Monsieur Inglis,
Western
Sahara Resource Watch (WSRW) a pris note des plans de Kosmos Energy
pour commencer le forage d'exploration dans les eaux côtières du Sahara
Occidental occupé en octobre de cette année.
Comme il est évident
sur votre site Web et votre déclaration de positionnement daté de
février 2014 à propos de l'exploration des hydrocarbures au large des
côtes du Sahara Occidental, vous êtes conscient que le bloc Boujdour est
situé dans la région du Sahara Occidental qui est sous occupation
marocaine. La présence continue du Maroc dans la région est une
violation de la Charte des Nations Unies et de nombreuses résolutions de
l'ONU - les documents qui sont également mentionnés dans la déclaration
de positionnement de votre entreprise sur le Sahara Occidental.
Nous
aimerions attirer votre attention sur un élément-clé manquant dans ce
document de position. Comme il est justement noté, l'ONU considère le
Sahara Occidental comme un territoire non autonome. Ce que votre
document ne mentionne pas, c'est que le peuple du territoire, le peuple
sahraoui, a le droit reconnu à son autodétermination - un droit confirmé
de nombreuses fois depuis plusieurs décennies par la Cour
Internationale de Justice, un droit réaffirmé dans plus d’une centaine
de résolutions de l'ONU. Cependant l'exercice de ce droit est
continuellement bloqué par le Maroc.
Il est étonnant que
l'élément essentiel du droit à l'autodétermination ne figure pas dans
l'exposé de position de Kosmos, qui fait de grands efforts pour tenter
de démontrer que l'exploitation des hydrocarbures bénéficierait aux
Sahraouis et qu'elle serait même en accord avec un tel développement.
Cependant, il manque complètement l'essence même du droit à
l'autodétermination : le droit de déterminer le statut futur du
territoire et de ses biens.
L'avis juridique de l'ONU sur
l'exploration et exploitation minérale au Sahara Occidental (S/2002/161)
qui est fréquemment cité dans votre prise de position conclut que la
volonté et les intérêts du peuple sahraoui sont la base pour déterminer
la légalité d'une telle activité. Ironie du sort, l'avis est une réponse
directe à des travaux d'exploration effectués par votre ex-partenaire
Kerr-McGee sur le même bloc de Boujdour au Sahara Occidental occupé.
L'avis
confirme que le Maroc n'est pas la puissance administrante du Sahara
Occidental, et affirme que l'avis est rendu par analogie, comme si le
Maroc était la puissance administrante. Et - le Conseiller juridique a
conclu sur la base du droit bien établi - toute limitation des pouvoirs
de cette entité agissant de bonne foi s'appliquerait à un degré encore
plus grand à une entité non qualifiée de Puissance administrante, mais
seulement administrant de facto le territoire.
L'auteur de
l'avis a souligné cette distinction à de nombreuses reprises dans le
texte. C'est ce statut de facto que le Maroc a sur une partie du Sahara
Occidental.
L'administration de facto du Maroc d’une partie du Sahara
Occidental, un terme beaucoup trop distingué pour décrire ce qui est en
fait une occupation brutale et illégale, a peu de signification
juridique, et n'est reconnu comme une administration de jure par aucun
État dans le monde.
Le Maroc continue de bafouer les droits les
plus fondamentaux des Sahraouis qui vivent sous le joug de l'occupation.
Environ 160 000 réfugiés sahraouis qui ont fui pendant la guerre
continuent de vivre dans des conditions inhumaines dans les camps de
réfugiés algériens, situés dans la partie la plus inhospitalière du
désert saharien.
C'est ce régime (marocain) avec qui Kosmos
choisit de faire équipe pour des activités dans un territoire que
beaucoup ont fui, tandis que leurs parents restent dans un climat de
terreur constant. C'est ce gouvernement que Kosmos a choisi comme
partenaire et avec qui il co-signe une déclaration commune de principes.
Et c'est ce même gouvernement qui, selon votre entreprise, devrait
procéder à des consultations des parties prenantes - par le biais d’un
organisme créé par le roi du Maroc - qui prouverait que le peuple
sahraoui veut l’exploitation des hydrocarbures. On ne peut guère
attendre du Conseil économique, social et environnemental (CESE ) qu’il
agisse en tant qu'organe indépendant, avec des employés triés sur le
volet et nommés par le réseau du roi marocain.
