mange en marchant dans la rue même en temps normal. Si c’est le restaurant ou la plage, alors qu’est-ce qu’un un jeûneur est entrain de faire dans un lieu pareil avant l’appel à la prière du Maghreb ?
Abordons ensuite cette histoire de « provocation ». Les marocains sont fragiles à ce point ? Plusieurs personnes de notre entourage direct mangent devant nous sans problèmes : nos grands-parents, parfois nos mamans ou nos sœurs, les enfants… Dans ma famille en tout cas, cela ne pose aucun problème, bien au contraire, on rit de cela, qui d’entre nous n’a pas eu un petit frère ou une maman qui le taquinait en passant au-dessous de son nez un plat appétissant ou qui mange devant lui de manière à ce qu’il/ elle nous rappelle la faim qu’on essaye d’oublier lors d’une dure journée de jeûne ? Cela fait partie de l’ambiance même du Ramadan.
  • « Nous sommes la majorité, on fait ce qu’on veut chez nous, à vous de nous respecter, sinon partez, c’est la Démocratie !»
J’entends de plus en plus souvent cet argument et cela me consterne. D’une part parce que c’est une définition qui vide la Démocratie de son sens et de sa raison d’être. D’autre part parce qu’on dit à des marocains comme nous de partir ailleurs comme s’il n’y avait pas de place pour tout le monde dans ce pays, une phobie consciente et volontaire de tout ce qui est différent ! Je m’adresse maintenant aux personnes qui n’arrêtent pas de diviser la société marocaine en « nous » contre « vous » en criant sur tous les toits que « nous sommes la majorité » et que 99% des marocains sont musulmans. Comment peut-on baser notre argumentation sur ce chiffre alors que la base des libertés au Maroc, à savoir celle de la conscience n’existe absolument pas ! La religion n’est pas un choix au Maroc : tu es, tu seras et tu resteras un « notoirement connu » !
  • « Même les étrangers s’abstiennent de manger devant nous par respect ! »
Vous l’avez dit vous-même : par respect, le respect par définition n’est pas imposé par la force de la loi, il est spontané et volontaire. Au Maroc il n’est pas question de respect, mais de crime punissable !
Après la contestation, je propose un compromis
D’accord pour l’interdiction de manger dans les lieux publics mais pas tous, par exemple: les restaurants, les piscines, les plages… C’est des lieux où -en principe- on ne trouve jamais de jeûneurs, autrement dit, qu’est-ce qu’un jeûneur viendrait faire dans un restaurant avant le Ftour pendant le mois de Ramadan ? Cela encouragera le tourisme et redynamisera l’économie qui se ralentit chaque année durant cette période à cause de pertes évitables et inutiles. De plus, l’interdiction devrait toucher l’ensemble des citoyens marocains -juifs, musulmans et autres- et non-marocains qui se trouvent sur le territoire du Royaume et de toute manière le respect des jeûneurs viendra automatiquement et volontairement.
Finalement, je trouve que la prison est exagérée, la peine devrait être réduite ou remplacée par une amende.
Voilà à quoi pourrait ressembler cette nouvelle loi 222 :
« Celui qui mange dans un lieu public fortement fréquenté par les jeûneurs pendant le temps du Ramadan, est puni d’une amende de 12 à 120 dirhams »

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