- Par : Driss Bennani, Tel Quel, 10/5/2013
Des membres de la Minurso (DR)
Après avoir contré
la proposition d’élargissement du mandat de la Minurso à l’observation
des droits de l’homme, le Maroc a vu des manifestations éclater au
Sahara, faisant plusieurs blessés. Que s’est-il passé ?
La
trêve aura été de courte durée au Sahara. Quelques heures à peine après
le vote, par le Conseil de sécurité de l’ONU, de la résolution 2099,
plusieurs manifestations ont embrasé le sud du royaume. Sit-in
indépendantistes, confrontations avec les forces de l’ordre… on dénombre
déjà plusieurs blessés, aussi bien dans les rangs des manifestants que
ceux des forces de l’ordre. Certaines ambassades accréditées à Rabat
auraient même demandé des explications au ministère des Affaires
étrangères. “Ce qui se passe actuellement au Sahara ne doit pas nous
surprendre, affirme Abdelmajid Belghzal, militant associatif et membre
du PSU installé à Laâyoune. Pour le Polisario tout comme pour les
associations qui le soutiennent, le retrait de la proposition américaine
concernant l’observation des droits de l’homme par la Minurso est un
coup dur. Ces gens ne baisseront pas les bras. Ils tenteront par tous
les moyens de provoquer les autorités afin d’interpeller l’opinion
publique mondiale et leur démontrer que le retrait de la proposition
américaine était déplacé”. Mohamed Talib, membre du Corcas et militant
associatif, va encore plus loin. Selon lui, le Polisario aurait préparé
son coup plusieurs jours avant le vote de la résolution aux Nations
Unies. “Des délégations commençaient à arriver à Laâyoune bien avant
l’annonce du retrait de la proposition américaine. Certaines, comme les
représentants d’Amnesty ou des députés verts français et danois, sont
encore sur place et fournissent une sorte de protection morale aux
manifestants, explique-t-il. Ces manifestations devraient, selon toute
vraisemblance, se répéter assez souvent et mettront à rude épreuve les
promesses marocaines faites à la communauté internationale pour le
respect des droits de l’homme dans la région.”
Manifs à répétition
Tout
commence le jeudi 25 avril. En début d’après-midi, le Conseil de
sécurité des Nations Unies adopte officiellement une résolution qui
prolonge le mandat de la Minurso d’une année supplémentaire, sans en
étendre les prérogatives à l’observation du respect des droits de
l’homme au Sahara. Les officiels marocains respirent et jubilent de
cette victoire diplomatique. Au Sahara, l’ambiance est moins festive. La
réaction des indépendantistes se fait attendre. Sécuritaires et
autorités locales sont sur les dents. Le premier rassemblement est
signalé en fin d’après-midi à Boujdour. Les manifestants se seraient
réunis au domicile d’une activiste indépendantiste avant de se diriger
vers l’avenue principale de la ville. Le sit-in dure plus d’une heure,
puis se disperse dans le calme. La police suit la situation de loin mais
n’intervient pas. A Laâyoune, la soirée s’annonce plutôt calme. “A un
moment, nous avons cru qu’il n’y aurait pas de manifestations”, témoigne
cet habitant. Mais à 22h, des femmes et des enfants improvisent une
manifestation sur le boulevard Smara, en face du quartier Maâtallah,
duquel étaient parties les émeutes de 2010. Là encore, la police
n’intervient que pour fluidifier la circulation sur cet axe central de
la ville. Le rassemblement ne dure que quelques minutes.
Vendredi, les mêmes personnes se retrouvent au même endroit à partir de 17 h. La présence policière est plus visible. Les manifestants scandent quelques slogans en faveur de l’autodétermination et brandissent des drapeaux indépendantistes. La manifestation dérape cependant quand des inconnus caillassent les véhicules de police. Un officier arrive alors sur place. Il met son ruban rouge et vert et lance une sommation officielle aux manifestants. “Ceci est une manifestation non autorisée”, leur fait-il savoir avant de donner l’ordre de disperser le sit-in. Une course poursuite s’enclenche, des confrontations éclatent. Certains commerces du boulevard Smara ferment boutique. Bilan : plusieurs blessés dans les deux camps. “La police n’a interpellé personne et ne donnait pas l’impression de vouloir le faire”, indique cet habitant qui a assisté aux évènements. La ville ne retrouve son calme que vers 22h. Samedi et dimanche enregistrent, à nouveau, quelques escarmouches et leur lot de blessés légers.
Vendredi, les mêmes personnes se retrouvent au même endroit à partir de 17 h. La présence policière est plus visible. Les manifestants scandent quelques slogans en faveur de l’autodétermination et brandissent des drapeaux indépendantistes. La manifestation dérape cependant quand des inconnus caillassent les véhicules de police. Un officier arrive alors sur place. Il met son ruban rouge et vert et lance une sommation officielle aux manifestants. “Ceci est une manifestation non autorisée”, leur fait-il savoir avant de donner l’ordre de disperser le sit-in. Une course poursuite s’enclenche, des confrontations éclatent. Certains commerces du boulevard Smara ferment boutique. Bilan : plusieurs blessés dans les deux camps. “La police n’a interpellé personne et ne donnait pas l’impression de vouloir le faire”, indique cet habitant qui a assisté aux évènements. La ville ne retrouve son calme que vers 22h. Samedi et dimanche enregistrent, à nouveau, quelques escarmouches et leur lot de blessés légers.
