- Écrit par Lakome25/2/2013
Traduit de l'arabe (Lakome) par Soufiane Sbiti
Tout va bien selon le ministère de El Khalfi. C'est ce que vient nous
dire un récent rapport officiel qui dresse un portrait flatteur de la
liberté de la presse au Maroc. Ceci, alors même que 2012, l'année dont
il est question dans ce rapport, est la période qui a enregistré le plus
d'exactions à l'encontre des journalistes qui pourtant ne faisaient que
leur travail en couvrant des manifestations. A propos de cela, le
rapport se contente seulement de mentionner que des mécanismes ont
conjointement été mis en place pour protéger les journalistes. Mais
aussi que le gouvernement en place s'est engagé à enquêter sur toutes
les violations présumées de la liberté de presse, et qu'aussi le
ministère de tutelle s'est déjà et d'ores chargé d'ouvrir ces enquêtes.
Le rapport en question ne mentionne à aucun moment où en sont arrivés
ces enquêtes.
Le rapport qui a été élaboré, en partenariat avec l'Institut National
de l'Information et de la Communication, mais aussi avec un nombre
considérable d'organismes a confirmé l'absence de violences ou de
violations graves de la liberté des journalistes.
Projet de réformes
Le rapport indique que l'année 2012 s'est caractérisée par le
lancement du processus de réforme du cadre juridique de la presse et de
l'adoption d'un code de la presse et de l'édition, ce qui ne reste en
réalité que des projets de lois.
Le rapport a aussi indiqué que des mesures ont été prises pour
faciliter l'accès à l'information, conformément à ce qui est stipulé
dans la nouvelle constitution, signalant que le Maroc est classé 2ème
dans le monde arabe pour ce qui est de l'accès à l'information.
Cependant, le rapport a omis de mentionner l'affaire des deux
fonctionnaires du ministère des finances, actuellement poursuivis pour
avoir fuité des informations révélant la corruption sévissant au sein
dudit ministère. Des poursuites qui sont considérées comme des
indicateurs négatifs.
Des journalistes marocains privés d'accréditation
Le rapport mentionne aussi la « forte présence » des médias étrangers
et des agences de presse internationales au Maroc, oubliant que deux
journalistes marocains, correspondants de l'AFP à Rabat avaient été
privés de pratiquer leur profession, ainsi que trois autres journalistes
du bureau d'Al Jazeera. Une interdiction de la part du gouvernement qui
n'a pas été levée jusqu'à aujourd'hui.
Plus que cela, le rapport dit du cas d'Omar Brousky, journaliste de
l'AFP s'étant vu confisquer son accréditation, que cela a été fait à
cause de considérations professionnelles, cela conformément à la loi en
vigueur. A rappeler que le retrait de l'accréditation du journaliste
Omar Brousky est dû à une de ses dépêches, expliquant que le fondateur
du Parti de l'Authenticité et de la Modernité (PAM) n'est autre qu'un
ami du Roi, en l'occurrence Fouad Ali El Himma.
Le rapport n'évoque pas le cahier des charges de l'audiovisuel
Selon le rapport, un cahier des charges consacré à l'audio-visuel
avait été préparé, il y était question de promouvoir le service public,
de réaffirmer le pluralisme des courants ayant accès à ce moyen et
d'encourager la créativité nationale. Mais ledit rapport ne fait à aucun
moment mention de la forte opposition à cette initiative,
principalement de la part de haut-fonctionnaires de l'État, avant le Roi
n'intervienne en personne pour imposer une refonte.
Le même rapport insiste sur le fait que ce cahier des charges avait
pour but de promouvoir le pluralisme politique en donnant un libre accès
aux partis de l'opposition. Sachant que jusqu'à présent diverses
personnes et associations restent privées de ce secteur.
La pub, tout va bien..
Selon le rapport en question, plus de 65 millions de dirhams ont été
consacrés pour la promotion de la presse écrite durant l'année 2012. Le
document estime que le marché publicitaire pèse 5.63 milliards de
dirhams, dont 35 % consacrés à la télévision, 25 % aux affiches
publicitaires, et 22 % pour la presse, alors que la radio représente 16 %
du marché total de la publicité. Le rapport ne mentionne bien
évidemment pas que la publicité est un instrument de pression pour
contrecarrer la presse indépendante.
