C’est deux fois plus qu’en 2012. «Pas de trêve hivernale, ni même de trêve des confiseurs, commente Philippe Goossens, chargé par la LDH de coordonner ce rapport, réalisé avec l’European Roma Rights Center (ERRC). «Le 20 décembre, 250 personnes étaient expulsées d’un camp à Ris-Orangis, en région parisienne. Le 3 janvier, c’était 133 personnes dont 82 enfants, à Saint-Etienne. Depuis, il y a aussi eu Perpignan, Thiais…», égraine-t-il lentement, lors de la conférence de presse mardi matin, au siège de la LDH.
En 2013, les autorités auraient ainsi fait évacuer 165 campements sur tout le territoire, selon ce décompte réalisé en recoupant les témoignages d’associations et les articles de presse. «Il y a plus de personnes expulsées en 2013 que de gens vivant dans des bidonvilles ou des squats, poursuit Philippe Goossens. Ce qui veut dire que certains ont vu leur campement évacué plusieurs fois dans l’année Notamment en périphérie des grandes villes, comme Lille, Lyon, Bordeaux ou Paris, où le nombre d’expulsions est plus élevé qu’ailleurs. En Ile-de-France, la moitié des expulsions se sont déroulées dans le département de Seine-Saint-Denis. «D’après certaines de nos sources, en Seine-Saint-Denis, les forces de l’ordre avaient prévu d’autres évacuations mais ont dû s’arrêter car elles avaient utilisé tout le budget !»

«Nous attendions autre chose de ce gouvernement»

«Ces évacuations forcées restent le mode de gestion de la minorité rom en France. Pourquoi ?», interpelle Dominique Guibert, vice-président de la LDH. «C’est la première année pleine d’exercice du gouvernement Ayrault. Nous attendions autre chose. Certainement pas une telle augmentation des expulsions», déplore-t-il.
Quelques mois après son arrivée au gouvernement, Jean-Marc Ayrault affichait pourtant une volonté de changement de cap. Il nommait «un préfet des Roms», Alain Régnier, chargé de faire appliquer la circulaire du 26 août 2012 visant à accompagner toute évacuation de solutions de relogement adaptées pour les familles.
«La circulaire est très rarement appliquée. Quand elle l’est, c’est de manière extrêmement disparate et tout à fait superficielle», taxe la LDH. Elle sert seulement de «paravent aux préfets». Philippe Goossens raconte : «Quand les services sociaux sont dépêchés dans les camps, ils font un recensement de la population mais ne proposent pas de réelles solutions de relogement. Ils négocient juste avec les policiers quelles familles seront prises en charge. Une dizaine seront hébergées pendant deux ou trois jours dans un hôtel géré par le Samu social. Avant de se retrouver à nouveau à la rue, avec parfois, en prime, une obligation de quitter le territoire français (OQTF) distribuée à l’hôtel…»

Harcèlement policier, plus que jamais

En pratique, donc, la politique envers la minorité rom, évaluée à 16 000 personnes en France, n’aurait pas changé d’un pouce depuis l’ère Sarkozy. A un point près. Depuis cette circulaire d’août 2012, la pression policière dans les camps serait encore plus forte qu’avant. «Ils viennent taper à la porte, à 4 heures du matin. Ils crient, ils nous demandent de partir», témoigne Maria Radu, une Roumaine d’origine rom vivant en France depuis six ans et qui a connu onze expulsions. Elle est venue devant la presse pour témoigner. «Le harcèlement policier ne date pas d’aujourd’hui mais il est devenu systématique. Cela simplifie leur travail le jour de l’évacuation», explique Philippe Goossens. Certains bidonvilles sont même entièrement désertés avant le jour J. La LDH en a ainsi décompté 13 en 2013.
Les familles vont s’installer un peu plus loin, dans la commune ou le département voisin. Sauf qu’à chaque fois, c’est une rupture de toute tentative d’insertion : rupture de scolarité pour les enfants, rupture de soins ou de recherche d’emploi. Alors que le président de la République tient sa conférence de presse ce mardi, la LDH demande : «Quand va-t-on en finir avec cette politique inique, coûteuse et inutile ?»