Souriez, vous êtes filmés
Lundi
29 avril. La tension monte d’un cran. Le sit-in, programmé à 18 heures,
coïncide avec la sortie des classes. Les manifestants, eux, changent de
tactique. Ils arrivent par petits groupes et prennent des chemins
différents. Très vite, le boulevard est bouché. La police intervient
pour disperser les manifestants qui se déplacent à présent en groupe et à
bord de véhicules tout terrain. Les femmes poussent des youyous. Les
enfants caillassent les forces de l’ordre. Certains manifestants portent
des armes blanches et incendient les bacs à ordures au beau milieu de
la chaussée. “Nous avions vécu la même chose au moment de Gdeim Izik. Ce
genre de manifestants et de véhicules semaient la terreur dans la
ville”, se souvient cet instituteur sur place. En face, la police
n’interpelle (encore une fois) personne. Son intervention est ferme mais
mesurée, selon les témoignages recueillis auprès de plusieurs
observateurs sur place. Mieux, des brigades spéciales filment tout ce
qui se passe sur le terrain. Des vidéos, rapidement postées sur
Internet, montrent des enfants et des adolescents portant des armes
blanches ou des femmes simulant des chutes au moment où deux
représentantes d’Amnesty passent dans les parages. Sur ces mêmes vidéos,
on voit d’ailleurs les deux dames se déplacer dans la voiture
d’Aminatou Haïdar, grande figure indépendantiste. “Elles résideraient
même chez elle, ce qui est contraire aux principes d’impartialité d’une
ONG comme Amnesty”, affirme Talib.
Vigilance, vigilance…
“Le
Maroc doit rester vigilant, explique Abdelmajid Belghzal. La situation
est extrêmement tendue au Sahara. Ceux qui participent à ces
manifestations ne sont pas tous des indépendantistes convaincus. Dans le
lot, il y a plusieurs personnes qui sortent simplement exprimer leur
colère et leur sentiment d’injustice et de hogra. Ils voient que des
milliards sont chaque année consacrés au Sahara et que seuls quelques
rares privilégiés en profitent”. Ce point a d’ailleurs été soulevé par
le Conseil économique, social et environnemental (CESE). “Il n’y a pas
de mal à subventionner le Sahara. Encore faut-il s’assurer que ces
subventions parviennent à leurs vrais bénéficiaires”, avait notamment
déclaré Chakib Benmoussa lorsqu’il était président du CESE. “Durant
toutes ces années, le Polisario n’a pas réussi à créer une vraie base
arrière au Sahara. Il est donc obligé de surfer sur ces problèmes de
justice sociale pour mobiliser et tenter de déstabiliser la région.
En face, le Maroc n’a aujourd’hui plus le choix. Il doit concilier les impératifs de respect des droits de l’homme, de protection des biens et des personnes et de développement économique et social de la région. Le problème, c’est que le temps joue contre nous. Nous avons jusqu’au 30 avril 2014 pour prouver à tous nos partenaires qu’ils ont eu raison de nous soutenir au Conseil de sécurité”, explique Mohamed Talib, qui attire également l’attention sur la nécessaire activation des mécanismes locaux de protection des droits de l’homme. “Le CNDH et les ONG locales doivent jouer pleinement leur rôle. Monitorer les droits de l’homme selon les standards internationaux ne s’improvise pas”, ajoute-t-il. “Ces organismes doivent travailler davantage sur le terrain, et produire des rapports réguliers et indépendants. Le SG de l’ONU avait par exemple salué la création du CNDH. Le transformer en coquille vide serait un énorme gâchis qui nous coûterait très cher”, conclut Belghzal.
En face, le Maroc n’a aujourd’hui plus le choix. Il doit concilier les impératifs de respect des droits de l’homme, de protection des biens et des personnes et de développement économique et social de la région. Le problème, c’est que le temps joue contre nous. Nous avons jusqu’au 30 avril 2014 pour prouver à tous nos partenaires qu’ils ont eu raison de nous soutenir au Conseil de sécurité”, explique Mohamed Talib, qui attire également l’attention sur la nécessaire activation des mécanismes locaux de protection des droits de l’homme. “Le CNDH et les ONG locales doivent jouer pleinement leur rôle. Monitorer les droits de l’homme selon les standards internationaux ne s’improvise pas”, ajoute-t-il. “Ces organismes doivent travailler davantage sur le terrain, et produire des rapports réguliers et indépendants. Le SG de l’ONU avait par exemple salué la création du CNDH. Le transformer en coquille vide serait un énorme gâchis qui nous coûterait très cher”, conclut Belghzal.
Maroc - USA. L’orage est passé
Les
relations entre le Maroc et les Etats-Unis reprennent doucement leur
cours normal. En début de semaine, une délégation marocaine a été reçue
par le Secrétaire d’Etat américain, John Kerry. Conduite par le
conseiller royal Taïeb Fassi Fihri, elle comprenait également le patron
de la DGED, Mohamed Yassine Mansouri, et le ministre délégué aux
Affaires étrangères, Youssef Amrani. Le trio s’est aussi entretenu avec
les conseillers du président Barack Obama et le patron du Conseil
national de sécurité US. Objectif : faire oublier la mini-crise
diplomatique entre les deux pays et reprendre leur coopération,
essentiellement sur le plan sécuritaire.
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