Par Jalal Atlassi, demainonline, 3/6/2013
On peut vous raconter n’importe quoi sur le festival Mawazine, dans
les médias de propagande, ceux du pôle dit public, comme dans la presse
aux ordres, il n’en demeure pas moins que son maintien, par ces temps de
déficits, de chômage et de grave crises économique est une aberration
qui n’a aucune justification rationnelle.
Pourtant, il faut admettre
qu’entre détracteurs et défenseurs de ce festival on ne lutte pas avec
les mêmes armes : le combat est inégal et le bon sens des uns se heurte
aux arguments d’autorité, au mépris et à la violence policière des
autres. Quant le discours de la démagogie n’a, pour affronter celui de
la raison et du bon sens, que l’arrogance et la répression policière
contre ceux qui s’opposent pacifiquement à ce festival, c’est qu’on est
bien sous une dictature où les intérêts privés d’une infirme minorité,
soutenue par les moyens de coercition étatique, sont considérés comme
plus importants que l’intérêt général.
Bien qu’il soit difficile de résister au charme emprunté et au
glamour fallacieux d’un festival qui donne à certains l’illusion de
vivre dans un pays à la pointe du progrès, jamais la modernité ni le
développement des peuples n’ont été gagnés à coup de raccourcis, de
mimétisme à la carte ou d’anesthésie généralisée des consciences. Car,
c’est de cela qu’il s’agit, ni moins ni plus : un spectacle somptuaire
qui conviendrait parfaitement aux ressources d’une démocratie prospère,
dont les indices de développement, les performances économiques ou la
qualité des systèmes d’éducation et de santé justifieraient largement
une telle débauche de moyens. Mais pas le Maroc, cette lanterne rouge de
l’Afrique et du monde arabe en divers domaines.
Est-ce à dire, m’objectera-t-on, que les Marocains n’auraient pas
droit au divertissement, ni à la culture ? Bien sûr, les Marocains ont
tout à fait le droit à la culture, au divertissement et, surtout, à
l’art édifiant, mais cela dépend de la définition que l’on donne à ces
vocables et à l’idéologie qui les sous-tend. Cela dépend autant, sinon
plus encore, des moyens à disposition. En clair, pour un pays bien géré,
c’est-à-dire guidé par le souci de l’intérêt général et par le sens des
priorités, ce genre de manifestations – si tant est que ses initiateurs
disposent d’arguments rationnels valables – devrait être proportionnel à
ses ressources économiques, à la hiérarchie de ses besoins et à ses
valeurs culturelles.
Or si la seule finalité d’une telle manifestation est de redorer le
vernis de fausse modernité d’un régime sanctionné année après année dans
tous les rapports mondiaux (des droits de l’homme au développement
humain et du système de santé au triste état de l’éducation nationale),
si l’élite dirigeante de ce pays a perdu le sens des priorités et
continue de confondre les critères objectifs de développement avec les
signes extérieurs de prospérité ; et si, pendant que des stars mondiales
font danser plusieurs centaines d’insoucieux spectateurs aux
consciences hypnotisées, pas moins 170 prisonniers politiques
croupissent dans les prisons marocaines et d’autres citoyens se font
fracasser les crânes dans les rues juste parce qu’ils manifestent contre
ce festival ou pour leur droit à la dignité humaine qui leur a été
confisquée, alors il devient difficile de défendre cet autre aberration
digne du fait accompli des pires dictatures d’Afrique.
Après tout, qu’est ce que Mawazine si ce n’est un symptôme parmi
d’autres d’une élite dirigeante déconnectée des réalités dramatiques de
la majorité des Marocains, autant dire un spot publicitaire qui vante
l’image d’Épinal du « plus beau pays monde », sans rien révéler de la qualité authentique du produit. Or
sur cette qualité, largement relayée dans de nombreux rapports mondiaux
sur le Maroc, aucune propagande, aucun festival, ni aucun discours ne
réussiront à tromper les Marocains. Quant à l’argument fallacieux
consistant à présenter Mawazine comme un facteur de développement
économique et culturel du pays, depuis son avènement, il y a douze ans,
si vraiment ce festival était d’une quelconque utilité au regard
critères objectifs de développements, on en verrait la preuve dans les
(piètres) classements du Maroc, en tous les cas, ça se saurait !
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