Henri Weber en 2007, lors de l'université d'été du Parti socialiste. (Photo Jean-Pierre Muller. AFP)
Interview Le député européen (PS), ancien de la Ligue communiste, refuse de renvoyer dos à dos les deux familles politiques.
Le député européen Henri Weber a été l'un des
confondateurs de la Ligue communiste, en 1969, avant de rejoindre le
Parti socialiste dans les années 80. Il livre son analyse des familles
politiques dites «extrêmes», en France, qu'il ne renvoie surtout pas dos
à dos.
L’extrême droite, au contraire, est xénophobe, raciste, chauvine, ultra autoritaire. Elle exècre les valeurs et l’idéologie qui sont à la base de notre République, et auxquelles la droite civilisée a fini par se rallier. C’est pourquoi l’alliance entre ces deux droites est si contre-nature. Raymond Aron disait de l’extrême gauche «elle a oublié que qui veut faire l’ange fait la bête», et de l’extrême droite «elle exprime la barbarie qui demeure sous la mince pellicule de la civilisation».
http://www.liberation.fr/societe/2013/06/08/henri-weber-l-extreme-gauche-et-l-extreme-droite-different-radicalement_909282
Après la mort de Clément Méric, certains responsables politiques, comme Jean-François Copé, ont mis sur le même plan extrême gauche et extrême droite. Qu’en pensez-vous ?
C’est une vieille ânerie. L’extrême gauche et l’extrême droite diffèrent radicalement par leur idéologie, leur projet, leurs valeurs. La première partage l’idéologie humaniste des Lumières et de la Révolution française : liberté, égalité, solidarité, droits de l’homme, démocratie... Mais elle pèche par excès : par ultra-démocratisme, ultra-volontarisme, ultra-rationalisme. Elle veut la démocratie directe et non la démocratie parlementaire, l’égalité des conditions, non l’égalité des chances et des droits. Elle croit que la volonté suffit à surmonter les difficultés et ne tient aucun compte des contraintes objectives et des rapports de force qui s’opposent à la réalisation de son idéal émancipateur. Mais au fond, l’extrême gauche relève de la même idéologie que la gauche, c’est d’ailleurs pourquoi l’une et l’autre peuvent s’allier aisément.L’extrême droite, au contraire, est xénophobe, raciste, chauvine, ultra autoritaire. Elle exècre les valeurs et l’idéologie qui sont à la base de notre République, et auxquelles la droite civilisée a fini par se rallier. C’est pourquoi l’alliance entre ces deux droites est si contre-nature. Raymond Aron disait de l’extrême gauche «elle a oublié que qui veut faire l’ange fait la bête», et de l’extrême droite «elle exprime la barbarie qui demeure sous la mince pellicule de la civilisation».
Les passerelles entre les deux gauches sont-elles plus que jamais d'actualité ?
L’effondrement du communisme à la fin du siècle dernier a réduit les différences idéologiques. Le Front de gauche a mis beaucoup d’eau dans son vin par rapport à l’extrême gauche que j’ai connue. Il a intégré partiellement les leçons du XXe siècle. Il ne clame plus «nationalisation-planification-autogestion», comme le faisait même le PS dans les années 1970. En fait l’extrême gauche actuelle est hémiplégique. Elle a conservé du marxisme sa critique radicale du capitalisme et de la société bourgeoise, mais elle a abandonné son projet alternatif : la socialisation des entreprises, la direction de l’économie par le plan, la démocratie des conseils de salariés... L’extrême gauche n’a aucune alternative crédible à opposer au projet réformiste d’une démocratie sociale, écologique et européenne que portent les socialistes. Cela crée des passerelles.Le rapport à la violence a-t-il aussi changé au sein des groupes d’extrême gauche ?
Sans doute certains groupuscules considèrent-ils que le salut est dans la violence, mais ils ne sont pas visibles. On n’est plus du tout dans la même situation que lors des années 70. L’extrême gauche, à cette époque, a mené des actions très violentes, notamment en Italie et en Allemagne, ce qui a mené aux années de plomb. Cette violence, l’extrême gauche française y a renoncé en 1973 [à l’issue de la dissolution de la Ligue communiste, ndlr]. Avant cela, elle agissait pour interdire aux groupes fascistes de s’exprimer dans l’espace public. L’extrême gauche a renoncé à cette méthode, contre-productive à mon sens, et a décidé de combattre l’extrême droite sur le terrain politique, et non plus par la violence. Je crois que c’est un progrès. La réponse principale, c’est d’essayer de traiter le mal, et non ses symptômes. Le mal, c’est la montée de l’insécurité sociale. C’est positivement qu’on viendra à bout de l’extrême droite.Celle-ci ne s’est-elle pas renforcée ces derniers mois ?
Elle a bénéficié d’une montée de la violence verbale et symbolique. Des gens qui ne viennent pas de l’extrême droite ont tenu des propos très excessifs à l’occasion des débats sur le mariage homosexuel. Quand la violence politique s’installe, cela crée des effets aux marges sur certains individus. Il faut rester très vigilant, car la situation économique et sociale se prête parfaitement à l’essor de ces groupes fascistes et nationalistes. D’autant que le recentrement du Front national, sous la férule de Marine Le Pen, leur libère un espace à droite. Pour moi, il faut recourir à la dissolution des groupes violents. Mais c’est le Front national qui constitue le véritable péril. Les groupuscules comme les Jeunesses nationalistes révolutionnaires ne sont que des épiphénomènes.http://www.liberation.fr/societe/2013/06/08/henri-weber-l-extreme-gauche-et-l-extreme-droite-different-radicalement_909282
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