Par Khadija Belliraj, demainonline
Opinion. Je m’appelle Rachida Belliraj, et je suis
l’épouse d’Abdelkader Belliraj. Je suis actuellement au Maroc pour
rendre visite à mon mari qui se trouve en prison.
Je suis la mère de trois enfants : Anas, Oussama, Yassine. Mon mari
est détenu depuis presque cinq ans maintenant. Je vis avec mes enfants
en Belgique, dans la ville de Gand, et nous vivons comme une famille
séparée. C’est certainement très difficile pour les enfants.
Quand Abdelkader a quitté notre maison pour la dernière fois, le plus
petit de nos fils avait trois ans et demi, aujourd’hui Yassine a huit
ans. Mes autres enfants sont maintenant dans l’âge de l’adolescence.
C’est sûr, ce n’est pas facile sans leur père, ils ont besoin de lui,
mais malheureusement, il n’est pas là, il est détenu ici, et on ne peut
le voir qu’une seule fois par an, pendant les vacances scolaires et
pour une durée d’un mois.
D’une façon générale la vie est devenue difficile sans Abdelkader. Et
cette détention est incompréhensible, nous ne savons pas pourquoi on
nous fait subir cette séparation.
Le dossier judiciaire avait déjà été traité avant l’arrivée du
nouveau gouvernement d’Abdelilah Benkirane, et avant que Mustapha Ramid
ne soit devenu ministre de la justice.
Ramid, avocat, était parmi ceux qui défendaient le dossier Belliraj,
le dossier qu’on appelle ici « Les six politiques ». J’avais de l’espoir
car Ramid est de ceux qui connaissent le mieux le dossier de mon mari,
et une fois ministre de la justice, nous espérions vraiment qu’il allait
règler cette situation intolérable.
On avait l’espoir qu’avec l’arrivée de ce nouveau gouvernement, et
avec Ramid comme ministre de la justice, il allait y avoir une
amélioration dans ce dossier.
Quand nous revoyons toutes les déclarations de Ramid du temps de la
lutte pour la libération des « six politiques », et la manière dont il
s’est dirigé à Mohamed El Marouani [NDLR : président du Mouvement pour
la Oumma, l'un des "six politiques"] : « Attention à ne pas oublier
le groupe qui reste en prison derrière toi. Il faut tout faire pour pour
que le reste des détenus retrouve la libérté. » Ces propos, vous pouvez les retrouver sur Youtube.
C’est pour cela qu’on a été surpris, à notre arrivée au Maroc,
d’entendre sa réaction face aux femmes des détenus et dire que le
dossier Belliraj n’était pas sa priorité pour le moment. Il le
consultera l’année prochaine, quand il aura du temps libre.
C’est sûr, on est désagréablement surpris.C’était une déception, on a été déçus.
On imaginait vraiment mieux, on était optimistes avec ce nouveau
gouvernement. C’est vrai qu’au début nous étions contents. Mais
aujourd’hui, nous sommes extrêmement déçus des déclarations de Ramid.
Quand j’ai visité Abdelkader Belliraj j’ai découvert un homme
affaibli physiquement, car il avait entamé une grève de la faim pendant
un mois, juste avant notre arrivée au Maroc. Du point de vue de sa
corpulence, il a perdu pas mal de kilos. Mais Dieu merci, il y a eu
l’intervention de Mme Khadija Rouissi. Elle a pu le voir en prison et le
convaincre d’arrêter sa grève, ou du moins de la suspendre. J’étais
contente lorsque je suis arrivée, car il ne faisait pas de grève.
En ce qui concerne ces cinq années de détention, est-ce qu’il y a eu un changement, une amélioration dans ce dossier ?
Tout d’abord, Abdelkader à été arrêté à Marrakech et non à l’aéroport
comme nous l’avons entendre dans les médias et par la bouche du
ministre de la justice.
Abdelkader a été enlevé dans un café et a disparu pendant un mois.
Nous l’avons cherché partout : dans les commissariats, dans les
hôpitaux, mais en vain !
C’est par les médias et par l’intermédiaire du ministre de l’intérieur que nous avons appris qu’Abdelkader avait été incarcéré.
Il a été enlevé, puis torturé. La famille a encaissé le coup, nous ne
savions pas où était Abdelkader et le pourquoi de sa disparition. Du
jour au lendemain, Abdelkader est devenu l’ennemi public n°1 au Maroc,
et cette affaire, l’affaire du siècle.
Le ministre de l’intérieur a donné des informations aux médias avant
même qu’Abdelkader ne soit présenté devant un juge. Une violation
flagrante du secret de l’instruction. Puis quand une question lui a été
posée sur ce détail, il a simplement répondu que ce n’était qu’un détail
futile et sans importance.
Dans un véritable État de droit, c’est une violation flagrante des
procédures judiciaires. Avant qu’Abdelkader ne soit présenté à la
justice, avant toute enquête, des informations vraies et fausses
paraissaient dans la presse.
Après un an de procès et plus d’une centaine de séances, Abdelkader a
été condamné à vie en première instance, une peine qui a été confirmée
en appel.
Dès ce moment, ma maison en Belgique est devenue la destination
prisée des médias belges et marocains et parmi eux la deuxième chaîne de
télévision publique marocaine, 2M. J’ai même été poursuivie par les
médias en voiture lors de la conduite de mes enfants à l’école pour une
déclaration.
Ils m’ont demandé une déclaration en face de l’école, devant tous les
parents. J’ai refusé, c’était honteux, et ils ont continué… Un lynchage
médiatique sans précédent. Vingt années de vie commune avec Abdelkader
et je n’avais jamais rien vu de tel ou ressenti qui pouvait amener à
la situation actuelle. Abdelkader qui a vécu quarante années en
Belgique n’a aucune relation avec cette soit disant « affaire Belliraj »
Khadija Belliraj
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