De s'être fait tabasser pour s'être interposé entre policiers et militants ne lui a pas suffi pour comprendre qu'au Maroc on n'a pas le droit d'avoir des opinions, ni même les plus élémentaires sentiments humains ? NDLR
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Liberté de la presse au Maroc : L'hypocrisie du rapport officiel
Ristel Edimo, yabiladi, 26/2/2013
Le ministère de la Communication vient de publier son rapport
sur la liberté de la presse au Maroc. C'est le premier du genre depuis
l'adoption de la nouvelle constitution. Il offre un bilan bien trop
positif, éloigné de la réalité.
Aucune détention de journaliste?
Tout au long de l’année 2012, « aucun cas de détention d’un journaliste » n’a été enregistré, indique le rapport. Le cas de Rachid Niny, directeur de publication d'Al Massae, le plus grand quotidien arabophone du pays, n'est pas évoqué, alors que sa détention a valu au Maroc de nombreuses critiques de la part par d’ONG internationales, notamment Human right watch [HRW] et Reporters sans Frontières [RSF].
Rachid Nini, condamné depuis juin de l’année 2011, n’avait pas bénéficié, en 2012, le 11 janvier exactement, de la grâce royale accordée à de nombreux détenus à l’occasion de 68e anniversaire de la présentation du « Manifeste de l'Indépendance ». Il n’a été libéré qu’au printemps, l'an dernier, et le rapport n’y fait même pas allusion.
2013 est déjà entâchée, à son tour, par la condamnation du citoyen-journaliste Mohamed Attaoui, prononcée le 14 février dernier, et déjà dénoncée par RSF. Sans parler du cas de l'éditeur marocain Youssef Jajili qui risque un an de prison, accusé d'avoir diffusé de fausses informations, suite à un article publié en juin 2012, dans lequel il rapporte que le ministre de l'Industrie aurait dépensé 10 000 dirhams des fonds publics à un diner privé lors de son séjour officiel au Burkina Faso.
La violence à l’encontre d’Omar Brousky ignorée
Le rapport stipule également qu’il n’y a eu « aucun cas de violence ou exaction commise à l’encontre des journalistes », alors que les médias du monde entier ont relayé l’affaire d’Omar Brousky, journaliste et correspondant de l'AFP. Il a été frappé par la police pendant une manifestation, en août 2012, à Rabat.
La tutelle se félicite de la plus forte présence au Maroc de la presse étrangère accrédité, citant 106 journalistes étrangers, de 26 nationalités, accrédités pour exercer le journalisme dans le pays pendant l’année 2012. Parmi eux, 32 journalistes représentent 15 agences étrangères, note le rapport.
Le rapport minimise le retrait d’accréditation d’Omar Brousky, estimant que la sanction était due à des considérations professionnelles, conformément à la loi en vigueur. Le journaliste s'était vu retiré son accréditation pour avoir assimilé les candidats du Parti de l’Authenticité et de la Modernité (PAM) à des « proches du palais royal » dans son reportage sur les élections partielles de Tanger.
Pas de référence aux multiples censures d’El Pais
De manière générale, 2000 titres étrangers, dont au moins 61 quotidiens, 120 hebdomadaires, 560 mensuels et 213 périodiques, sont distribués au Maroc. En 2012, 29 millions d’exemplaires de ces titres étrangers ont été distribués dans le pays. Selon le rapport, il n’y a eu que des « cas assez rares de non autorisation de distribution de titres étrangers » au cours de l’année dernière, dus « principalement à la publication d’images pornographiques ». Que dire des différentes censures politiques subies par l’hebdomadaire espagnol El Pais ? Le rapport du ministère n’y fait aucunement référence.
Droit d’accès à l’information : Aucune réforme, rien que des projets
En matière de droit d’accès à l’information, le rapport indique que des mesures ont été prises pour faciliter l'accès à l'information, conformément à ce que stipule la nouvelle constitution, soulignant que le Maroc est classé deuxième pays du monde arabe où l’accès à l’information est le plus facilité. Cela n’empêche pas certains responsables politiques de refuser de répondre aux questions des journalistes, Yabiladi en sait quelque chose.
Le rapport annonce que le projet de loi globale sur le droit d’accès à l’information fera l’objet d’un débat national parallèlement à sa présentation au Parlement courant 2013. Il faut maintenant espérer que ce débat se déroule dans les règles de l’art et les recommandations de la profession soient prises en compte de manière objective. D'autant que la loi sur l'accès à l'information est attendue depuis 2011.
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