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samedi 18 janvier 2014

Cimade : «tournant historique» des politiques migratoires au Maroc ou effet de trompe-l’œil ?

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MAROC : Le tournant historique ? 

 Fil d'actualité n°4

 | Par Micheline Bochet Milon, GADEM, groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et migrants, 13/12/2013
Extrait du Pleins feux Maroc du fil d'actualité de Loujna Tounkaranké
Décembre 2013

En dépit d’une année marquée par des drames successifs, conséquences de la recrudescence de la répression, des violences policières ou du racisme, l’année 2013 sera-t-elle celle du «tournant historique» des politiques migratoires au Maroc où les étrangers et migrants se verront enfin reconnus dans la société ? On voudrait le croire, on pourrait même y croire au vu des événements politiques qui se sont succédés à un rythme accéléré ces dernières semaines.

En septembre, le Maroc présentait son rapport initial sur l’application de la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille devant le Comité des Nations unies (CMW) à Genève. A l‘initiative et sous la coordination du GADEM, des associations avaient élaboré collectivement, et remis au Comité, un rapport alternatif soulignant les nombreuses violations des droits fondamentaux des travailleurs migrants. Un rapport dont le CMW a, de toute évidence, tenu compte dans ses recommandations. 
Le jour de cet examen à Genève, le CNDH (Conseil national des droits de l’Homme) a rendu public, les recommandations d’un rapport intitulé Étrangers et droits de l’Homme au Maroc. Pour une politique d’asile et d’immigration radicalement nouvelle. Celles-ci insistaient sur la nécessité pressante d’une nouvelle politique publique en rupture avec les pratiques actuelles. 
Dès le lendemain, le Roi Mohammed VI s’est exprimé publiquement. Après avoir rappelé « la longue tradition d’immigration et d’accueil du Maroc due notamment à ses relations séculaires avec l’Afrique subsaharienne », il réitérait « sa conviction que la problématique migratoire, objet de préoccupations légitimes et parfois sujet de polémiques, doit être approchée de manière globale et humaniste, conformément au droit international et dans le cadre d’une coopération multilatérale rénovée ». 
Quelques jours après ces déclarations, plusieurs mesures étaient annoncées reprenant en grande partie les recommandations du rapport du CNDH : la création d’une commission ad hoc chargée d’examiner les dossiers des 853 réfugiés reconnus par le HCR afin de leur remettre un titre de séjour ; la réouverture du Bureau des réfugiés et apatrides (BRA) du ministère des Affaires étrangères, inactif depuis des années ; la création de deux commissions interministérielles chargées de la mise à niveau du cadre juridique et institutionnel de l’asile et de la lutte contre la traite des personnes, d’une commission visant la coopération internationale et enfin d’une commission ad hoc pour la mise en œuvre d’une opération exceptionnelle de régularisation de « certaines catégories d’étrangers en situation administrative irrégulière » du 1er janvier au 31 décembre 2014. Le 9 octobre, le ministre de l’Éducation nationale publiait une circulaire ouvrant l’accès à l’école primaire aux enfants « des pays du Sahel et susahariens ». 

Toutes ces mesures soulèvent un formidable espoir et on ne peut que reconnaitre « une vision nouvelle de la politique migratoire nationale » qui rompt avec le discours dominant jusqu’ici, à la fois sécuritaire et discriminant. Mais s’agit-il vraiment du tournant historique annoncé ?
Sans mettre en doute la volonté du gouvernement marocain d’écrire une nouvelle page de son histoire, de nombreuses zones d’ombre subsistent, suscitant interrogations et inquiétudes. La déclaration conjointe du Partenariat pour la mobilité conclu avec l’UE en juin dernier évoque plus une « gestion maitrisée de la migration » se focalisant sur les instruments susceptibles d’être déployés par les autorités marocaines pour lutter contre l’immigration irrégulière qu’une réelle promotion de la mobilité. Un axe qui fait craindre un durcissement de la répression à l’égard des migrants qui n’entreront dans aucun des cadres définis par la loi. De surcroit, la signature probable d’un accord de réadmission avec l’UE, auquel le Maroc s’était pourtant jusqu’à présent opposé, suppose la création de lieux d’enfermement, et constitue une nouvelle menace sur le respect des droits humains. 
Si depuis ces annonces aucune rafle n’a été notée à Casablanca et Rabat, les opérations d’arrestations collectives accompagnées de violences ont toujours cours dans les régions du Nord et de l’Orientale. Le GADEM déplore plusieurs morts dont celle de Moussa Seck le 10 octobre et de Cédric Bété le 4 décembre, tout deux « tombés » du 4ème étage d’un immeuble lors d’opérations de police à Tanger. Cette situation a conduit le GADEM à demander un moratoire contre les expulsions et les réadmissions des migrants non ressortissants. 
S’agissant du droit d’asile, malgré la réouverture du BRA (prévu dans par le décret de 1957 fixant les modalités d’application de la Convention de Genève), l’examen des demandes d’asile déjà enregistrées par le HCR et les nouveaux enregistrements sont à ce jour gelés sans qu’aucune disposition protectrice de cette catégorie de personnes n’ait été mise en place. 
Quant à l’opération « exceptionnelle » de régularisation, malgré une avancée majeure : la levée de la conditionnalité de l’entrée et du séjour irréguliers, les critères annoncés n’apportent pas la nouveauté espérée. Pour trois catégories concernées (conjoints de Marocain(e)s ou d’étrangers en résidence régulière au Maroc, et leurs enfants), les critères annoncés s’avèrent plus restrictifs que les dispositions de la loi 02-03 sur l’entrée et le séjour des étrangers. La seule vraie nouveauté concerne la régularisation des personnes pouvant justifier d’une présence de cinq ans sur le territoire … sous réserve de disposer de pièces nécessaires et probablement d’un document d’identité, ce qui ne sera pas le cas pour nombre d’entre-elles. Qu’adviendra-t-il de tous ceux qui  arriveront au Maroc après le 31  décembre 2014 ?

Alors tournant historique ou effet de trompe-l’œil ?  
La société civile devra être vigilante et veiller à ce que cette nouvelle politique migratoire soit élaborée et mise en œuvre dans le respect des droits humains. |

En savoir plus :
Communiqué associatif collectif, Le CMW exprime sa préoccupation sur les discriminations et violations des droits des travailleurs migrants au Maroc, 19/09/2013
GADEM, Pour les dix ans de la loi sécuritaire n°02-03, en finir avec la vision répressive des migrations, 26/11/2013
 http://www.lacimade.org/minisites/loujnatounkaranke/rubriques/205-Actualit-s?page_id=4748

  
Loujna-Tounkaranké

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