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vendredi 1 mars 2013

La révolte d’une « Louve musulmane »

 Témoignage rédigé par Martine Gozlan le Mardi 29/2/2013


Attention, dynamite ! On espère que nul n’intentera à Amale el Atrassi, auteur d’un témoignage saisissant, l’habituel procès en islamophobie qui guette ces temps-ci au coin du verbe...


La révolte d’une « Louve musulmane »Les mots, cette Française qui dénonce « l’Islam des illettrés » n’en a pas peur. C’est là-dedans qu’elle est née, sans savoir qu’il existait un autre Islam, une religion de  réflexion et de tolérance, inaccessible au destin d’Amale. Si la jeune femme cite quelques magnifiques sourates coraniques dans l’introduction à sa terrible histoire, elle ne les a découvertes que très tard.

Là où elle a grandi, près de Bourges, dans une famille d’immigrés marocains arrivée de son bidonville de Rabat, la religion se confondait avec la « tradition ». Et la tradition locale est dure aux filles et aux femmes. Non, on n’avait pas appris au père d’Amale que « le paradis se trouve sous les pieds des mères » comme le dit joliment un « hadith », une autre « tradition » fréquemment citée par les lettrés.

Mais de lettres ou d’esprit, il n’y en a pas dans le foyer où nait Amale. Les filles n’y existent pas. Elles ne devraient pas exister car seuls les garçons ont droit à une fête et à un regard au moment de leur naissance. L’accouchée d’un nourrisson femelle est maudite. La mère, jusqu’à l’arrivée de Farid et de Mustapha, vit un enfer.

Cet enfer que décrit Amale El Atrassi est commun à bien des Franco- Marocaines issues de foyers pauvres, de parents analphabètes. La tentation de se débarrasser des bouches féminines inutiles en les abandonnant contre leur gré « au bled » vaut chaque année quelques faits-divers tragiques mais vite oubliés. Amale et ses sœurs seront retenues prisonnières au Maroc pendant trois ans dans le bidonville d’origine de leur père. Chaque été, à son retour, il rivalise de mensonges pour assurer à ses filles que leur exil est une décision de justice. En réalité, il s’est bâti  une vie oublieuse en France avec les deux garçons, seuls dignes à ses yeux d’être élevés.  Chaque été, c’est le même déchirement pour les filles quand la voiture du père repart vers la France : « Des gamins courent en criant Fransa, Fransa ! Puis la voiture gravit la côte et disparaît au premier tournant dans un nuage de poussière. Nous regagnons la maison. La lourde porte métallique se referme sur nous, comme celle d’un caveau mortuaire »...

La saga de l’évasion des détenues laissera des blessures indélébiles à Amale et une réadaptation chaotique après son retour à Bourges. Tissée de vols et de violences, la résurrection de cette jolie fille sera difficile. Louve, elle est devenue. « Louve musulmane » elle se nomme, tant un islam trahi a dévoré son enfance. Sa mère, mariée de force à 16 ans à Choukri, un homme alcoolique et violent, mettra longtemps à réagir contre son propre esclavage.

Aujourd’hui encore, elle ne s’est pas défaite des réflexes ancestraux. Bien qu’elle se soit décidée à divorcer en contactant enfin les services sociaux, les enfants mâles ont investi toutes ses capacités d’amour. Amale, sœur de l’humoriste Mustapha El Atrassi, voit ainsi se redessiner les dominations d’autrefois, dans un monde où, en apparence, chacun a conquis enfin sa liberté. La supériorité du garçon demeure une forteresse. A fortiori celle du célèbre Mustapha, resté silencieux sur la tragédie de ses sœurs et trop distant, comme le lui crie Amale la révoltée.

La dénonciation d’une  culture archaïque et de « l’islam des illettrés » constituent des tabous que bien peu, aujourd’hui, osent enfreindre dans l’atmosphère de mensonges pontifiants qui nous entoure. Amale a pris la plume avec un courage qui lui vaudra  de nombreuses haines. L’intérêt de son terrible jet de confidences va bien au delà du destin personnel.

Là-bas, le Maroc est encore enserré dans un corset de souffrances dont les échos nous parviennent régulièrement : mariages forcés, obligation de marier la violée à son violeur, une loi aberrante qui a jeté récemment la société civile dans la rue. Ici, en France, les ondes de l’ignorance sont encore ressenties à la seconde ou troisième génération, dans ces trous noirs où un islam fanatisé fond sur l’islam des illettrés et l’occupe avec aisance et jouissance.

La seule réponse est républicaine, féministe et universaliste : éducation et égalité.     

* « Louve musulmane »par Amale El Atrassi. L’Archipel.

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