Il convient de
souligner que le Maroc n'est pas en mesure de parler au nom du peuple
sahraoui, ou même de mener des consultations du peuple sahraoui. D'abord
parce qu'une partie importante de la société sahraouie réside dans les
camps de réfugiés du sud-ouest algérien, conséquence directe de
l'invasion par le Maroc et l’annexion de leur patrie. Deuxièmement,
parce que les Sahraouis qui vivent sous occupation marocaine n’ont
aucune chance de pouvoir exprimer leur opinion sans risque pour leur
sécurité physique. Bien que la déclaration commune Kosmos-ONHYM souligne
la nécessité pour le Maroc de suivre "normes internationales", le Maroc
lors de la session d'examen périodique universel du Conseil des droits
de l'Homme des Nations Unies en 2012, a expressément rejeté la
proposition de l'un des Etats membres de « veiller à ce que la
procédures d'enregistrement des organisations de la société civile,
notamment les organisations militantes pour le droit du peuple sahraoui à
l'autodétermination, soient conformes aux normes internationales ». Les
Sahraouis ne peuvent pas enregistrer d’organismes, partis politiques,
syndicats … pour la défense de leurs droits légitimes, contrairement au
préalable requis à l’application de l'avis juridique de l'ONU. Ainsi,
même si le Maroc et Kosmos ont tenté d'évaluer si le développement
pétrolier est en conformité avec les souhaits de la population, le Maroc
a rendu impossible un tel processus par les limites qu'il a placé sur
l'expression des opinions des Sahraouis.
Kosmos semble
catégorique que ses activités sont menées au bénéfice de la population
du territoire - mais là encore, il manque complètement le point de
l'autodétermination. Ce n'est pas à Kosmos de déterminer si oui ou non
ses activités seraient bénéfiques, ou dans l'intérêt ou la volonté du
peuple sahraoui, ni au roi du Maroc, au gouvernement ou à l'un des
organes institutionnels, de faire de telles affirmations. C'est le
peuple sahraoui, les seuls habitants originaires du Sahara Occidental,
qui a le droit à l'autodétermination sur son territoire et ses
ressources naturelles. Les souhaits du peuple sahraoui ne peuvent pas
être ignorés, et sont un point clé pour la compréhension de l'ensemble
du concept de l'autodétermination.
Kosmos mentionne qu'il est
déterminé à écouter toutes les parties prenantes. Le terme parties
prenantes serait très inapproprié pour décrire le peuple sahraoui, comme
peuple du territoire dans lequel Kosmos entreprend des activités
commerciales.
Kosmos a évidemment pris la position du Maroc - y
compris ses points de vue sur l'octroi de l'autonomie à un territoire
sur lequel il n'a aucun droit juridique - comme point de départ. Nous
vous serions reconnaissants d'entendre de Kosmos ce qui a été fait pour
obtenir le consentement du Front Polisario, l'autre partie au conflit,
et la façon dont ces vues ont été prises en compte. De même, nous
aimerions entendre de Kosmos comment il pense que la société civile au
Sahara Occidental peut exprimer librement sa volonté en ce qui concerne
cette question, dans un contexte où le Maroc au Conseil des droits de
l'Homme a ouvertement et spécifiquement refusé de se conformer aux
normes minimales internationales. L'ONU met les deux parties sur un pied
d'égalité dans la médiation des négociations de paix. En tant que «
responsible corporate citizen » comme il se décrit lui-même, se référant
en permanence à l'ONU dans son papier de position, nous ne voyons pas
pourquoi Kosmos ne fait pas faire la même chose.
En choisissant
de s'aligner sur le gouvernement marocain, à travers des accords et
déclarations communes, Kosmos Energy s'est transformé en un acteur
politique dans le conflit du Sahara Occidental. Le positionnement non
politique serait de soutenir les négociations menées par l'ONU, et
d’attendre le résultat avant toute activité au Sahara Occidental. Au
lieu de cela, Kosmos a décidé de soutenir les revendications intenables
d'un gouvernement tout occupé à faire taire tous les justes appels des
sahraouis à pouvoir exercer leur droit à l'autodétermination, le droit
humain le plus fondamental de tous.
Conformément à l'avis
juridique de l'ONU de 2002, nous appelons Kosmos Energy à reconsidérer
sa participation au Sahara Occidental occupé.
Nous espérons
savoir ce que votre entreprise a l'intention de faire exactement, et
nous attendons votre réponse à nos deux questions ci-dessus.
Pour votre information, cette lettre sera publiée sur nos pages Web, www.wsrw.org .
( sign. )
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